Rédigée par J.L. Le Moigne sur l'ouvrage de WARFIELD John N. : |
« A science of generic design, managing complexity through systems design » Second Edition. Iowa State UniversityPress/AMES. 1994. 588 pages. |
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Lorsque parut la première édition de ce monumental ouvrage d'un des pionniers nord américains de la modélisation systémique, en 1990, il ne me parut pas urgent d'en proposer une recension à l'intention du lecteur de langue française : il s'agissait d'une présentation en extension (extension conséquente : un gros volume de 588 pages ) des idées que N. Warfield avait présentées en 1976 dans son "classique" : "Societal systems, planning, policy, and complexity" (Wiley). Présentation aussi pédagogique que possible, en divisions et subdivisions complétées d'annexes diverses et de questions de compréhension, de "l'analyse de systèmes" (plutôt que de "la modélisation systémique"), telle qu'on la présentait dans les cultures anglo-saxonnes dans les années70-80, dont je pensais alors qu'elle allait peu à peu se transformer au profit d'une conception plus "ouverte" (ou plus latino-méditerranéenne). Certes N. Warfield manifestait l'intention de privilégier la conception sur l'analyse et s'efforçait, prudemment, de solliciter quelque concours épistémologiques novateurs (C.S. Peirce enparticulier), mais sa difficulté à entendre la réflexion d'H.A. Simon sur les sciences de la conception le contraignait à abandonner trop rapidement la recherche d'une instrumentation de la modélisation systémique libérée des ukases du réductionnisme et de la logique disjonctive. Si bien que les "méthodes et outils" qu'il énumérait restaient, dans l'ensemble de facture fort classique (de la théorie des graphes aux diagrammes deVenn).
Mon "optimisme" sur la vitesse de maturation de la culture modélisatrice "ouverte à "(et non plus "fermée sur") la systémique n'était sans doute pas fondé puisque, quatre ans après la première édition, en paraît une seconde qui témoigne de l'attention permanente de la culture anglo-saxonne à cette conception paradoxalement plus cartésienne que pragmatique (malgré la caution, peut-être un peu abusive ici, de C.S. Peirce) de la modélisation systémique. Il me faut donc au moins mentionner ce dossier que je voudrais lire comme le chant du cygne de "la bonne vieille analyse des systèmes" qui obère tant notre intelligence collective de la complexité. Il est probable qu'il intéressera, outre les tenants de la vieille garde-qui tiennent pourtant N. Warfield pour un avantgardiste (ils l'ont éloigné de la Revue "Systems Research" en 1990, au moment où elle commençait à s'ouvrir !) les enseignants à l'affût de méthodes de résolution et de sujets d'examen avec corrigés-types ! Et il nous fera collectivement mieux sentir l'ampleur des efforts qu'il nous faut aujourd'hui poursuivre pour présenter pédagogiquement les instrumentations de la modélisation systémique ouverte : nous avons, sur les Anglo-Saxons, la chance de pouvoir plus aisément accéder aux textes de J. Piaget et d'E. Morin et plus volontiers peut-être à ceux d'H.A. Simon, d'A. Newell, de J. Dewey, d'H. Von Foerster ou d'E. Von Glasersfeld; à nous de nous servir de ce capital immatériel en empruntant sans vergogne à N. Warfield son attention aux textes de C.S. Peirce ou de R. Rorty.
J.L. Le Moigne
Fiche mise en ligne le 12/02/2003