Rédigée par de PERETTI André sur l'ouvrage de LERBET Georges : |
« LE SENS DE CHACUN. INTELLIGENCE DE L’AUTOREFERENCE EN ACTION » L'Harmattan Coll. Ingénium. 2004, n° ISBN : 2-7475-6580-7, 145p. |
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Générosité ! C’est une qualité qu’aime bien Georges Lerbet, et qu’il sait discerner généreusement, et même mettre en valeur, en autrui. Qu’elle lui revienne n’est que juste intelligence de l’autoréférence à laquelle il nous convie !
Car nous sommes, par ses propres « conjectures », - invitant à convenir du « sens de chacun », - mis dans une vibrante effervescence, effet de sa générosité réflexive : c’est au moins mon cas dans mon autoréférence interpellé.
Que de résonances », en effet, que d’échos, mis en branle dans le parcours escarpé, mais « biocognitif », qu’il nous propose, vers quelque sage pic de complexité, en sa compagnie !
Je peux en juger par le nombre croissant de notations, citations, - résonances oui -, que je n’ai cessé et ne cesse de produire pour jalonner mes escalades avec lui : selon une prudence de Petit Poucet avisé, en vue de ne point m’égarer, tant mon ami Georges me donne d’occasions de cogitations et métacognitions ou métacogitations enchevêtrées en forêt où se perdre...
Mais je e sens aussi contrit par tant de résonances, car, comment pourrais-je en répondre dans le cadre réduit d’une « note » de lecture, même si j’essaie de la placer en point d’orgue dans un registre musical ? Sans doute, devrais-je promettre un dense entrelacs de persévérantes élucubrations, que je rumine déjà depuis trois ans, pour un ouvrage à venir, et, pour lequel j’entrevois un possible titre tel que « le sens du sens », vers quelque métaréférence, Inch’Allah !...
En attendant, je vais me résigner à des notations réduites, en déception de mon évidente et première incomplétude en cette présente note.
Tout d’abord, je réitère sur la générosité, - la « vertu », virtus -, à laquelle je suis sensible et qui émerge du titre même du dense ouvrage de Georges Lerbet : « Le Sens de Chacun ». Par elle notre autoréférence est alertée : elle ne peut s’en tenir à une injuste suffisance qui nous laisserait croire négligeable ce que signifient les personnalités côtoyées trivialement au jour le jour et qui, hors nos chères hétéroréférences, nous indifféreraient.
Chacun est porteur, pour lu comme pour nous, - et je dis bien nous, car il n’y a pas de « chacun » sans « nous » - depuis la latine étymologie, qui nous renvoie à quelque « cata unum » (ou « un à un »), en lequel chaque unité compte !
Je me retrouve bien en accord avec cet accueil reconnu à toute personne humaine, indispensable à l’équilibre de l’accueil que nous réservons à notre « chacun » ; en autoaccueil ou autoréférence sinon autorévérence ! Et nous pouvons prendre d’aventure, par récursivité, attention et respect pour notre « chacun » propre : ego, moi, soi ; ou mieux, et toujours plus sifflant, « self » serpentin ! bien lové dans « gestalt » primesautière, plus ou moins stabilisé au cœur de nos cognitions émotionnelles ou de nos passions rationnelles et de nos retentissements bio-sociologiques, en toute quiète incomplétude (merci Gödel !).
Oui, j’aime accueillir, en confirmation de mes engagements vitaux, la consolidation qu’apporte à ma consdération de moi-même, le message patent et sous-jacent de Georges Lerbet : une richesse de signification, de direction et de sensations, structurantes, est distinctement propre, - oui propre -, à toute personne qui m’approche ou m’environne au plus loin - Chacune et toutes sont en interaction ouverte, hétérorassurantes pour moi !
De la sorte, je ne suis pas insignifiant, puisqu’aucun individu ne saurait l’être, même si je ne suis pas aussi signifiant, aussi porteur de sens vis-à-vis des autres que ma prétention, convulsive et dépitée d’honneurs, le voudrait, et qu’elle m’en serine le reproche par voie déitérée de comparaisons désobligeantes à des destins vraiment étincelants !
