Note de lecture
Rédigée par LERBET Georges sur l'ouvrage de MUGUR-SCHÄCHTER Miora et VAN DER MARWE Alwyn ed. : |
« QUANTUM MECHANICS, MATHEMATICS, COGNITION AND ACTION. PROPOSALS FOR A FORMALIZED EPISTEMOLOGY » Dordrecht, Boston, Londres, Kluwer Academic Publishers, 2002, ISBN 1 4020 1120 2, 493p |
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Ndlr. On trouve le sommaire détaillé de cet important ouvrage dans sa présentation à la rubrique 'Bibliothèque du RIC', http://archive.mcxapc.org/ouvrages.php?a=display&ID=42. Outre les textes de M. Mugur-Shachter, on peut aussi lire des études de F Bailly, de H. Barreau, de M. Bitbol, de M.Paty, de R. Vallée, de G. Longo, de E. Andreewsky, de E. Bernard-Weil, de V. Schachter. La note de lecture de G Lerbet porte principalement sur les textes centraux de M.Mugur-Schachter, qui caractérisent dans son ensemble la problématique épistémologique de l'ouvrage. Il va sans dire,' Unité dans la Diversité', que cette interprétation n'est nullement exclusive d'autres réflexions qui pourront se poursuivre au fil des échanges.
La pratique scientifique dans le domaine de la physique s'est trouvée confrontée à des problèmes d'échelle de mesure quand les paramètres des objets de cette discipline ont du être appréciés au niveau microcosmique infra atomique. Dès la fin du XIXe siècle, cette nouvelle physique, nommée mécanique quantique, a fini par être admise. Dès lors, elle a été utile afin de questionner l'actuel tel qu'il émerge dans le domaine de l'observable. Cet observable se situe au sortir d'appareillages sophistiqués et d'outillages mathématiques riches des conjectures interactionnelles. La forte probabilité prédictive de ces conjectures laisse alors penser que cette actualité procède d'un potentiel que l'on peut relier à l'idée de vacuité (vacuum) dans son acception d'irrésolution qui n'implique pas nécessairement le vide (empty).
Parmi les bouleversements méthodologiques et heuristiques qui sont alors apparus, l'un des plus remarquables concerne la difficulté d'opérer un traitement distinct entre ce qui est de l'ordre du sujet-chercheur et de celui de son objet. Ainsi, dans le même temps que cette distinction devenait méthodologiquement floue, s'imposaient les conjectures propres aux interactions et aux causalités moins classiques que celles fondées sur la stricte diachronie des événements factuels propres à l'objet au regard d'un observateur bien séparé.
Ce climat scientifique finit par imposer sa paradigmatique. La quête d'intelligibilité de l'objet d'étude y privilégie le rôle primordial accordé aux probabilités estimées de résultats entendus comme produits d'interactions masquées et obtenus grâce à une expérimentation adéquate.
De ce cadrage circonstanciel explicité à l'instant de manière trop grossière, on retiendra cependant une continuité de parenté lointaine d'ambition avec celle qui marque de façon décisive l'univers de la science depuis au moins l'œuvre de Galilée. N'est-ce pas ce chercheur qui, à cheval sur les XVIe et XVIIe siècles, pensait déjà, avant Descartes, qu'il serait bon de parvenir à tout mathématiser, car, postulait-il, " le livre de la Nature est écrit en langage mathématique " ?
Une entreprise à vocation épistémologique
C'est d'une ambition analogue que participe l'ouvrage coordonné principalement par Mioara Mugur-Schhächter entourée des contributions de nombreuses personnalités des domaines de la physique quantique mais aussi de l'épistémologie et des sciences humaines . Cet ouvrage porte en effet sur ce qui concerne la connaissance et l'action. Pour ce faire, MM-S propose comme point nodal de l'ensemble de l'entreprise, un modèle canonique qui a pour support fondamental la méthode qui a concouru à son élaboration et l'expérience de sa mise en œuvre sur le terrain de la physique ; il s'agit de ce que qu'elle entend par " la méthode de conceptualisation relativisée " , qui trouve précisément sa source et son explicitation dans les conceptions de la mécanique quantique.
