Modélisation de la CompleXité
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"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
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Note de lecture

Rédigée par Mallet J Jeanne sur l'ouvrage de CHANGEUX Jean-Pierre :
« L'Homme de vérité »
     Ed. 0dile Jacob, Paris 2002, ISBN 2.7381.1119.X, 448 pages.

Le livre de Jean Pierre Changeux est remarquable à plusieurs égards : il présente de manière extrêmement claire, pédagogique et synthétique non seulement les travaux (y compris les plus récents) en neurosciences et sciences cognitives sur " réseaux neuronaux et cognition ", mais également les enjeux scientifiques, philosophiques et épistémologiques qui y sont rattachés. Cet ouvrage témoigne de la très grande culture de l'auteur, culture non seulement scientifique, mais aussi humaniste (questions philosophiques très présentes), ainsi que d'un goût prononcé pour la formulation d'hypothèses et de modèles théoriques ainsi que de propositions méthodologiques pour les tester.
On pourrait dire que c'est un livre de " scientifique humaniste " du 21 eme siècle, finalement très marqué par sa culture française et européenne qui le porte à l'extrême rigueur dans le plan de son exposé (remarquable par son découpage, sa logique de discours et sa progressivité dans l'argumentation), mais aussi à l'extrême rigueur dans la logique générale de l'ouvrage ou dans les argumentations plus thématiques ou sectorielles.
Donc un ouvrage qui, bien qu'exigeant à sa lecture, reste accessible aux étudiants de nombreux domaines, mais également à grand public, notamment scientifique, issu aussi bien des secteurs de la philosophie ou des sciences humaines que de l'intelligence artificielle, de la robotique intelligente ou des mathématiques. D'ailleurs les collaborations de J. P. Changeux aussi bien avec le mathématicien Alain Connes que le philosophe Paul Ricoeur nous avaient déjà montré les ouvertures possibles de son œuvre.
Retenons en trois de ses propositions principales :

- 1 - Une architecture souple et évolutive des réseaux neuronaux, architecture basée à la fois sur des hiérarchies " verticales " (avec arborescences), mais aussi de connexions plus " horizontales " et de " connexions à grande distance " . J.P. Changeux souligne que l'on observe l'émergence de cette architecture (et de sa construction-genèse), aussi bien en phylogenèse (espèces vivantes) qu'en ontogenèse (non seulement chez l'embryon mais dans les apprentissages divers ultérieurs)
- 2 - Pour J. P. Changeux, cette architecture dynamique est non seulement corrélée avec l'apparition de différents niveaux de conscience (par paliers successifs mais aussi en continuité : conscience minimale, conscience récursive, conscience réflexive) mais, selon l'hypothèse matérialiste couramment proposée aujourd'hui en neurosciences et sciences cognitives, qu'elle est également est causale : l'apparition ou émergence d'états de conscience, de plus en plus " réflexifs ", résulteraient de nouvelles connexions neuronales, plus intégrées.
- 3 - Enfin, dernière proposition centrale, l'activité neuronale du cerveau (notamment chez les mammifères supérieurs, et bien sûr chez l'humain ) non seulement est " réactive " aux stimulus externes, mais aussi le siège d'une activité interne " autonome " et " proactive " . J.P. Changeux rend compte ici de connexions neuronales " spontanées ", intégratives, produisant ce qu'il appelle des " hypothèses spontanées " ou " pré-représentations ". Mais ces connexions neuronales spontanées au lieu d'être vues comme corrélées à des états mentaux, sont proposées comme source de ces " pré-représentations " (pré-représentations qui sont de fait de nouvelles hypothèses synthétiques sur le monde, appelées à être testées par l'activité externe ou interne-cognitive du sujet).
Jean Pierre Changeux est, à bien des égards, non seulement impressionnant par son érudition scientifique, mais extrêmement interpellant et finalement émouvant dans sa quête qui nous concerne tous, y compris ceux qui a priori ne vont pas partager son orientation philosophique ou épistémologique, notamment sur la question fondamentale de la conscience, ce qui est mon cas. Mais, tout d'abord, je tenais à souligner comme me paraissent fondamentaux l'ouvrage et les débats soulevés, mais aussi sympathique la personne qui, dans le dernier parcours de sa vie personnelle et scientifique, continue à s'accrocher aux pentes vertigineuses et dangereuses des questions fondamentales, en un mot la personne qui vit sur la zone-frontière théorique, et de théories ouvertes sur l'avenir et à l'infini.
Mais pour avoir aimé, et continuer à aimer lire Bachelard, Bergson, Varela, pour ne citer que quelques-unes des références utilisées par J.P. Changeux parmi celles qui me paraissent pourtant porteuses de débat polémique sur les hypothèses qu'il retient, il me semble nécessaire de clarifier les points et les orientations qui me paraissent avoir été négligés (ou minorés) dans ces hypothèses, et que pourtant une lecture plus attentive notamment de Bachelard ou de Varela permettrait de redresser. Sous forme de boutade, on pourrait dire qu'en application d'ailleurs de l'approche théorique qu'il nous propose, J.P. Changeux (comme chacun d'entre nous) n'a pas encore voulu (ou pu) voir un certain nombre de directions pointées par ces auteurs, directions qui conduiraient (ou faciliteraient), par induction " spontanée ", de nouvelles synthèses (hypothèses théoriques formulée à priori) , donc de nouveaux câblages neuronaux intégrés ! Avec nécessité sans doute dans ce cas, de surmonter un certain nombre de " verrous " et " d'interdits à priori " qui canalisent, comme J.P. Changeux le montre si bien, ce mouvement " spontanément " intégratif et synthétique (aussi bien au niveau neuronal qu'au niveau conceptuel qui lui est corrélé).

