Rédigée par JLM sur l'ouvrage de HATON Jean-Paul : |
« Le raisonnement en intelligen certificielle. Modèles, techniques et architectures pour les systèmes à base de connaissances » Ed. InterEditions - Paris 1991. |
Voir l'ouvrage dans la bibliothèque du RIC |
L'ambiguité du titre, autant que la notoriété du coordinateur de ce manuel (J.P. Haton et une équipe du CRIN, Nancy) m'ont sans doute incité à le lire. L'I.A. ne s'entend-elle pas par le projet de modélisation des raisonnements potentiellement intelligents, et donc de tous les raisonnements dignes de ce nom ? Pourquoi dès lors en distinguer un sous ensemble qui seul, serait affecté à l'Intelligence Artificielle, voire aux systèmes à base de connaissances ? Quel pari épistémologique original pouvait justifier cette partition du champ des raisonnements ? Hélas aucune méditation sur la capacité d'un système à raisonner en manipulant des symboles ne justifie ce regroupement de "polycops" classiques sur la logique mathématique, le raisonnement approximatif (y compris les logiques multivaluées et floues !), les logiques temporelles, les raisonnements qualitatifs, classificatoires, par analogie, distribués, et sur quelques descriptions d'architectures apparemment assez confidentielles (rien sur ARC ou sur SOAR, qui ont dix années d'expérience, par exemple !).
Un premier chapitre expose certes le sommaire en l'argumentant succinctement. Mais comme les typologies s'accumulent sans se justifier ni se croiser, le lecteur se demande pourquoi on ne lui parlera jamais de logique naturelle, de raisonnement dialectique ou d'inférence rhétorique, ou encore en quoi le raisonnement procédural ou par généralisation différe du raisonnement formel ; ou pourquoi le raisonnement par analogie serait encore mal connu, ou pourquoi le raisonnement géométrique n'est pas un raisonnement comme les autres ? Cette inattention aux questions préalables sur la capacité de l'esprit humain à se représenter ses propres raisonnements (qu'Aristote, il ya 2300 ans avait tant travaillée que nous n'avons sans doute pas fait mieux depuis !), cette inattention laisse le lecteur dubitatif. Pourquoi s'approprier des outils si l'on ne sait pas pourquoi ils furent conçus, ni s'il n'en existe pas d'autres mieux adaptés à notre usage du moment ? Cette carence épistémologique nuit de plus en plus à l'enseignement et à l'exercice des nouvelles sciences et à ceux de l'intelligence artificielle en particulier ; surtout lorsqu'il faut quitter le havre paisible des simplistes cas d'écoles ! Certes il faut transmettre de façon aussi scrupuleuse que possible, la connaissance sub-théorie et technique des outils. Mais cet enseignement ne doit pas se satisfaire d'une déclaration de neutralité absolue ! Même les philosophes aujourd'hui nous y invitent ! Je lisais il y a peu le n° de juillet-sept 91 du bulletin de la Société Française de Philosophie (85ème année, n° 3, pp. 81-119), qui débattait "de quelques capacités et incapacités des machines" (et donc des "machines intelligentes"). Les interventions de J. Mosconi, F. Jacques, J. Proust, J.B. Berthelin ou D. Vaudène nous rappellent, s'il en est besoin, que nous pouvons fort richement raisonner sur nos raisonnements en gardant raison.
Fiche mise en ligne le 12/02/2003