Aperçu méthodologique
Au cœur du modèle et du formalisme proposés par MM-S se trouve le concept, " schème généralisé ", de " description relative " . Cette description s'applique à un objet-entité de nature physique situé dans un référentiel épistémique comprenant un " générateur " physique (G) de l'objet-entité (oeG) et un regard (V) de cet objet. Le tout constitue un système dont la pertinence (@ l'existence) est validée par les relations interactives entretenues par paires entre les trois paramètres. Celles entre le générateur et le regard sont prises ici dans une acception d'émergence sémantique nécessaire à la constitution communicationnelle du cadre (prenant en compte la spatio-temporalité) de conceptualisation du système considéré.
Cette perspective communicationnelle implique que les différents regards portés sur l'objet-entité soient conçus à la fois comme distincts et exclusifs à partir d'une génération unique . Elle implique aussi que chaque regard n'est pas étranger à la conception de l'entité puisque chaque constitution de paire agissante liant générateur et observateur sert de référent épistémique et que la mutiplicité des paires (couplages) répond au principe de complémentarité pour produire la spécificité d'un objet-entité étudié.
Plus généralement, cela renvoie bien à l'idée majeure selon laquelle toute description possède des significations et des références relatives quant à la prise de position vis-à-vis de l'entité-objet considéré.
De façon très générale, il semble que le support principal du mode de raisonnement utilisé ici s'apparente à une logique linéaire constructiviste. Cette logique se réfère seulement aux procédures qu'elle utilise (arbre et probabilités constructivistes) ; ce qui correspond à un travail probabiliste sur les arborescences de classes construites et à l'élimination progressive de ce qui ne contribue pas à l'enrichissement de la signification générale entre indicateurs d'existence versus l'inexistence.
Commentaires épistémologiques précoces
Cette mise en perspective sommaire permet de faire le point de l'avancée réalisée ici par rapport aux travaux épistémologiques de Piaget vieux aujourd'hui de plus de trente ans.
Si, à la fin des années soixante du siècle dernier, Piaget qualifiait son œuvre en épistémologie génétique de " structuraliste, constructiviste et abstraite ", on peut qualifier grossièrement le modèle développé par MM-S de " systémique, constructiviste et abstrait ". Autrement dit, c'est le passage du structuralisme au systémisme qui constitue le bond épistémologique qui impose, par son cadrage emprunté à la mécanique quantique, de se préoccuper de tout ce qui a trait à la question de l'existence de l'objet et à la façon dont cet objet est relié interactivement au couple fonctionnel génération/observation.
Ce passage à la systémique implique donc une grande considération portée au contenu que l'on peut qualifier à la fois d'informationnel, substantiel ou énergétique, et qui est retenu en tant que support concevable. On comprend donc immédiatement que cette attention portée au contenu dépasse celle portée aux seules transformations et qu'elle implique que toute la place soit faite aux significations en tant que telles (via la sémantique).
Pour tenter de caractériser brièvement - et en s'efforçant de ne pas le trahir -, le modèle développé par MM-S, on retient aussi que l'aspect cognitif appréhendé ici a quelques rapports avec un des concepts génétiques majeurs chez Piaget : celui de sujet épistémique . Cependant, en esquissant ce rapprochement, il appert qu'on assiste à l'évocation d'une sorte d'analogon renversant les polarités puisque, cette fois, le sujet est plutôt heuristique en ce qu'il concerne ce qui a trait au générateur-concepteur/observateur et non plus l'objet observé (l'objet-entité). Hors cela, on trouve dans les deux cas, une singularisation conceptuelle d'intention constructiviste issue d'un montage méthodique ; à ceci près que chez MM-S, c'est en faisant participer plusieurs observateurs qui tentent d'établir un consensus à partir de la pluralité des regards séparés , que l'unité de conception est recherchée, et non pas en partant de la pluralité des objets observés.