Il y a un sens distinctif pour chacun : donc pour moi, donc pour tous - car il n’y a aucun être humain identique à n’importe quel autre : et il faut une fois de plus rejeter le « mythe identitaire » qui travaille trop sournoisement encore nos sociétés et nos systèmes éducatifs, dénivelant les différences émergentes au lieu de les harmoniser, et corrompant toute égalisation.
A l’encontre de ce mythe, je souscris, j’adhère de toutes mes forces et selon toute ma rationalité ou mes convictions, à la vision projective, prophétique, plurielle, que nous a léguée mon ami Carl Rogers et Georges Lerbet met s bien en lumière : « A mes yeux, dans l’avenir, nous fonderons la vie et l’éducation sur l’idée qu’il existe autant de réalités que d’êtres humains ». Car la « variété requise » (Ashby) peut être sauvée !
Au premier choc d’une telle annonce, je me retrouve immédiatement - hors Lerbet - référé au cher Gottfried Wilhelm Leibniz et à sa « Monadologie » comme à son « Harmonie » potentielle, « préétablie », entre les Monades toutes différentes et seules mais solidaires. Cette Harmonie potentielle ne serait-elle actualisable par des éclats de nos bons vouloirs ouverts à des « approximations » de l’universel, en compatibilité de réalités plurielles ? Choix optimiste, poussé par Michel Serres jusqu'à « l’itération infinie des passages différents... ».
« Actualisation », « tendance actualisante » ? En ces termes, qui nous parlent de possibilités en attente, se conjoignent en mon autoréférence, les hétéroréférences qui me relient, affectivement et cognitivement, à Stéphane Lupasco comme à Carl Rogers ! - Et j’ai souvenir de ces deux personnalités réunies avec moi dans une conférence de presse où nous présentions, en 1979, la traduction française, - « Un manifeste personnaliste » -, du livre On personal power de ce dernier.
Dans les deux références de ces auteurs, au fait, je retrouve l’énergie et donc l’« Energétique » à laquelle Georges Lerbet sut me convaincre d’échafauder une modélisation. Et celle-ci tentait de mettre en relation et tolérance ou création réciproques, énergies et informations sous toutes leurs formes, matières et vies, mais aussi conscience et esprit, emballant dans leurs interactions signifiantes, l’« affectivité », si naturelle pour Rogers, mais problématique et tourmentante pour Lupasco : au point qu’il voulait qu’elle n’aut point de sens !
Je concède ici que ces deux hétéroréférences proposées par Georges Lerbet m’ont poussé, par autoréférence, à des autopréférences ! J’aime y joindre celle de Piaget, auquel Lerbet maintient une juste fidélité - Car il m’est agréable, dans l’effervescence des distinctions proosées par Lerbet qui s’articulent pour moi en « reliance », de placer, en une symétrie analogique, les processus d’« assimilation » et d’ « accommodation » avec ceux d’« homogénéisation » (portant, par inertie identitaire vers la « matière ») et d’« hétérogénéisation » (portant par irrépressible diversification et variété, vers la « vie » et l’« esprit »), mais aussi avec ceux de « potentialisation » et d’« actualisation » couplés en réciproques limitations et provocations ! ; sans compter avec « inconscient » et « conscient ».
Et puisque, comme le remarque Bruno Pinchard, en surplus du « dehors et du « dedans », l’autoréférence a besoin de miroir langagier d’un « Livre » et que « Tout mivre ne s’ouvre que sur de pages doubles », je n’hésite pas à accoupler encore, in memoriam Varela, les processus de « clôture opérationnelle » avec leur antagoniste « couple structurel » : en une autre « double page » et pour une « ontologie vibratoire ». Et j’ajouterai aussi, in petto, les mécanismes d’identification par « introjection » et « projection » au cœur du jeu des références...
Mon autoréférence continue cependant à vibrer et à osciller, comme on peut s’en douter, surtout si je m’aventure à résonner et raisonner inégalement en frôlant les trente-cinq hétéroréférences auxquelles Georges Lerbet s’est sagement limité !
