Rédigée par J.L. Le Moigne. sur l'ouvrage de DE BECHILLON, D. (Ed.) et le G.R.T. de Pau : |
« Les défis de la complexité. Vers un nouveau paradigme de la connaissance ? » Ed. L'Harmattan. Paris. 1994. 213 pages. |
Voir l'ouvrage dans la bibliothèque du RIC |
"La perspective se fait plus claire d'un commun changement d'axe dans le regard des chercheurs. On en verra ici s'exprimer de nombreux témoignages sous la multiplicité des thèmes abordés...". L'optimisme de D. de Béchillon présentant dans ces termes ce recueil d'essais originaux (dont les animateurs du Groupe de Recherche Transdisciplinaire savent si bien organiser les convergences lors des rencontres de Carcassonne), est sans doute plus passionné que raisonné : il faut déjà vouloir changer de regard pour reconnaître "un changement de regard"... et il faut la ferveur de l'enthousiasme pour identifier une convergence vers quelque "axe commun" là où d'autres verront plusvolontiers un bouillon de culture ! Mais cette volonté et cette ferveur sont sans doute communicatives : l'insolite, voire l'incongru, sont décidément sources de méditations activant les stratégies intelligentes du lecteur qui accepte de tenir la complexité pour"l'Imprévisibilité essentielle" (P. Valéry) qui légitime "l'aventure infinie de la science". N'est-il pas insolite d'associer à des méditations presque prévisibles aujourd'hui de G. Balandier ("Ordre et Désordre") et d'Edgar Morin ("Ecologie des idées"), des études de fort riche et originale facture sur "Mozart et la complexité" (G. Levy), "La complexité de l'ordre juridique" (D. de Béchillon), "Pensée islamique et complexité" (E. Weber), "Ethologie et simplification" et "autocatalyse et complexité" par exemple... en les mettant en perspective de façon à la fois historique et épistémologique (J. Deschamps) ? Je ne suis pas certain que ces quinze auteurs aient délibérément cherché quelque convergence dans leur conception de la complexité... et je crois que leur lecteur est ainsi plus enrichi par cette diversité... plus désordonnée que ne le voudrait sans doute la paradigme qu'annonce le sous-titre de l'ouvrage !... Puis-je illustrer ceci par un autre exemple : sous le titre "Complexité et structures cérébrales : Piaget et Prigogine", Ph. Lestage commente une rencontre insolite entre le Maître de Genève et celui de Bruxelles, rencontre qui eut lieu en 1977, et qui mérite en effet un moment d'attention épistémologique que l'on a fort envie de prolonger aujourd'hui, lorsque de génétique, le constructivisme Piagétien devient téléologique (... et sans doute moins directement Piagétien et moins encore Prigoginien par là-même !) : Notre intelligence de la complexité, émergeant d e ladialectique de la Nécessité (ou du déterminisme Piagétien) et du Hasard (des fluctuations Prigoginiennes), devient Projet d'invention de possibles, stratégie intellige nte,téléologique. Le retour aux sources (Lamarck-Darwin, acquis-inné, etc...) reconsidéré par les regards croisés (et non convergents !) de Piaget et de Prigogine, n'est-il pas particulièrement stimulant... Même s'il révèle plus la complexité du défi... qu'il ne relèvele défi de la complexité !
J.L. Le Moigne.
Fiche mise en ligne le 12/02/2003