L'homogénéité apportée par les concepts de sujet (épistémique ou heuristique) réside aussi dans la posture méthodique qui leur confère un statut très artificiel, c'est-à-dire faisant l'économie des pratiques vécues par des individus. Qu'il s'agisse de l'observé ou de l'observant, nous n'avons pas affaire à un sujet vraiment vivant, bio-cognitif et porteur d'autonomie potentielle fût-elle très faible, puisque, chez Piaget comme chez MM-S, l'intérêt porte sur une cognition très particulière : celle qui cherche à traduire la construction de l'intelligence rationnelle. Post-biologique chez Piaget, elle est ici économe et réductrice par abstraction de toute autre préoccupation afin de favoriser un travail d'algorithmisation constructrice d'un savoir informé, conforme (et restreint) à l'outillage prescrit.
Analogies épistémologiques et non pas cependant similitudes entre les deux familles de formalisation méthodique. Ainsi, dans les travaux initiés par MM-S, la grande nouveauté tient à la prise en compte délibérée des apports d'une nouvelle échelle de mesure qui offre la capacité de faire des conjectures pertinentes sur l'objet tenu pour invisible ; ce qui ouvre un pan problématique très fécond. Avant de s'y arrêter, on retient également deux points épistémologico-philosophiques déterminants :
Il s'agit, en premier, de ce qui a trait à la réalité qui est considérée ici comme coïncidant avec de l'existant fondé sur de la conscience chez celui qui peut susciter des descriptions dans le système générateur/objet-entité/regard. Dans le même esprit, le faux semble se rapprocher de l'inexistant avéré (qui n'est pas le néant !) après élimination des erreurs d'interprétation.
De cela, on retient aussi que l'ouvrage de MM-S s'impose par l'acharnement méthodologique qui constitue une avancée intéressante propre aux pratiques cognitives du chercheur quand il s'applique à développer la mécanique quantique . Il nous assure que le chercheur s'efforce de découper un regard porté sur le réel à l'échelon infra-atomique avec un appareil logique qui aide à comprendre comment on procède dans un espace-temps propre à l'objet et au chercheur selon la flèche du temps. Cette démarche s'inscrit dans une armature logique qui conjoint causalisme et linéarité selon des arbres de probabilités construits et retenus en raison de leur pertinence prédictive.
Commentaires interrogateurs
Cela signifie-t-il pour autant que les questions majeures posées par l'enchevêtrement des mathématiques et de la logique puissent être dépassées au point parvenir à " sortir " des contraintes imposées les théorèmes de Gödel dont on sait qu'ils assurent que les contradictions d'un système ne peuvent être résolues qu'en se situant à un niveau plus abstrait d'outillage axiomatique ? Autrement dit, peut-on penser qu'ici un système puisse de facto assurer sa propre cohérence avec ses propres moyens (complétude) et que, conjointement, toute axiomatique ne demeurerait pas ouverte en pouvant disposer d'une décidabilité foncière ? Dans le cas de MRC, les tentatives d'assurance sur sa complétude reposent sur la finitude possible d'un métasystème cohérent et expansif .
Brève conclusion : ouvertures inductives ?
Mioara Mugur-Schhächter a cherché à ne pas cantonner son travail dans la sphère de la physique. L'élargissement méthodologique prenant en compte les conduites cognitives dans la démarche heuristique disciplinaire, donne à son étude valeur d'ouverture épistémologique. Il suggère également un tout nouveau questionnement si l'on envisage un objet d'étude qui serait un concept-entité propre à un être vivant et connaissant .
