Modélisation de la CompleXité
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"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par André de Peretti sur l'ouvrage de LE MOIGNE J.L. :
« LE CONSTRUCTIVISME, TOME 2, EPISTEMOLOGIE DE L’INTERDISCIPLINARITE »
      Ed. L’Harmattan, 1992, ISBN 2 7475 3471 5, 362 pages.
Voir l'ouvrage dans la bibliothèque du RIC

Il n'aurait pas suffi à nos attentes - ni convenu à l'éthique des recherches interdisciplinaires, de plus en plus inviscérées aux besoins de notre temps - de ne disposer, fut-ce par les soins de Jean-Louis Le Moigne, que d'une 'Somme' d'études consacrées à empoigner jusque dans ses 'Enracinements' le Constructivisme : en un tome I.

Il nous importait que le déploiement des multiples ramures du dit constructivisme soit poursuivi, pourchassé, avec passion, jusque dans les 'formidables buissonnements' de théorie ou de pragmatique emmêlant sciences jeunes ou vétustes, non sans des bruits et tintamarres scientistes et assourdissants : en un tome II faisant resplendir l'Epistémologie de l'interdisciplinarité.

En ce tome, est-ce à nouveau une 'Somme' , Ou plutôt, en volutes de référentiels, ne serait-ce toute une série de bibliothèques interconnectées, superposées, proposées à nos avidités computatrices et batailleuses : une 'inter-somme' !! Puis je dire plus simplement que ce tome II est fait pour rester toujours à portée de nos mains, prêt pour des consultations et reports fréquents ou occasionnels dans son texte ou ses notes : tant il est dense, et vibrant d'érudition autant que d'humour (rassurant pour ma nature 'pensive' !).

Aussi bien il nous est et sera loisible de puiser dans cette 'inter-Somme', des linéaments d'intelligibilité - complexes, naturellement - donnant le 'design' - ou 'disegno' - suivant lequel voir et modéliser les conflits de légitimité dans les recherches et les enseignements. Car il y a bel et bien à apprendre et ré apprendre des vifs et tournoyants historiques qui couvrent débats scientifiques, ostracismes réactionnaires et sorties libératrices hors des byzantinismes postmodernes , tels qu'ils nous sont rapportés ou contés avec verve : de quoi reprendre notre souffle !

Qui plus est, nous nous sentirons sans répit, en la compulsion de ce riche 'Livre d'Heures', sollicités de ne pas contrevenir à l'éthique de la Connaissance et de la Reconnaissance. Epistémologie d'abord ! Et toujours ! Sommes-nous, serons nous assez rigoureux, dans l'apprêt de nos projets de conception et de décision, comme de recherche ? Alerte, alerte !

Il est si vite fait de se défiler ou de se rendre, platement, à la tentation des 'illusoires conforts de l'objectivité' ou bien des tendres tautologies ! Il est si 'académique' de s'en remettre à de bonnes vieilles positivités, réputées commodes (ou à des oxymores) ! Il est si tentant de tourner le dos à la complexité, au nom d'une Logique coupante 'dualismante' oserai-je dire : même si celle ci peut s'avérer ébréchée ! Ne sommes-nous pas en pleines crises face à l'exubérance des Technologies et des Paradoxes échappant au fil du Rasoir d'Occam ? !

Oui, Crise de Civilisation, et Crise baroque des Cultures… par ce tome II, nous voilà dûment invités à nous 'représenter' sans faux-fuyants, au cœur de celles-ci, la Crise du Systèmes des Sciences, la science saisie par la systémique et ses redoutables récursivités. Représentation, 'architecturale' ou 'théâtrale', soit ; Mais pourquoi pas 'participation', bataillant contre les laisser-aller épistémologiques, ici et là, et pour notre part (à nous qui sommes du parti du 'Faire' !).

Alors, représentation sereine ou participation belliqueuse, that is the question (or the problem ?). Hamlet soit qui mal y pense ! Et sus aux usurpateurs constipant l'autorité scientifique ! car Jean-Louis Le Moigne nous place devant nos responsabilités, sur la scène pathétique d'une bataille mahàbharatique en laquelle s'affrontent des adversaires déterminés : regroupés de part et d'autre, respectivement(ou non), autour de deux étendards .

D'un coté, une masse bigarrée se retrouve, pour nos regards, dressée derrière un étendard frappé d'un monogramme où s'entrelacent les lettres D et C . De l'autre coté, se concerte une troupe vaillante autour d'un étendard marqué d'un triangle d'or P S M ? Décryptons : D comme René Descartes (susceptible d'avoir fait une 'erreur' selon Damasio et quelques autres), et C comme auguste Comte (mettant 'Ordre' avant 'Progrès' sur le drapeau Brésilien !). En face, P. comme Jean Piaget, S. comme Herbert Simon, et M. Comme Edgar Morin, en bonne 'Méthodes' ! (On pourrait tout de go rajouter Gaston Bachelard, mais aussi léonard de Vinci et G Vico et P.Valéry !)

C'est sous ces références altières que se déroule et redéroule devant et sous nos yeux un combat aux péripéties interminables - J'avais pu les croire surannées après les apports décisifs de Max Planck, Louis de Broglie, Werner Heisenberg, Kurt Gödel, Ilya Prigogine, … Etais-je naïf ? ! - Un combat, baroque dirons-nous, entre les adeptes inflexibles des 'cartésiano-positivistes' et les tenants tranquilles d'un 'constructivisme' en émergence luxuriante, ceux-ci tirant avec eux, en vortex, le 'système spiralé des sciences'.

