"Le champ de l'éthique est miné" reconnait A. Findeli s'adressant à des ingénieurs et des concepteurs réfléchissant sur les responsabilités de leurs actions ("responsables mais pas coupables" ?), en concluant ce dossier original. Un dossier... bien conçu... qui rend compte d'un Symposium International organisé à l'Université de Montréal en 1991 sous ce titre. Un domaine tellement miné que l'on ne sait toujours pas "concevoir" des techniques de déminage ! Il importe donc de savoir que les champs de la technique et du Design, et plus généralement de la Conception et de l'Ingénierie, sont minés par d'innombrables questions éthiques enchevêtrées, que l'on peut seulement tenter d'identifier si l'on veut assumer ses responsabilités de concepteur, d'ingénieur, d'aménageur... et de citoyen. Miné par l'éthique mais aussi par les langues de bois : interrogé sur sa définition de "l'objectivité" du cahier des charges, A. Moles pouvait répondre qu'il parlait alors d'une "objectivité relative donc subjective" ! (p. 168).

Le grand mérite de cette originale réflexion collective est de mettre en valeur l'irréductible complexité de ces interrogations sur les responsabilités sociales et morales des "concepteurs-citoyens". Une réflexion qui ne conduit peut-être pas assez ici à une méditation épistémologique exigeante qui ferme la boucle de la conscience et de la science : pour être féconde, l'interrogation "science sans conscience ?" ne doit-elle pas aujourd'hui se réfléchir : "conscience sans science" ? La prochaine étape sera-t-elle celle qui nous fera passer par une relecture attentive des chapitres 5 et 6 de "Sciences des systèmes, sciences de l'artificiel" de H.A. Simon ? : Le paradigme de "La conception sans but final" (et donc celui de la rationalité procèdurale : "What shall be done next ?") ne peut-il nous proposer quelque intelligence de la conception... et des enjeux éthiques, esthétiques et sociaux de son exercice ?

JLM.