Rédigée par Sandrine Raynard sur l'ouvrage de MARUYAMA M. : |
« Mindscapes in Management » Dartmouth Pub. Cy., 1994, 145 p. |
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Quel est le point commun entre des penseurs tels qu'Aristote, Thomas d'Aquin, Kant et Descartes ? Ils sont du type-H, affirme Magoroh Maruyama alors que Kierkegaard serait plutôt du type-I, Heidegger du type-S et Sartre du type-G. Cette typologie hermétique pour le non-initié vise pourtant à rendre intelligible, par l'utilisation du concept appelé mindscape ou "paysage mental", les principales formes de logique existantes hier, aujourd'hui et demain, sur toute la surface du globe.
Le type-H désignerait les personnes qui recherchent la régularité et l'ordre et raisonnent de façon séquentielle. Les sujets du type-I quant à eux, apprécieraient les choses séparément et ne les percevraient pas en interrelation. Les individus du type-S produiraient des représentations du réel de façon simultanée, et développeraient une approche contextuelle. Le type-G -comme le type-S- percevrait certes, les interrelations mais au lieu de les appréhender dans une vision harmonieuse éternellement stable, leur attribuerait la possibilité de changer.
Afin d'argumenter sa théorie des mindscapes, M. Maruyama nous fait voyager dans divers pays dotés de logiques particulières. Mais les quatre types de raisonnement sont présents partout! Dans une même entreprise, un même département, tous les types coexistent pour le meilleur et... pour le pire.
M. Maruyama se réfère à d'autres travaux dont ceux d'Adorao et Sanford sur la célèbre F-Scale Theory affinée par Harvey, pour valider sa théorie des mindscapes. Endéveloppant des méthodes de recherche différentes sur des thèmes différents -puisque Harvey s'intéresse surtout aux domaines politiques alors que Maruyama porte un regard plus large sur les comportements mentaux dans des domaines tels que les goûts en art, le management bien sûr, l'architecture des villes, ... - ils parviennent à une typologie de cartes mentales quasi similaire.
Mais comment les déterminer, comment le manager, le directeur peuvent-ils atténuer voire gommer les différences éventuellement en conflit, ou encore comment tirer profit des potentialités de celles-ci ?
Si l'auteur ne répond pas façon convaincante à la deuxième question : brève allusion à l'institution d'un système de rotation de poste afin que les employés s'enrichissent de contextes inhabituels, il explicite en revanche, les procédures par lesquelles, il a lui-même découvert les quatre principaux types de logique (Chapitre 10).
Confronté rapidement, lors d'études dans de multiples entreprises, aux limites des tests psychologiques verbaux à cause des différences culturelles de concepts dans les langages, il s'attacha à concevoir des tests picturaux, où les sujets devaient classer, regrouper, mettre en relation des dessins (Cf. p. 124). Il élabora même un langage riche en symboles, où les mots sont représentés par des images, ou des associations d'images. (Le verbe "aimer" est symbolisé par un coeur à l'endroit, "détester" par un coeur à l'envers, alors que le verbe "interférer" est représenté par la conjonction du mot "main" et du verbe "aider").
Mais ces tests ont également des limites puisque les Asiatiques, plus habitués à raisonner à partir de dessins grâce à l'utilisation d'idéogrammes, réagissent non seulement beaucoup plus rapidement mais de façon beaucoup plus appropriée que les Occidentaux. De ce fait, M. Maruyama préconise aux dirigeants de s'en remettre aux conversations informelles sur des thèmes tels que l'art, les activités extra-professionnelles, les questions d'éthique afin de décrypter les différents types de logique coexistantes dans leur firme.
Mais est-ce le résultat qui importe ou les représentations par lesquelles nous tentons de rendre intelligibles les processus mentaux perçus complexes ? Le chemin se construit en marchant... Et bien que Maruyama se défende d'avoir élaboré une théorie exhaustive des comportements mentaux -puisque certains critères d'un type peuvent être présents dans un autre- les nombreuses et riches illustrations qu'il fournit enferment la complexité du mental dans ses quatre types dominants. Toutefois, nous ne pouvons que saluer l'effort de l'auteur pour comprendre et mettre en relief des types de logiques autres que la logique aristotélicienne et cartésienne. On peut se comporter en raison gardant par l'utilisation d'autres types de logique.
Sandrine Raynard
Fiche mise en ligne le 12/02/2003