Modélisation de la CompleXité
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"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par MALAINA Alvaro sur l'ouvrage de ARROYO PICHARDO Graciela (coord.) :
« LA DINAMICA MUNDIAL DEL SIGLO XXI. REVOLUCIONES, PROCESOS, AGENTES »
     Grupo Editorial Cenzontle, Mexico D. F., Mexique, 2006, ISBN : 970-9929-02-X , 341 pages

            Ce livre part du constat que nous assistons à une très importante transition de phase civilisationnelle, à un moment d’hypercomplexité profonde caractérisée par des profonds et rapides changements à tous les niveaux du système anthropo-social : au niveau culturel, social, politique, économique, technologique. Ces changements ne sont pas encore achevés, raison pour laquelle l’hypercomplexité, persiste comme l’état propre au système dans lequel nous vivons, sous l’horizon de l’incertitude de la nouvelle forme (révolution) ou de l’absence de toute forme (mort), qui doit advenir.

            L’approche de ce livre est systémique, connexionniste, multicausale et multidimensionnelle, donc complexe. Le monde dans lequel nous vivons constitue un système dynamique global fait de multiples interconnexions entre nations, cultures, économies, sociétés. Toutes participant du même « tout », et toutes sont concernées par son sort final : ou l’auto-destruction (désastre écologique, coupure des liens vitaux entre le système et son éco-système non seulement naturel, mais aussi social) par rétroaction positive des processus complexificateurs, ou le saut à un méta-système (la société-monde théorisée par Edgar Morin, voire une nouvelle forme de « conscience planétaire » émergente de l’interconnexion croissante entre individus/neurones du réseau/cerveau global) par rétroaction négative du second ordre de ces mêmes processus complexificateurs. A nouveau, le sort global incertain du Vaisseau Spatial Terre est en jeu, niveau global qui ne peut être entrevu qu’à partir d’une pensée complexe et transdisciplinaire.

            Ce livre rassemble de nombreux articles aux différents sujets, sous la coordination de Graciela Arroyo Pichardo, professeur de Relations Internationales à l’Université Nationale Autonome de Mexique (UNAM). Il représente, comme nous avons dit dans nous commentaires du dernier livre du philosophe cubain Carlos Delgado Diaz, un nouvel exemple de la prise de conscience planétaire en Amérique Latine, dans ce cas au Mexique. Ce n’est pas par hasard que de nombreuses initiatives et institutions autour d’une nouvelle vision complexe du monde soient apparues avant dans ce continent que dans l’Europe, trop fixée toujours au paradigme classique de la séparation et la réduction (précisément, selon l’expression d’Edgar Morin, le « grand paradigme d’Occident »): la Multiversidad Edgar Morin à Hermosillo, Mexique, ou la Chaire UNESCO Edgar Morin à l’Universidad El Salvador, Argentine, ne sont que deux exemples appartenant à l’orbite morinienne.

            La complexité est « le signe de notre temps » (op. cit., p. 18) et ce livre cherche à mettre de relief ses multiples dimensions, en liant l’analyse des logiques actuelles paroxystiques des différents sous-systèmes complexes (culturel, social, politique, économique, technologique) du système anthropo-social général.

            « Il y alors, des nouvelles et contradictoires tendances de transformation mondiale, qui ont enfoncé l’humanité de ce siècle, en une vraie mer d’incertitudes, d’insécurité, de différences, inégalités et risques. Il s’agit de processus concaténés par l’histoire, la géographie, la politique et l’économie en ce qui apparaît comme un nœud gordien qui a déplacé les gouvernements et les grandes institutions internationales qui avaient surgi au profit de la justice, la convivialité et la paix. Tout nous indique qu’en effet, nous sommes face à l’émergence d’une véritable conscience planétaire et de multiples mouvements citoyens, ce qui peut faire pression pour extraire le monde du bord du chaos, où il semble faire naufrage depuis plus de dix ans » (op. cit. p. 26).

            Ce livre nous sert à nous mettre à jour sur cette scène d’hypercomplexité planétaire où le désespoir de la fuite en avant néolibérale, commandée par la logique marchande, matérialiste et individualiste, globalisée, rejoint l’espoir de l’émergence de cette conscience de la Terre-Patrie dont fait allusion la citation du paragraphe précédent. 

            Une action globale pourrait-elle suivre à cette auto-réflexivité globale émergeante ? Le Forum Social Mondial nous fournit par exemple un terrain pour une action visant à contribuer au saut morphogénétique salutaire du système mondial. C’est un bon « analyseur » (au sens qui lui donne la terminologie de la socianalyse) de notre époque, c’est-à-dire, un mouvement social spontané qui met en évidence les contradictions (souvent inconscientes) internes du système social (global, mondial) dans lequel nous vivons. Notons une date : la prochaine rencontre de ce Forum altermondialiste (et potentiellement « alterparadigmatique », comme nous allons voir) aura lieu en Janvier 2009 à Belem, au Brésil, en incluant une nouveauté très importante. Voir  l’appel : http://fsm-science.org/appel .

            « Depuis 2001, les forums sociaux mondiaux (FSM) se sont progressivement inscrits dans les agendas de milliers d’ONG, médias, syndicats, mouvements sociaux, autorités locales, institutions et même gouvernements à travers la planète, comme un moment de réflexions, de partages et de constructions d’innovations sociales, culturelles et économiques à l’échelle du monde.

            Bien que l'impact des sciences et des techniques sur toutes les dimensions de notre vie en société soit plus fort que jamais, nous observons, depuis l’origine des FSM, un déficit chronique de la présence des thèmes scientifiques et techniques. Il ne s’agit ni d’un désintérêt ni d’une absence de capacité d’expertise mais d’un manque de prise en compte politique des enjeux liés à la place et au devenir des sciences dans nos sociétés, de la part des mouvements sociaux mais aussi des scientifiques.

          (…) C’est pourquoi, nous, membres de la communauté scientifique, organisations et citoyen(ne)s appelons à l’organisation d’un forum social mondial « sciences et démocratie » à l’occasion du forum social mondial de Bélem, en janvier 2009, au Brésil ». 

            Pour la première fois au sein du Forum, l’analyse du Pouvoir se confronte avec l’analyse du Savoir. Une « paradigmatologie » pourra alors rejoindre définitivement une éthique et une politique ? C’est peut-être le moment pour la prise de conscience du « paradigme » (de simplification) dominant, sous-jacent non seulement à la science occidentale, mais aussi à la structure du système néolibéral dominant. L’alternative/complément du paradigme de complexité pourra alors être envisagée, faisant appel à une structure anthropo-sociale plus « écologique », c’est-à-dire, juste et salutaire, avec « valeur de survie », comme dit Wilden. Le livre dirigé par Graciela Arroyo, fixant le Réel socio-économique, mais tout en appelant à un paradigme de complexité, ouvre des voies pour cheminer vers cette nécessaire articulation entre la science et l’éthique.

Alvaro Malaina

Fiche mise en ligne le 08/05/2008


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