Rédigée par JLM sur l'ouvrage de ANDERSON Philip W., ARROW Kenneth J., PLINE David (Ed.) : |
« The Economy as an evolving complex system » Volume V of the Santa Fé Institute Studies in the Sciences of Complexity, AddisonWesley Pub. Cy. N.Y. 1988. 317 p. |
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Il existe, depuis 1984, un "Institut des Sciences de la Complexité,
qui fait de la compréhension des systèmes complexes un projet
essentiel pour la science contemporaine. Cet institut original publie son
volume V, au titre fascinant. pour rendre compte d'un colloque exceptionnel
co-animé par deux Prix Nobel : P.W. Anderson (Physique, 1977) et K.J.
Arrow (Economique, 1972) ; un projet ambitieux : économistes et physiciens
mathématiciens ("Natural Scientists") ne peuventils s'enrichir
mutuellement de leurs progrès méthodologiques, dès lors
qu'ils tiennent pour "complexes" les systèmes (naturels ici,
économiques là) qu'ils étudient ? En pratique, bien
sûr, la question était surtout : ne peuton renouveler
un peu le discours de la science économique en l'invitant à
considérer de plus près quelques unes des jolies
mathématiques et informatiques qui se sont développées
ces dernières décennies : théorie du chaos, théorie
de la dynamique des systèmes non linéaires, théorie
de la computation. théorie informatique de l'apprentissage, théorie
des réseaux neuronaux, etc. Exercice qui séduit fort les
économistes mathématiciens à l'affût de quelques
nouveaux articles permettant de proposer quelques habits neufs à un
corpus théorique tenu pour perfectionniste plutôt que créatif.
Exercice intéressant bien sur par la dynamique usuelle de toute rencontre
multidisciplinaire confraternelle. Sur le champ, on a certes l'impression
décevante de lire des producteurs de méthodes cherchant des
problèmes "réels" auxquels ces méthodes pourraient
s'appliquer, plutôt que des acteurs affrontant des problèmes
complexes et cherchant des méthodes pour les comprendre sinon pour
les résoudre ! Mais on sait que la chimie de la recherche se
développe volontiers dans ces situations contradictoires. On est sans
doute tenté de s'étonner de la superficialité des rares
échanges épistémologiques explicitant la "conscience
de la complexité" que partagent les participants. Mais on doit admirer
l'effort de lucidité des physiciens interrogeant les économistes
: en trois questions dont la pertinence semble incontestable (p. 258, Discussion
pleinière finale) :
1 : Pourquoi les économistes sous-estimentils ou
ignorentils le rôle des forces psychologiques, sociologiques
et politiques dans les systèmes économiques ?
2. La théorie des anticipations rationnelles avec prévision
infinie apparait évidemment fausse. Pourquoi estelle si bien
acceptée ?
3. Estce qu'un système peut adéquatement modéliser
l'innovation ?
Les "réponses" des économistes ou plutôt leurs
commentaires sur Ieurs espoirs de pouvoir un jour répondre à
ces questions sont scrupuleusement reproduites : la réduction
de la complexité à la complication semble encore constituer
le coeur de l'argument ! La modélisation de la complexité
comprise dans sa complexité, n'est pas encore familière ! Il
reste que ce type d'échange ouvert et relativement aisément
accessible, contribue précisément à cette réflexion...
; en la suscitant, certes, mais aussi en la nourrissant. Le seul Français
présent au Colloque de Santa Fé était le mathématicien
D. Ruelle ("Can non linear dynamics help Economics") dont les travaux sur
le chaos organisateur enrichissait il y a peu la réflexion d'Edgar
Morin plaidant pour le renouvellement des paradigmes (colloque CNRS 1990
sur 1'Interdisciplinarité, p. 28).
Fiche mise en ligne le 12/02/2003