Rédigée par Jean-Louis Le Moigne. sur l'ouvrage de MIEVILLE Denis (Ed.) : |
« Relations formelles et non formelles » Ed. Centre de Recherches Sémiologiques de l'Université de Neuchâtel (Suisse), n° 61, 1993. 144 pages. |
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Quiconque a approché, fut-ce rapidement, les développements de la Logique Naturelle que développent depuis 25 ans J.B. Grize et le Centre de Recherches Sémiologiques de l'Université de Neuchâtel, ne peut manquer d'être impressionné par la pertinence de cette problématique pour nos exercices de modélisation de la complexité. Ayant le privilège d'aborder quelque fois ces travaux, je me demande souvent pourquoi les institutions d'enseignement et de recherche y attachent encore si peu d'importance alors qu'elles consacrent une attention considérable à tant de recherches en logique formelle soucieuses d'abord de fermer, et donc de simplifler arbitrairement le domaine qu'elles explorent. Réflexion générale qui me revient à l'esprit en lisant, avec un enthousiasme encorere nouvelé, le sobre Cahier n° 61 du CRS consacré aux "Relations" : les concepts d'objets ou d'individus, et de prédicats, ne posent guère de problèmes aux modélisateurs (et plus particulièrement aux informaticiens) qui cherchent à les relier aussi longtemps que ces objets sont perçus comme "des entités stables et non modifiables" ; mais "il en va tout autrement si l'objet est considéré en rapport avec l'activité logico-discursive qui l'ancre et le construit (ou le modifie) progressivement" (p. 1)... C'est-à-dire presque toujours pour la plupart des modélisateurs !! La mise en "relation" de ces objets en permanente autotransformation doit dès lors être sérieusement repensée. Et, conclut joliment D. Mieville, "la chose est délicate à plus d'un titre" (p. 6) !... Difficulté qui ne l'empêche pas d'entreprendre l'exercice avec quelques collègues du CRS.
Entreprise pour nous d'autant plus intéressante que chacun des trois participants de cette recherche sur "La Relation", va, par surcroît en quelque sorte, nous proposer une sorte de synthèse de la base conceptuelle sur laquelle il fonde sa réflexion :
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Martine Chavaz, en récapitulant l'essentiel du corpus de la Logique Naturelle (présentée dans sa genèse contemporaine), grâce à une lecture originale des principaux textes deJ.B. Grize, et de ses collègues du CRS.
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Denis Mieville en récapitulant, par une riche mise en perspective historique, l'essentiel de la pensée du philosophe et logicien S. Lesniewski (1886-1939) qu'il nous fait découvrir et dont il nous fait partager la lecture critique et re-constructive des "Principia Mathematica".
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Emilio Gatdco, enfin, en nous proposant une lecture des concepts de schèmes et de schématisation qui traversent la pensée de J. Piaget, et dont il réactualise et peut-être réoriente l'interprétation au service de la Logique Naturelle, fonction entre la pensée et le langage, par laquelle "l'étude du langage et sur le langage" nous livre quelques clés pour interpréter la pensée modélisant les complexités qu'elle perçoit.
A nous d'être capables de nous approprier cette intelligence à la fois formelle, substantielle et génétique de "la logique formelle", avec celle des logiques intuitionistes et des mathématiques non-standard (ou constructivistes) pour enrichir nos capacités modélisatrices des irréductibles complexités que subit et suscite la pensée humaine. Notre bibliothèque des sciences de la Complexité s'était déjà enrichie des principaux travaux contemporains sur la Logique Naturelle (bibliographie rappelée dans ce Cahier CRS n° 61). Elle bénéficie aujourd'hui d'une "nouvelle" entrée qui nous sera d'autant plus précieuse qu'elle constitue par elle-même une "entrée" aisée dans la Logique Naturelle".
Jean-Louis Le Moigne.
Fiche mise en ligne le 12/02/2003