Je conçois bien sa recherche d’équilibre dans la visite et les salutations rendues à chaque haut référent. Ainsi, je crois comprendre son souci de contenir l’élan, l’enrainement, de l’optimisme rogérien, par le retrait réflexif de Lupasco, plus indicatif du tragique, ainsi que la référence à une « catastrophisme éclairé » cher à notre amis Jean-Pierre Dupuy. Celui-ci, à juste titre, nous incite à ne céder ni à l’excès du principe de précaution (curarisant ; judiciarisant), ni à la courte stratégie de l’autruche, bêlante.
Car le « pire » existe bel et bien : même si Paul Claudel, pour « le Soulier de Satin », ajoute que « le Pire n’est pas toujours sûr » ! Et que ceci soit dit à iceux « mécontemporains » pr^ts aussi à nous alarmer sur notre complicité à l’impuissance et à l’insignifiance, face à toute hiérarchie bien verticale et droite dans ses bottes, contra laquelle nous arguerions (autoréférence, soit) quelque « chantage au totalitarisme, à l’autoritarisme et à la répression » !
Ah ! comme je préfère l’ampleur poïétique de Bruno Pinchard qui nous prend la main pour entrer dans le « Labyrinthe d’idées ? de vibrations symboliques, mises en résonance avec un support polymorphe d’espaces et d’étendues courbes et tourbillonnantes se tournant sans se clore sur elles-mêmes pour générer une sphère intime mouvante, extensive... »
Je me retrouve à mon aise, en extension, dans ce labyrinthe incurvé en « ouvert », meublé par René Thom de « Matière subtil », « medium absolu de la physique du rêve ». Ah ! le rêve...
Et je comprends qu’avec Vico il conviendrait de penser « l’agir mythologique » et d’aborder, avec la grâce du dit rêve, notre autoréférence. De même, « acteur-sujet », je me retrouve accordé aux vues sages de Diderot décrivant « le paradoxe du comédien » même si celui-ci, sur le conseil de Pirandello, se ressent et se dispose, par besoin de sens, « en quête d’auteur ».
Oui, rebondissant en rôles multiples (par lesquels Jacob Moreno nous invitait à modeler notre moi et self en devenir), je consentirai volontiers à bien construire ma subjectivité en l’exhaussant hors des rôles sociaux, hétéroréférenciés, par une « distanciation » (prévue aussi par Bertold Brecht !), assurée par un engagement de « faire-semblant du faire-semblant ».
Au fait, ai-je ici bien « fait semblant » d’avoir bien lu et compris tous les hétéroréférences constructivistes convoyées vers mon autoréférence par l’obligeance, - généreuse -, de Georges Lerbet ? L’autoréférence d’humour oblige, n’est-ce pas !
Et on peut faire semblant de répondre oui, d’opiner..., au seuil de « l’impuissance à tout dire ». Il est vrai, la « traque de l’autoréférence » n’est pas prête de finir pour moi (et l’âge n’y peut mais...). Et je veux bien me sentir entravé à de la « matière vivante » et à ses inerties (pour moi expliquantes), aux moments où je prétendrais la dépasser : ne serait-ce qu’avec l’aide d’une hétéroréférence - vivante pour moi de souvenirs chaleureux -, qui est celle de Pierre Teilhard de Chardin.
Associée à sa « vision » d’une « Noosphère », chère à Edgar Morin, en voie de constitution, je puis imaginer une connaissance ultime de tous nos ego(s) - toujours davantage, dans leur diversification, nécessaires à tous et « égaux » -, pour ordonner une Signification ultime de tous nos sens individuels, enfin accomplis, au dessu des inerties et négativités auto et hétéro défaites...
Approximations de vues, de langage, d’élans vitaux ! Soit. Elles me renvoient encore à la générosité ressentie, et à mon dessein imparfait d’y répondre personnellement, autoréférentiellement. Aurais-je un peu réussi à m’« approcher » suivant une « approximation empathique » de Georges Lerbet ?
André de Peretti, 20 février 2005
Fiche mise en ligne le 12/03/2005