Trois problèmes principaux seront ici soulignés :

1- tout d'abord la question du choix de la causalité plutôt que de la corrélation, choix qui n'est pas me semble t-il justifié ou fondé.

2- ensuite la question de la source de l'activité "spontanée" et "propositionnelle/intégrative " tant neuronale que cognitive (la source de " l'induction " dirait Bachelard).
Notons d'ailleurs que cette question se pose de manière aussi délicate dans l'option de la causalité que l'option de corrélation. Mais on peut toutefois souligner que, quand on pose l'hypothèse de la corrélation (non causale), la question de la " source " de cette activité " spontanée et autonome " devient plus lancinante et urgente : en effet alors, et seulement alors, la première causalité n'est plus là pour faire écran à un deuxième niveau de causalité, autrement plus redoutable, et non posé (reporté ou ignoré)) car embarrassant/difficile pour le chercheur en termes de propositions et d'hypothèses. Et c'est d'ailleurs ce dont nous avertit Bachelard : l'hypothèse synthétique, aussi aventureuse soit-elle, doit toujours advenir par induction et pour cela des verrous, des interdits doivent s'assouplir a priori, laissant la porte ouverte à de nouvelles synthèses créatives, inédites, mais bien sûr dans une non-distinction bien nette à priori entre folie et génie, pour le sujet qui la vit comme celui qui l'écoute. Toute l'histoire des sciences et plus largement l'aventure de la connaissance (aventure individuelle et/ou collective) se situe là.
J.P. Changeux le dit aussi, il le sait, et pourtant comme nous tous il se bat sans pouvoir cerner ou connaître ses propres " verrous". Car la conscience réflexive ne les voit qu'après la nouvelle synthèse faite ; connaître et comprendre c'est justement cela, cette activité de débordement intégratif et réflexif, qui requiert en amont un assouplissement de nos interdits, interdits qui reposent toujours sur la logique et le sens de ce qui est acquis (de ce qui est stabilisé) mais non de ce qui va advenir.

