Modélisation de la CompleXité
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"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
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Note de lecture

Rédigée par LERBET Georges sur l'ouvrage de de PERETTI André :
« Essai sur l’humour du Christ dans les Evangiles »
     Ed. du Cerf, 2004, ISBN : 2-204-07480-2 , 360p.
Voir l'ouvrage dans la bibliothèque du RIC

Quiconque a fréquenté André de Peretti est habitué à sa générosité humaine, à son optimiste impénitent et à son humour authentique dépourvu de toute ironie.

L’ouvrage qu’il nous donne aujourd’hui à lire avec empathie, s’inscrit dans cette ligne de pensée et d’être. Par son style d’abord. Ouvertement premier lecteur de son ouvrage, André interpelle et questionne. Il s’interpelle aussi et se questionne avec cette humilité qui sied pour caractériser des rapports humains - actuels ou différés -, toujours empreints de cette ouverture humaniste qui invite au dialogue centré sur celui qui est en face de soi.

L’abord de l’expérience du Christ livrée aux hommes dans les Evangiles, ne déroge pas à cette démarche. Pour apprécier l’Homme, il faut le rencontrer dans des traces d’humanité dont la plus pertinente est cette décentration surprenante qui marque les situations dédramatisées grâce au recul propre à l’humour.

Exercice spirituel dans son acception banale, mais aussi ascèse : doublet qui en est le corrélat libéré et libérateur. André de Peretti nous y convie et il nous incite à voyager avec lui dans sa chère Baroquie. Cette invitation faite au lecteur de l’accompagner transparaît, par exemple, quand il cadre ce voyage en convoquant Henri Focillon[1] dans notre temps où se perpétue l’avènement du complexe dont témoigne le baroque. Etape dans un parcours des cultures ou émergence d’une sous-jacence quand les rigueurs d’un paradigme épuisé deviennent dérisoires ?

Si l’on accepte, après Bruno Latour[2] dans sa critique de la Modernité, le fait qu’on y  barrait Dieu, le travail auquel s’emploie André de Peretti de biffer la biffure, ne peut que conforter le sentiment qu’on dépasse heureusement des modèles paradigmatiques rétrécis et clos. Il suffit pour cela que, comme ici, l’homme ait l’audace d’user de sa liberté de réflexion et de conception. Audace féconde qui fait redécouvrir périodiquement ce qui, un temps, demeurait masqué par les discours dominants.

Ainsi peut-il en être des logiques du tiers inclus qui ne méprisent pas la complémentarité des contraires que AdP retrouve chez Simone Weil et qu’il évoque pour témoigner de la finitude de l’Homme quand ce dernier pressent ses limites dont le dépassement ne peut être qu’extérieur à ce qui est de l’ordre du vécu actualisé[3].

Incomplétude de l’étant et complétude par la foi - ce choix qui demeure sans cesse à conforter -, traduisent les perspectives majeures à la rencontre desquelles chacun est convié sans la moindre prosélytisme, dans un monde où sont évoqués les tenants d’une pensée complexe ouverte par construction, sûre de rien si ce n’est de cet incertain qui laisse la place au jeu de l’esprit et que chacun résout tel qu’il suppose pouvoir le faire.

Le parti pris par André de Peretti consiste à croire à la Bonne Nouvelle tout en s’efforçant d’évacuer toute crédulité.

La transcendance foncièrement ineffable - quelles qu’en soient les caractéristiques verbalisées qui peuvent convenir aux uns ou aux autres - demeure ouverte aux hommes de bonne foi qui échappent à l’utopie prométhéenne de la conquête du savoir absolu.



[1] Citant Vie des formes (Paris, PUF, p.21), AdP note (p.344) « Chaque style traverse plusieurs âges, plusieurs états [...] : l’âge expérimental, l’âge classique, l’âge du raffinement, l’âge baroque... ».

[2] 1991, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie, Paris, La Découverte, 207p.

[3] Cf. pp. 328-329. Cette citation reprise par AdP. : « Les corrélations et les contraires sont comme une échelle. Chacune noue élève à un plan supérieur où habite le rapport qui unit les contraires ».

Fiche mise en ligne le 30/07/2004


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