C'est donc avec l'auteur que le lecteur de ce riche travail conceptuel pourra être amené à se poser toute une série de questions quand le modèle sortira de la physique. Cela pourra conduire à s'interroger sur la pertinence et sur la portée de recherches sur la cognition qui se limiteraient à des tentatives d'application de cette méthodologie : ne risquerait-on pas de ne produire que des modèles cognitivistes, scientistes et technicistes, bien éloignés de ce que l'on pourrait espérer attendre d'une approche authentiquement complexe - bio-cogntive - des processus cognitifs ?
LERBET Georges
On trouvera sur le site de la revue Automates Intelligents , une note de lecture de cet ouvrage due à J P Baquiast, à http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2004/54/mioara.htm
La pratique scientifique dans le domaine de la physique s'est trouvée confrontée à des problèmes d'échelle de mesure quand les paramètres des objets de cette discipline ont du être appréciés au niveau microcosmique infra atomique. Dès la fin du XIXe siècle, cette nouvelle physique, nommée mécanique quantique, a fini par être admise. Dès lors, elle a été utile afin de questionner l'actuel tel qu'il émerge dans le domaine de l'observable. Cet observable se situe au sortir d'appareillages sophistiqués et d'outillages mathématiques riches des conjectures interactionnelles. La forte probabilité prédictive de ces conjectures laisse alors penser que cette actualité procède d'un potentiel que l'on peut relier à l'idée de vacuité (vacuum) dans son acception d'irrésolution qui n'implique pas nécessairement le vide (empty).
Parmi les bouleversements méthodologiques et heuristiques qui sont alors apparus, l'un des plus remarquables concerne la difficulté d'opérer un traitement distinct entre ce qui est de l'ordre du sujet-chercheur et de celui de son objet. Ainsi, dans le même temps que cette distinction devenait méthodologiquement floue, s'imposaient les conjectures propres aux interactions et aux causalités moins classiques que celles fondées sur la stricte diachronie des événements factuels propres à l'objet au regard d'un observateur bien séparé.
Ce climat scientifique finit par imposer sa paradigmatique. La quête d'intelligibilité de l'objet d'étude y privilégie le rôle primordial accordé aux probabilités estimées de résultats entendus comme produits d'interactions masquées et obtenus grâce à une expérimentation adéquate.
De ce cadrage circonstanciel explicité à l'instant de manière trop grossière, on retiendra cependant une continuité de parenté lointaine d'ambition avec celle qui marque de façon décisive l'univers de la science depuis au moins l'œuvre de Galilée. N'est-ce pas ce chercheur qui, à cheval sur les XVIe et XVIIe siècles, pensait déjà, avant Descartes, qu'il serait bon de parvenir à tout mathématiser, car, postulait-il, " le livre de la Nature est écrit en langage mathématique " ?
Une entreprise à vocation épistémologique
C'est d'une ambition analogue que participe l'ouvrage coordonné principalement par Mioara Mugur-Schhächter entourée des contributions de nombreuses personnalités des domaines de la physique quantique mais aussi de l'épistémologie et des sciences humaines . Cet ouvrage porte en effet sur ce qui concerne la connaissance et l'action. Pour ce faire, MM-S propose comme point nodal de l'ensemble de l'entreprise, un modèle canonique qui a pour support fondamental la méthode qui a concouru à son élaboration et l'expérience de sa mise en œuvre sur le terrain de la physique ; il s'agit de ce que qu'elle entend par " la méthode de conceptualisation relativisée " , qui trouve précisément sa source et son explicitation dans les conceptions de la mécanique quantique.
Aperçu méthodologique
Au cœur du modèle et du formalisme proposés par MM-S se trouve le concept, " schème généralisé ", de " description relative " . Cette description s'applique à un objet-entité de nature physique situé dans un référentiel épistémique comprenant un " générateur " physique (G) de l'objet-entité (oeG) et un regard (V) de cet objet. Le tout constitue un système dont la pertinence (@ l'existence) est validée par les relations interactives entretenues par paires entre les trois paramètres. Celles entre le générateur et le regard sont prises ici dans une acception d'émergence sémantique nécessaire à la constitution communicationnelle du cadre (prenant en compte la spatio-temporalité) de conceptualisation du système considéré.