3- Apprendre n'est pas éliminer mais intégrer (ou synthétiser)
Ce point découle du précédent, mais mérite d'être souligné en lui-même car central En effet, dans les 4 premiers chapitres notamment, JP Changeux bien que signalant ponctuellement les phénomènes intégratifs au niveau neuronal comme cognitif, revient pour l'essentiel à la thèse proposée il y a vingt ans dans " l'Homme neuronal " : lors du développement de l'enfant, des connexions neuronales sont éliminées, d'autres au contraire stabilisées et " apprendre serait donc éliminer " (éliminer aussi bien les connexions neurones non utiles ou pertinentes, ou les idées/ propositions non pertinentes qui leur sont corrélées..). Mais si on se focalise, non pas le changement de connexions, non pas sur les éliminations ou émergences de connexions, mais sur la nature profondément intégratrice des dynamiques neuronales (ou de tout système vivant en dynamique de développement) on verra mieux qu'apprendre (ou se développer) c'est avant tout intégrer, ou synthétiser. Ainsi, s'il y a élimination (de connexions, de représentations..) ce n'est en quelque sorte que secondairement, comme conséquence directe de ce qui conduit d'abord la dynamique de synthèse intégratrice dans la phylogenèse ou l'ontogenèse.

En conséquence, on retombera sur le problème physiologique et philosophique de la question de " l'autonomie " des systèmes vivants (et de leurs sous-systèmes), de leur activité dite " spontanée ". Et par là même se posera le prix exorbitant à payer pour un usage, à la fois, socialement consensuel et stable du langage. Plus précisément, en phase d'exploration ou de créativité théorique, de l'usage stable de " définitions " de " mots/catégories " (tout spécialement ici dans nos thématiques ceux de " vivant " ou de " conscience " ). En phase créative notamment, il nous semble en effet qu'une double distanciation soit alors nécessaire dans cet usage trop stable et consensuel des dénominations et des catégories pour permettre, inductivement, de nouvelles synthèses intégratives, corrélées sans doute à de nouvelles connexions neuronales qui participent de ces recompositions catégorielles.

Deux volets préalables faciliteront le débat. :

Éléments de contexte : Le statut des sciences cognitives aujourd'hui et comparaison avec l'histoire récente de la physique
En fait, il nous semble qu'il n'y a pas seulement sur les points ci-dessus blocages théoriques, mais plus fondamentalement blocages épistémologiques et philosophiques, comme la physique a pu en rencontrer au début du 20 eme siècle : la physique quantique et la théorie de la relativité générale nous semblent en effet issues à la fois d'un " épuisement du descriptif " selon les termes classiques de la physique newtonienne qui en constituait le cadre, mais aussi et en même temps de l'accumulation de contradictions et paradoxes qui ont finalement abouti à une bifurcation générale, théorique et épistémologique comme le montre si bien Bachelard dans l'ensemble de son œuvre, notamment dans le Nouvel Esprit Scientifique. Cette bifurcation a dégagé un espace neuf qui intègre les cadrages théoriques précédants dans des espaces plus vastes…où les physiciens contemporains avec l'aide active des mathématiciens travaillent d'arrache pied aux contours de nouvelles synthèses, et notamment de la mythique " Nouvelle Théorie Unifiée " avec rebondissements théoriques permanents… Or, on pourrait dire que, pour les sciences cognitives et les neurosciences, le temps des grandes bifurcations n'est peut être pas encore venu, et ceci pour au moins trois raisons :
- Elles situent leurs descriptions dans l'espace-temps newtonien, et d'ailleurs dans ce cadre leur univers du descriptif est loin d'être épuisé; au contraire, les nouveaux appareillages permettent aujourd'hui de nouveaux " descriptifs " et la " cartographie générale " qui commence à peine à finir son inventaire au niveau génétique, garde des continents à décrire en ce qui concerne par exemple les câblages neuronaux (des continents propositionnels et/ou strictement descriptifs).

