Modélisation de la CompleXité
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"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
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Note de lecture

Rédigée par LERBET-SERENI Frédérique sur l'ouvrage de DEMOL Jean-Noél (ed.) :
« DIDACTIQUE ET TRANSDISCIPLINARITÉ »
     Edition l’Harmattan, 2003, ISBN : 2-7475-4610-1 • 202 pages • 16,8 € • juillet 2003
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Coordonné par Jean-Noël Demol, cet ouvrage se propose d’interroger quelques unes des perspectives ouvertes par l’idée de transdisciplinarité dans le champ de la formation professionnelle, qu’elle soit initiale ou continue. Ancré dans la collection « Alternances et développement », l’ouvrage témoigne des questionnements que les dispositifs de formation par alternance peuvent générer, questionnements qui concernent évidemment en retour toute formation soucieuse du fait qu’un enseignement « réussi » est une production incessante de sens singulier et multiples pour celui qui apprend. Son titre sonne comme une provocation, si l’on veut bien reconnaître que les connaissances produites par l’entrée didactique sont essentiellement celles d’une discipline particulière, et que l’idée de « didactique générale », aussi séduisante qu’elle soit, n’a pas trouvé à se construire autrement que par la généralisation d’une didactique particulière. Associer, donc, didactique et transdisciplinarité, invite à questionner le statut de « discipline » : s’agit-il de concevoir une transdisciplinarité qui maintiendrait son entrée disciplinaire comme le suggère le terme « didactique » ? S’agit-il d’envisager une didactique de la transdisciplinarité ? S’agit-il d’explorer dans quelle mesure la transdisciplinarité transforme les conceptions classiques de la didactique de telle ou telle discipline? De la didactique en général ?

L’ouvrage débute par une mise au point historico-théorique bienvenue des deux notions clés du titre, en les posant également au regard de notions connexes comme celles de pédagogie, d’interdisciplinarité ou de multidisciplinarité, et des paradigmes sous-jacents aux acceptions repérées. Cette introduction se poursuit par ce que l’on peut nommer les enjeux de la transdisciplinarité en formation, de la posture épistémologique du formateur (« attitude transdisciplinaire ») aux ingénieries de formation cohérentes avec ces visées. Enfin, elle présente les contributions et les cheminements de praticiens-chercheurs de leurs auteurs.
Cinq contributions nourrissent cet ouvrage, contributions que l’on peut lire dans leur complémentarité : ancrage disciplinaire, généraliste comme technologique, de la situation d’enseignement/apprentissage ; représentations des élèves, des formateurs et des familles sur la discipline ; dimensions personnelles, professionnelles et institutionnelles qui alimentent les ingénieries de formation, comme les processus d’évaluation. La complexité de ces situations s’y trouve ainsi reconnue, tant au sein de chaque chapitre qu’au travers des chapitres, par la pluralité reconnue des différents niveaux possibles d’intervention, et par la reconnaissance des liens souvent paradoxaux qu’entretiennent entre eux ces différents niveaux.« Concevoir et construire des connaissances en mathématiques, cas d’élèves en formation par alternance » (Giliane Vaterkowsi), «  Formation, éducation physique et alternance : questionnements croisés » (C. Dubois-Héron), « Construire son identité et/ou apprendre à vendre » (C. Fauvre), « Pour une pédagogie du lien : pluri, inter et transdisciplinarité en formation BTS » (J. Buguet), « Entre aliénation et émancipation : cas de deux ingénieries de formation/évaluation associées » (F. Vialle) : dans chacune de ces contributions, l’étayage théorique est de fort bonne facture, s’appuyant sur des modèles qui permettent non seulement d’investiguer les problématiques dans le paradigme constructiviste, mais même parfois de tenter son dépassement. C’est ainsi le cas des contributions qui réfèrent à la modélisation des hiérarchies enchevêtrées de J. – P. Dupuy (C. Fauvre, F. Vialle par exemple), pour lesquelles on peut toutefois regretter que le modèle soit utilisé pour une formalisation des processus repérés, sans ouvrir sur une discussion épistémologique pourtant sous-jacente au recours à un tel modèle. Mais on peut également considérer que le propos de cet ouvrage ne résidait pas dans de tels débats, sa visée concernant davantage les perspectives de réflexion et d’action sur lesquelles sont susceptibles d’ouvrir certaines recherches menées dans le champ de l’alternance.

Au final, ce dont témoigne peut-être le plus fermement cet ouvrage serait le bien fondé d’une formation des formateurs à et par la recherche. A la question générale : « Comment enseigner autrement que par la seule transmission disciplinaire ? », l’ouvrage répondrait quelque chose comme : « L’engagement du formateur dans un processus de recherche transforme son propre rapport au savoir, et, donc, aussi, celui qu’il entretient avec les savoirs à enseigner de sa discipline ». Car le chemin heuristique personnel permet l’expérience de production de savoirs nouveaux, savoirs que l’on peut identifier comme transdisciplinaires pour la personne dès lors qu’ils relèvent de la recherche-action, et qui l’amènent à pouvoir envisager pour d’autres qu’elle-même (pour ses élèves par exemple) des possibilités analogues de cheminements cognitifs, comme à inventer des ingénieries de formation davantage à même de soutenir de tels cheminements.
Ainsi, aux questions initiales que la conjonction « et » du titre pouvait laisser entrevoir, cet ouvrage répond en écho cohérent avec le paradigme constructiviste de référence : la question de la « discipline », et donc des « savoirs » au sens disciplinaire du terme, que portent en eux les deux termes de « didactique » et de « transdisciplinarité », n’est pensable qu’au prisme du rapport, des relations qu’un sujet entretient avec elle, assumant que les savoirs n’existent pas en eux-mêmes mais sont des construits humains. Ce rapport aux savoirs est transformable, par exemple au travers d’une expérience de chercheur : cette transformation met le didacticien-formateur au travail de ses représentations disciplinaires et tend à transformer sa pratique. A la question d’une didactique transdisciplinaire répondent ainsi des questions de formateurs-chercheurs aux prises avec leurs pratiques singulières, pratiques à la fois didactiques et transdisciplinaires, par lesquelles ils inventent des réponses en contexte, ouvertures à d’autres recherches.

Frédérique Lerbet-Sereni


Fiche mise en ligne le 02/11/2003


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