Que vous soyez ou non concerné par l'Informatique, ce nouveau livre de J. Pitrat requiert d'urgence toute votre attention dès lors que vous vous réfléchissez à la façon dont vous pensez (... et donc, dont vous modélisez), dès lors que vous vous percevez en situation cognitive complexe (ni simple, ni évidente, ni claire et nette a priori !). Situation qui vous est sans doute familière, que vous considériez une question politique, une initiative hiérarchique ou pédagogique, un comportement affectif... ou le choix des livres à commander parmi ceux que présentent cette bibliographie commentée ! J. Pitrat a réussi une remarquable synthèse, présentée de façon à la fois judicieuse, exemplaire et... nourrie d'exemples, de ce que nous pouvons dire et enseigner aujourd'hui quant à la conduite cognitive de notre pensée, en "interprétant" (plutôt qu'en "compilant") son exceptionnelle expérience en Intelligence Artificielle (J. Pitrat est sans doute le seul chercheur français qui se consacre quasi exclusivement depuis 1960 à cette inclassable discipline née en 1956). Sa modestie est telle qu'il prétend ne s'adresser ici qu'aux professionnels de l'Informatique "que l'I.A. pourrait peut-être aider à mieux programmer"... d'où son titre, qui risque d'écaner les lecteurs qui ne font pas ou plus  de l'informatique leur tasse de thé préférée... tout en rebutant les informaticiens de profession, dont on craint la suffisance ("pourquoi penser autrement l'informatique alors que nous la pensons si bien !").

Je devrais peut-être reproduire les "sept préceptes pour bien penser" (mon interprétation) qu'il présente en une page de conclusion en assurant modestement ne faire que "récapituler les points qu'il a développés au cours de ce livre" (p. 198), mais je devine le risque de l'exercice : chacun se dira que tel Monsieur Jourdain, il les utilise depuis toujours et il ne les considèrera pas plus que les quatre préceptes du "Discours de la Méthode" de R. Descartes auxquels il déclare se référer sans les discuter ! Qu'on me permette pourtant d'en mentionner trois que je tiens pour si pertinents que je regrette souvent de penser trop tard à les pratiquer :

• j'appelle le premier le "principe de Pitrat" depuis que je l'ai découvert dans un de ses articles publié en 1990 : "Un système intelligent peut et doit s'observer lui-même"

• "Cherchons à connaître un grand nombre de représentations de nos connaissances"

• "En modélisant l'utilisateur, on s'adapte mieux à ses possibilités cognitives"

Si nous souhaitons nous construire une "culture intelligente", et développer notre capacité modélisatrice en situation perçue complexe, par "Symbol and Search" disaient A. Newell et H.A. Simon en 1976, ne pouvons-nous tirer parti de l'exceptionnelle expérience que réfléchit pour nous J. Pitrat ré-amorçant notre intelligence de l'intelligence... de la complexité ?

J.L.M.