- Pour le moment, les contradictions ou paradoxes sont minorés ou écartés comme questions hors champs (hors champ scientifique ou hors champ des neurosciences) : ainsi, par exemple, dans le livre de JP Changeux, il nous semble que les termes, potentiellement problématiques, de " synthèse ", ou " d'intégration "…sont minorés à de nombreux endroits dans tous les chapitres (où est pointée la modification neuronale ou cognitive et non sa surprenante progressivité intégratrice). Car il nous semble que, plus celle-ci sera pointée, plus la question (qui est pour le moment certes sans réponse théorique ou paradigmatique) va apparaître et va devoir susciter une proposition ou hypothèse. Or le cadrage initial darwinien, choisi par J.P. Changeux, anesthésie artificiellement la question, en la présentant comme en grande partie réglée, et donc sans nécessité de débat : pourtant la question reste toujours et plus que jamais " Pourquoi, dans l'espace et dans le temps, l'évolution est synthèse et intégration , matérielle et /ou cognitive" . Notons que la théorie darwinienne ou néo-darwinienne ne répond qu'à ce qui se passe à l'étape suivante : sélection, survie des plus forts ou des plus adaptés…. ; alors que la difficulté de la question est celle de l'amont. Pour reprendre les propositions du biologiste Goult, l'évolution semble " buissonnante ". On pourrait dire, sous forme de boutade que " tout ce qui n'est pas interdit semble possible en terme de synthèse " et, ensuite, ne résistent, ne restent que les organisations qui se révèlent " viables ", donc par là même sélectionnées, et ceci que ce soit sur des bases physiques (synthèses matérielles-physiques, on pourrait dire " organiques ", ou sémantiques, corrélées sans doute à des connexions intégratives neuronales..). La question qui reste est celle de ce qui conduit (ou induit, ou est la source de, ou la cause de ), sur le plan de la phylogenèse comme de l'ontogenèse, les mouvements intégratifs, quels qu'ils soient, ce que Bachelard décrit comme " l'induction " spontanée et permanente, en apprentissage chez l'enfant comme en production théorique scientifique; la question se centre donc non seulement sur le mouvement sans arrêt élargi de la conscience réflexive et intégrative, mais de la profonde continuité intégrative non seulement sans doute dans l'histoire de l'unicellulaire vers le pluricellulaire, mais en amont de l'unicellulaire, dans la chimie " organique " , et au delà dans tout l'univers de la chimie et de la physique, fusse t-elle quantique. Mais n'est-ce pas alors d'aventureux " câblages neuronaux " trop lointains, certes risqués sur le plan de la gestion des carrières universitaires ou scientifiques ? Inversement toutefois, pourquoi figer nos catégories qui ne sont que des supports de computations, et en ce sens sont appelées à se recomposer en permanence, pourquoi rester prisonnier de la fonction strictement nominale du langage, et donc de mots dont la signification même doit évoluer avec le sens général théorique…Nous reviendrons sur ce problème du langage avec Bachelard (en particulier dans " La philosophie du non ", 1940)

- Les physiciens n'ont pas encore " envahi " le champ de la biologie et des sciences cognitives : constitution de peu d'équipes mixtes et d'objets de recherche communs ; et peu de biologistes, et encore moins de chercheurs en neuro sciences ou sciences cognitives, n'ont été formés en physique quantique, ce qui est sans doute dommage aussi bien pour la portée de la théorie que du cadrage épistémologique élargi qu'elle autorise.
Les problèmes et questions posées ci-dessus, bien sûr, ne sont pas résolus formellement par Bachelard, mais on peut considérer son œuvre comme une mise en alerte permanente, une manière de pointer sans arrêt sa propre attention sur eux et d'y conduire le lecteur; et on peut penser que ceci n'est possible que parce que Bachelard, sur un plan philosophique ou métaphysique, avait pour lui-même pris des options, qui n'étant pas des démarches scientifiques ne sont pas formellement exprimées dans son œuvre (sauf à la fin de sa vie) mais n'en constituent pas pour autant le " cadrage général " de ses propositions épistémologiques, le " câblage général " pourrait-on dire, ou le sommet de son " espace de travail " selon les termes de JP Changeux !.
La lecture de Francisco Varela, aussi bien dans les articles scientifiques cités par J.P. Changeux, que dans ses deux ouvrages propositionnels que sont " L'inscription corporelle de l'esprit " et " Quel savoir pour l'éthique " me semblent prolonger et préciser encore les orientations bachelardiennes ci-dessus et rejoignent aussi les propositions que l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan (1998) dans " Le Chaos et harmonie " ou encore de d'Espagnat (2002) dans " Traité de physique et de philosophie ".

