Rédigée par JLM sur l'ouvrage de WITTEZAELE Jean-Jacques et GARCIA Thérésa, : |
« A la recherche de l'Ecole de Palo-Alto » Ed. du Seuil. Paris. 1992. 431 pages. |
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Les contributions de "L'École de Palo-Alto" aux sciences de la complexité pourraient être celles du "Xerox PARC" ("Xerox Palo-Alto Research Center"), d'où sont issues la plupart des grandes trouvailles du multi-media informatique (qui, depuis les concepts de "menus déroulants" ou de "gestion des fenêtres", transforment tant les rapports des humains avec leurs informations !). Mais cette image serait trop simple pour intéresser les sciences de la complexité. L'Ecole de Palo-Alto est une école qui n'existe pas (et qui ignore le Xerox Parc), dont les fondateurs contestent la légitimité, et qui semblent n'avoir d'autre réalité que celle de la métaphore (que j'emprunte à J. Miermont dans "L'Ecologie des liens") du Mythe devenant Epistémé sans avoir le temps de s'exprimer par quelques Rites (sinon ceux du rituel hommage que l'on rend à des figures symboliques telles que G. Bateson, H. Von Foerster ou P. Watzlawick !). Est-ce cette complexité symbolique qui suscite l'étrange attraction de ce mot : Palo-Alto ? (D'autant plus étrange, observait un jour B. de Hennin, que le héros symbolique de Palo-Alto pourrait être l'attachant "Monsieur Palomar" évoqué par Italo Calvino, qui s'attachait à concevoir "le modèle des modèles" de la complexité : lui rendrons-nous justice, un jour, en appelant "Institut Palomar" l'Institut Européen des sciences de la complexité ?).
Etrange attraction que ce nom d'une banlieue californienne : biologistes, mathématiciens, psychiatres, épistémologues, gestionnaires, économistes, nous savons tous son nom, qui devient un utile sésame dans le langage que construit aujourd'hui la systémique pour permettre aux disciplines de s'enchevêtrer enfin pour vriller les arcanes de la complexité de leurs propres regards. Les psychiatres et les psycho-thérapeutes, comme les écologistes et les médiologistes sans doute ont contribué pour de fort intelligibles raisons, à populariser ce nom devenu mythe, ce complexe de concepts identifiable et pourtant irréductible à toute définition. Mais leur seul intérêt disciplinaire n'eut pas suffi à susciter cette universalisation du vocable. Ce sont je crois, les questions qu'ils posèrent alentour pour tenter de comprendre ces fragments de discours qui leur arrivaient de Palo-Alto, et du M.R.I., entre 1956 et 1986, qui expliquent sans doute l'audience et surtout l'attention (parfois malveillante) que chacun aujourd'hui attache au mot "Ecole de Palo-Alto".
C'est sans doute cela qui fait l'intérêt de cette recherche historique (et presque journalistique) de deux psychologues du "Centre G. Bateson de Liège" : ils nous racontent à leur facon une histoire : une histoire que l'on a déjà racontée, et que l'on connaît déjà un peu, mais qui est suffisamment étonnante pour que l'on s'y intéresse à nouveau ; l'intelligence de la complexité se construit par ces complexifications enchevêtrées de nos regards sur ces mêmes histoires qui se transforment (et nous transforment) dès lors qu'on les raconte.
Récit facile à lire, moins superficiel que pourrait le faire craindre une allusion trop vite écrite au théorème de Gödel (p. 297), ou une involontaire redondance dans l'intitutlé de deux paragraphes : "Le chemin se fait en marchant" (p. 155 puis p. 263), sans qu'A. Machado reçoive l'hommage qui ici lui était dû ! La bibliographie, les notes et l'index en font un bon instrument de travail qui ne dispensera pas les chercheurs en sciences de la complexité de remonter aux "ouvrages de première main", qu'il s'agisse de G. Bateson, d'H. Von Foerster, de P. Watzlawick... et de nombre d'autres ! Peut-être regrettera-t-on que les grandes inattentions de l'Ecole de Palo-Alto ne soient pas soulignées (E. Morin, J. Piaget, H A. Simon, les Pragmatistes américains, etc...), mais les auteurs appréhendaient sans doute le "double bind" d'un autre changement de niveau, plus radical encore que ceux qu'ils avaient dû affronter en écoutant l'invisible Ecole de Palo-Alto.
JLM.
Fiche mise en ligne le 12/02/2003