Cette perspective communicationnelle implique que les différents regards portés sur l'objet-entité soient conçus à la fois comme distincts et exclusifs à partir d'une génération unique . Elle implique aussi que chaque regard n'est pas étranger à la conception de l'entité puisque chaque constitution de paire agissante liant générateur et observateur sert de référent épistémique et que la mutiplicité des paires (couplages) répond au principe de complémentarité pour produire la spécificité d'un objet-entité étudié.
Plus généralement, cela renvoie bien à l'idée majeure selon laquelle toute description possède des significations et des références relatives quant à la prise de position vis-à-vis de l'entité-objet considéré.
De façon très générale, il semble que le support principal du mode de raisonnement utilisé ici s'apparente à une logique linéaire constructiviste. Cette logique se réfère seulement aux procédures qu'elle utilise (arbre et probabilités constructivistes) ; ce qui correspond à un travail probabiliste sur les arborescences de classes construites et à l'élimination progressive de ce qui ne contribue pas à l'enrichissement de la signification générale entre indicateurs d'existence versus l'inexistence.
Commentaires épistémologiques précoces
Cette mise en perspective sommaire permet de faire le point de l'avancée réalisée ici par rapport aux travaux épistémologiques de Piaget vieux aujourd'hui de plus de trente ans.
Si, à la fin des années soixante du siècle dernier, Piaget qualifiait son œuvre en épistémologie génétique de " structuraliste, constructiviste et abstraite ", on peut qualifier grossièrement le modèle développé par MM-S de " systémique, constructiviste et abstrait ". Autrement dit, c'est le passage du structuralisme au systémisme qui constitue le bond épistémologique qui impose, par son cadrage emprunté à la mécanique quantique, de se préoccuper de tout ce qui a trait à la question de l'existence de l'objet et à la façon dont cet objet est relié interactivement au couple fonctionnel génération/observation.
Ce passage à la systémique implique donc une grande considération portée au contenu que l'on peut qualifier à la fois d'informationnel, substantiel ou énergétique, et qui est retenu en tant que support concevable. On comprend donc immédiatement que cette attention portée au contenu dépasse celle portée aux seules transformations et qu'elle implique que toute la place soit faite aux significations en tant que telles (via la sémantique).
Pour tenter de caractériser brièvement - et en s'efforçant de ne pas le trahir -, le modèle développé par MM-S, on retient aussi que l'aspect cognitif appréhendé ici a quelques rapports avec un des concepts génétiques majeurs chez Piaget : celui de sujet épistémique . Cependant, en esquissant ce rapprochement, il appert qu'on assiste à l'évocation d'une sorte d'analogon renversant les polarités puisque, cette fois, le sujet est plutôt heuristique en ce qu'il concerne ce qui a trait au générateur-concepteur/observateur et non plus l'objet observé (l'objet-entité). Hors cela, on trouve dans les deux cas, une singularisation conceptuelle d'intention constructiviste issue d'un montage méthodique ; à ceci près que chez MM-S, c'est en faisant participer plusieurs observateurs qui tentent d'établir un consensus à partir de la pluralité des regards séparés , que l'unité de conception est recherchée, et non pas en partant de la pluralité des objets observés.
L'homogénéité apportée par les concepts de sujet (épistémique ou heuristique) réside aussi dans la posture méthodique qui leur confère un statut très artificiel, c'est-à-dire faisant l'économie des pratiques vécues par des individus. Qu'il s'agisse de l'observé ou de l'observant, nous n'avons pas affaire à un sujet vraiment vivant, bio-cognitif et porteur d'autonomie potentielle fût-elle très faible, puisque, chez Piaget comme chez MM-S, l'intérêt porte sur une cognition très particulière : celle qui cherche à traduire la construction de l'intelligence rationnelle. Post-biologique chez Piaget, elle est ici économe et réductrice par abstraction de toute autre préoccupation afin de favoriser un travail d'algorithmisation constructrice d'un savoir informé, conforme (et restreint) à l'outillage prescrit.
