Il faut tout d'abord souligner le caractère innovant de cet ouvrage et ceci de plusieurs points de vue.

Les auteurs se proposent en effet, de conduire une réflexion concernant les processus de "conception architecturale" de grande qualité et qui dépasse largement leur spécialité dans la mesure où on trouve ici les moyens de mettre en oeuvre de façon dynamique les mécanismes d'élaboration de modèles théoriques tout en ayant l'avantage d'être éclairé en ce qui concerne les "espaces de référence" au moyen de cas concrets. Nous reviendrons sur l'importance des thèmes abordés au niveau des sciences cognitives et de l'analyse des phénomènes complexes.

Signalons aussi dès maintenant la performance pédagogique (au sens large puisque l'ouvrage s'adresse aussi bien aux étudiants, aux enseignants qu'aux chercheurs) de ce travail qui fait de ce livre bien plus qu'un manuel, plutôt un outil de recherche. Les articulations entre les différentes parties sont éclairées de façon fort judicieuse par les exemples et nous percevons là une forte incitation à l'assimilation et la manipulation des concepts et des outils présentés, consolidée par la présence de nombreuses références bibliographiques allant de l'architecture à l'épistémologie en passant par l'ensemble des sciences sociales.

Comme nous l'annoncions cet ouvrage est donc le fruit d'un travail de recherche fécond concernant en particulier les mécanismes cognitifs de conception. On y découvre une méthodologie concernant la modélisation des processus de création liés à la notion d'"espace archirecrurologique" compte tenu du caractère multidimensionnel évident des interactions et des superpositions à prendre en compte, et on retrouve une notion clé en architecture qui est celle de projet dont les définitions sont multiples et vis-à-vis desquelles les auteurs privilégient ici l'approche cognitive. On est d'ailleurs frappé par la place faite à l'analyse des processus intentionnels sous-jacents, à la mise en oeuvre et en référence d'éléments porteurs tels que les différentes "échelles", les différentes "pertinences". Il est très satisfaisant de voir comment il a été ici possible de rendre compte des processus d'émergence de la réalité architecturale, de l'articulation des différents mécanismes mis en oeuvre, tout ceci dans une perspective procédurale, en particulier à travers les notions d'"embrayage" (prenant appui sur le réel pour élaborer des représentations, des constructions mentales...) ou d'"enchaînements" (liés à l'intentionnalité des acteurs...).

L'analyse des différents processus cognitifs abordés peut en fait s'appliquer à des domaines certes connexes comme celui de la création artistique ou musicale mais encore au domaine de l'intelligence artificielle, à l'approche socio-économique des mécanismes de décisions complexes.

Le concept d'"opérateur de transformation" en fonction de son autonomie potentielle permet d'élaborer un ensemble de processus non ordonné, non hiérarchisé qui, au coeur même de la conception architecturale, est à la base des heuristiques envisageables et traduit l'aspect créatif des procédures, tout en autorisant des va-et-vient du global au local, de la règle à la méta-règle, du modèle au méta-modèle.

Pour conclure tout en élargissant l'analyse, nous dirons quelle satisfaction intellectuelle on peut tirer de la lecture approfondie et en perspective de cet ouvrage, en particulier vis-à-vis des références qui sont faites à la complexité des phénomènes étudiés, à la façon dont l'analyse des processus cognitifs de conception débouche sur la gestion des compatibilités pour finalement poser un certain nombre de questions tout à fait pertinentes et séduisantes, en ce qui concerne pour ne citer qu'un exemple, la notion difficile à appréhender de "cohérence" en matière de conception et de modélisation.

M. Orillard