(b) Problèmes de langage, de catégorisation et problèmes épistémologiques Revenons enfin plus précisément sur la question de la puissance du langage mais en même temps de l'emprise qu'il impose à nos dynamiques cognitives (avec sans doute les correspondances neuronales en terme de dynamiques intégratives). L'ouvrage de JP Changeux propose deux merveilleux chapitres, extrêmement fouillés et érudits sur la question du langage et de sa fonction comme support de la cognition (et support d'apprentissages découlant principalement d'interactions sociales). Toutefois, un point ne me semble pas avoir été souligné suffisamment dans ces chapitres : par l'usage de la langue et de la sémantique, aussi bien dans nos dialogues intérieurs que dans notre vie sociale, nous ne percevons pas combien en même temps la dimension nominale du langage est à la fois nécessité et blocage : nous sur-valorisons la stabilité des " dénominations " bien sûr nécessaire à la logique de computation et nous freinons ainsi nos dynamiques intégratives (neuronales et cognitives) par la pesanteur/stabilité que nous accordons a ces dénominations. En fait nous prenons trop au sérieux la dénomination, nous confondons le mot-sens avec le phénomène, avec ce que nous appelons le " réel ", le " vrai " ; nous manquons de souplesse, d'humour, de poésie. Inversement d'ailleurs on pourrait faire l'hypothèse que les sous bassements neuronaux de l'humour, et de la poésie sont les " catégories flottantes " ou à " bordure floue " et à rapprochement inédits et plus libres, plus lointains que ceux que nous nous autorisons d'habitude .
C'est ici que se joue sans doute le génie scientifique, comme l'histoire nous le montre….
C'est dans ce " en même temps ", dans ce subtil équilibre, dans une sorte de pré-disposition à se laisser envahir par des pré-représentations qui sont en fait le résultat de bifurcations viables en théorie du chaos, que se joue à la fois le critère de pertinence au niveau neuronal et au niveau cognitif. On peut en effet penser que la nouvelle configuration neuronale émergente correspond à un nouvel attracteur possible en théorie du chaos (attracteur issu de la configuration précédente et qui est un cas de figure parmi d'autres ) et que le sentiment intérieur de pertinence (Dan Sperber), souvent corrélé à une impression d'harmonie, de plaisir, de bonheur à priori (avant même d'être testé, avec récompense, sur le monde, comme le dit si bien Poincaré) est lui-même directement lié à des intégrations de logique (aristotélicienne et non aristotélicienne), que l'avancée des mathématiques dévoile de plus en plus.

Comme le montre déjà Bachelard, les problèmes épistémologiques, qui se traduisent aussi, n'en doutons pas, par des problèmes de logique formelle et aussi donc des dynamiques de câblages neuronaux, sont surtout " plombés " par notre habitude et attachement à confondre désignation et réalité : la fonction du langage dans la cognition est à la fois source permanente de production de catégories, mais aussi et en même temps décomposition/recomposition intégrative de ces catégories… (catégories qui par ailleurs correspondent à des nominations relativement stables dans le langage).
Ainsi, en matière de cognition, s'installe en permanence une compétition entre deux dynamiques concurrentes : une dynamique homéostatique qui vise à stabiliser les catégories, à bien préciser leurs contours (condition nécessaire pour un raisonnement à base de computation et de logique formelle), et une dynamique de recomposition permanente de ces catégories dans une dynamique intégrative, et de synthèse qui elle, inversement, brouille en permanence ces frontières catégorielles et les recompose. Nous sommes attachés à ces deux modes que nous expérimentons, mais notre habitude de parler, de discourir, de raisonner nous attache sans que nous en rendions compte au " nominal ", aux définitions stables, aux catégories; donc nous freinons, limitons et quelquefois nous interdisons des " propositions synthétiques à priori " par nos trop stables désignations.
Mais on peut penser ultimement que cette compétition entre cette double dynamique est inscrite non seulement dans la base même neuronale, donc dans le support matériel et physique de la cognition, mais aussi (au delà de la spécificité neuronale) dans tous les systèmes matériels et physiques que nous connaissons : pluricellulaires, mono-cellulaires, mais aussi systèmes physico-chimiques élémentaires (comme nous en avait déjà averti Prigogine).
In fine, il reste alors la question de la source inductive des dynamiques intégrative et de leur racine commune, une question qui avant d'être métaphysique est aussi, et peut être avant tout peut être, de physique quantique.

Fiche mise en ligne le 04/04/2003


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