On peut voir ici que je bascule depuis une imagerie guerrière sur l'usage de métaphores physiques. Me le reprochera-t-on ? je répondrais, pour ma défense, que je me sens depuis longtemps soutenu, pour le bon usage , indispensable, des métaphores - n'en déplaise au couple Sokal-Bricmont - , par les séminaires au Collège de France, traitant s' " Analogie et Connaissance ", et qu'animèrent des amis tels qu'André Lichnerowicz, Gilbert Gadoffre ainsi que François Perroux. (Voir Editions Maloine, 1980).

Qui plus est, je me sens présentement ré encouragé par l'exemple vigoureux que nous donne Le Moigne en forme de 'bouillon de culture épistémologique'. Il ne dédaigne pas de passer d'un déploiement spiralé des disciplines à 'une matrice paradigmatologique' (entre autres 'matrices'), mais aussi à un 'moulin pédagogique', et enfin, au delà d'un 'plan de câblage de l'univers', à une 'île volcanique ' représentant l'éruption bouillonnante des " nouvelles sciences, et en particulier des sciences de conception, les sciences d'ingénierie " ! Il décrit celles-ci d'une façon étourdissante : Que de présentes fécondités ! Et quels avenirs…

On peut bien voir, par le style que j'adopte ici, les vives stimulations que me procurent les développements ourdis par notre ami Jean-Louis Le Moigne, en avant-garde de nos réflexions et de nos inventions, ou de nos transmissions et précautions. Il faudrait des livres et des livres pour commenter les réflexions qu'il nous inspire ! Mais il me faut être plus modeste.

Je noterai, cependant, que je retire, de ma lecture attentive, une solide confirmation de mon refus des absolutismes de pensée ou de référenciation monocorde, ainsi que d'une logique rabougrie, plutôt plus que moins scolastique. J'en retiens aussi le renforcement d'un compagnonnage de bonne humeur, et de bon aloi, avec les penseurs et les décideurs interdisciplinaires autant que disciplinaires (foi de psychosociologue !).

Je vois aussi qu'accueillir la Complexité, c'est bien 'co-naître' - au sens claudelien - 'à' la variété foisonnantes des impressions et des efforts humains, en 'obstinée rigueur', mais aussi suivant des comportements 'rusés'(sage Métis). C'est , aussi bien, faire confiance à un organisme vigilant qui fait confiance à l'invention, au 'génie', et, en conséquence, qui s'intéresse au déploiement d'une ingénierie toujours plus digne des ferveurs de la Renaissance et du Baroquisme, avec leurs courbes et contre-courbes, et dans la proximité accrue de la Nature et du Cosmos 'voilés' dans leurs mystères ingénus. !

Sans -doute aurais-je aimé que le principe de 'moindre action' fut reconnu jusque dans sa fantaisie 'extrémale', et non pas dans sa seule 'parcimonie' ou sur des excès d'optimisation. Mais je me rallie à la poursuite de processus de décision satisficing, affectif autant que raisonnable et rationnel ! 'Ne quid nimis' m'a toujours convenu.

De plus, j'aime me fier à la densification progressive d'une 'Noosphère', qu'Edgar Morin reprend avec justice à Pierre Teilhard de Chardin, en vue d'accéder à une 'Noologie' : afin de mieux comprendre comment 'les idées s 'assemblent' , et par quelles conditions les systèmes se structurent et se constituent, quitte à nous surprendre !

En fin de compte - et de conte ! - je reste enthousiaste à propos du développement fabuleux des technologies et des myriades de sciences en interactions réelles et potentielles, même s'il me faut admettre de voir leur enchevêtrement s'enchâsser dans une construction aussi étrange et déroutante que celle dans laquelle Umberto Eco nous entraîne à chercher, au-delà de la terreur ou horreur du Rire, 'la Nom de la Rose' !

Je me convaincs, après tout, qu'il est possible de s'aménager un 'chemin ' en marchant dans le dédale caverneux des 'rayons' d'ouvrages de disciplines multiples - et certains même incunables - vaquant entre des jeux de miroirs, autour de séquelles d'échelles secrètes ou raides, suivant des renversements de perspectives et d'aboutissements à ,la mode d'Escher, sans compter les chausse-trapes et des labyrinthes extravagants, benoîtement structurés pour aviver nos passions et nos risques… !

Il reste, il est vrai, en ces cheminements serpentins et bruyants, à se fier à la 'dive bouteille' de l'Epistémologie, toutefois sans 'dérapages oniriques'. Elle peut nous conduire à quelque 'économie' de langage et d'élégance, que nous pouvons déjà observer dans l'aventure mathématique ou dans les compressions de numérisation !

Et je promets de continuer, mieux que jamais, à 'projeter' pour connaître, attiré instamment par un malin, un ulysséen 'finalisme' ! Toutes chose ayant une fin … sauf la gratitude pour ceux qui nous encouragent à penser et œuvrer en apprivoisant la complexité ! Que l'un d'eux se reconnaisse ici …

André de Peretti

1Je ne puis m'empêcher de penser, métaphoriquement, à une telle lutte-dilemme, telle qu'exposée par Ignace de Loyola à la méditation décapante de courageux volontaires, aux prises avec des 'exercices' éprouvant, sans laisser d'échappatoire, leur conviction pour le bien ! …
2Il y a aussi les deux 'H' paradigmatiques : 'Husserl et Hegel', sans oublier le troisième H : Heidegger, pour les uns, Héraclite pour les autres !
3J'aurais aimé que puisse être 'filé', dans la métaphore, les possibles projections de cendres épistémologiques qui pourraient recouvrir des constructions scientifiques, lesquelles seraient cachées, mais réservées pour des fouilles ultérieures : Pompeï, Herculanum. N'en fut-il pas ainsi pour le concept d'énergie ? ! A redégager avec un " Aristote infiniment plus souple "…. !

Fiche mise en ligne le 20/09/2003


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