Analogies épistémologiques et non pas cependant similitudes entre les deux familles de formalisation méthodique. Ainsi, dans les travaux initiés par MM-S, la grande nouveauté tient à la prise en compte délibérée des apports d'une nouvelle échelle de mesure qui offre la capacité de faire des conjectures pertinentes sur l'objet tenu pour invisible ; ce qui ouvre un pan problématique très fécond. Avant de s'y arrêter, on retient également deux points épistémologico-philosophiques déterminants :
Il s'agit, en premier, de ce qui a trait à la réalité qui est considérée ici comme coïncidant avec de l'existant fondé sur de la conscience chez celui qui peut susciter des descriptions dans le système générateur/objet-entité/regard. Dans le même esprit, le faux semble se rapprocher de l'inexistant avéré (qui n'est pas le néant !) après élimination des erreurs d'interprétation.
De cela, on retient aussi que l'ouvrage de MM-S s'impose par l'acharnement méthodologique qui constitue une avancée intéressante propre aux pratiques cognitives du chercheur quand il s'applique à développer la mécanique quantique . Il nous assure que le chercheur s'efforce de découper un regard porté sur le réel à l'échelon infra-atomique avec un appareil logique qui aide à comprendre comment on procède dans un espace-temps propre à l'objet et au chercheur selon la flèche du temps. Cette démarche s'inscrit dans une armature logique qui conjoint causalisme et linéarité selon des arbres de probabilités construits et retenus en raison de leur pertinence prédictive.
Commentaires interrogateurs
Cela signifie-t-il pour autant que les questions majeures posées par l'enchevêtrement des mathématiques et de la logique puissent être dépassées au point parvenir à " sortir " des contraintes imposées les théorèmes de Gödel dont on sait qu'ils assurent que les contradictions d'un système ne peuvent être résolues qu'en se situant à un niveau plus abstrait d'outillage axiomatique ? Autrement dit, peut-on penser qu'ici un système puisse de facto assurer sa propre cohérence avec ses propres moyens (complétude) et que, conjointement, toute axiomatique ne demeurerait pas ouverte en pouvant disposer d'une décidabilité foncière ? Dans le cas de MRC, les tentatives d'assurance sur sa complétude reposent sur la finitude possible d'un métasystème cohérent et expansif .
Brève conclusion : ouvertures inductives ?
Mioara Mugur-Schhächter a cherché à ne pas cantonner son travail dans la sphère de la physique. L'élargissement méthodologique prenant en compte les conduites cognitives dans la démarche heuristique disciplinaire, donne à son étude valeur d'ouverture épistémologique. Il suggère également un tout nouveau questionnement si l'on envisage un objet d'étude qui serait un concept-entité propre à un être vivant et connaissant .
C'est donc avec l'auteur que le lecteur de ce riche travail conceptuel pourra être amené à se poser toute une série de questions quand le modèle sortira de la physique. Cela pourra conduire à s'interroger sur la pertinence et sur la portée de recherches sur la cognition qui se limiteraient à des tentatives d'application de cette méthodologie : ne risquerait-on pas de ne produire que des modèles cognitivistes, scientistes et technicistes, bien éloignés de ce que l'on pourrait espérer attendre d'une approche authentiquement complexe - bio-cogntive - des processus cognitifs ?
LERBET Georges
On trouvera sur le site de la revue Automates Intelligents , une note de lecture de cet ouvrage due à J P Baquiast, à http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2004/54/mioara.htm
Fiche mise en ligne le 01/02/2004