Une nouvelle perspective sur la gouvernance des activités à risques

Propositions & conclusions du séminaire européen TRUSTNET

Fevrier 2000


Sommaire

I. Introduction

II. Risque et Décision collective : la problématique européenne

II.1 Evaluation et gestion du risque ou gouvernance des activités à risque?

II.2 Quelles sont les difficultés auxquelles font face les dispositifs de gouvernance des activités à risques en Europe aujourd'hui ?

II.3 Comment caractériser un bon système de gouvernance des activités à risques ?

II.4 Quels sont les enjeux associés à une meilleure gouvernance des activités à risques en Europe ?

III. Vers une nouvelle perspective sur la gouvernance des activités à risque

III.1 Le paradigme "d'autorité"

III.2 Le cercle vicieux de la décision "scientifique"

III.3 Le paradigme de Confiance mutuelle

III.4 La Dynamique de la confiance sociale

III.5 Interactions et Complémentarité des deux paradigmes

Annexe A - Présentation des études de cas

Annexe B – la communication sur les risques

Annexe C - Recherches sur la gouvernance des activités à risque

Annexe D - Contributions d'experts

Annexe E - Participants de TRUSTNET


Introduction

Historique

Dans la dernière décennie, les dispositifs de régulation et de contrôle de nombreuses activités à risque en Europe (dans des domaines comme l'énergie, la santé, l'alimentation, la gestion des déchets) ont été confrontés à de multiples difficultés au plan communautaire comme dans les contextes nationaux pour répondre aux attentes des différentes catégories sociales concernées par ces activités ("porteurs d'enjeux") et instaurer un climat de confiance sociale.

Anticipant les possibles conséquences sociales et économiques de ces difficultés, différentes instances de régulation nationales en Europe (Conseil Général des Mines en France, Health & Safety Executive en Grande-Bretagne, Kemikalieinspektionen en Suède) en association avec des instituts de recherche européens (Mutadis et le CEPN en France, KFS en Allemagne) lancèrent fin 1996 une réflexion collective, le programme TRUSTNET, avec le soutien de la Commission Européenne (DGXII) afin d'évaluer ces difficultés ainsi que leurs conséquences et proposer des approches de gestion des risques plus cohérentes et plus équitables. La Commission Européenne confia à un comité de pilotage composé de représentants de ces institutions la tâche de coordonner ce programme de trois ans.

Le présent document présente les résultats de ce programme. La première partie offre en guise d'introduction une synthèse du contexte et des conclusions de cette action concertée. Dans la deuxième partie sont explicités les difficultés rencontrées dans la gestion collective des activités à risque et les enjeux qui appellent une évolution des pratiques de gestion collective des risques. La troisième partie présente la nouvelle perspective de gestion collective des activités à risques que les participants de TRUSTNET proposent à partir de la mise en commun de leurs expériences et de l'analyse de onze études de cas détaillées (ces dernières sont développées en annexe A) pour répondre aux difficultés et enjeux identifiés.

Une réflexion collective sur la gestion sociale des risques en Europe

Le programme européen TRUSTNET est un processus de réflexion collective concernant la gestion sociale des risques industriels, naturels et sanitaires en Europe qui s'est déroulé de 1997 à 1999 dans le cadre du quatrième Programme de Recherche de la Commission Européenne avec les objectifs suivants:

· identifier des facteurs de crédibilité, d'efficacité et de légimité du cadre réglementaire des activités à risque,

Quelques 80 participants européens impliqués à divers titres dans la gestion des activités à risque (représentants des pouvoirs publics au plan national et européen, de l'industrie, des collectivités locales, des associations environnementales) associés à un groupe interdisciplinaire d'experts européens ont participé à ce processus de réflexion et de concertation qui s'est déroulé à Paris de 1997 à 1999 (cf Annexe E - Liste des participants de TRUSTNET). L'expertise ainsi réunie couvrait des champs aussi divers que la gestion des risques, les sciences politiques, le droit (réglementation en santé, sécurité et environnement), la sociologie, la psychologie, l'économie, l'éthique et la santé publique.

Les études de cas

Les réflexions engagées dans le cadre de TRUSTNET se sont appuyées sur des études de cas réels de gestion collective de plusieurs activités à risque dans différents contextes nationaux et internationaux:

Les contributions d'experts dans TRUSTNET

En marge de ces études de cas, les participants du projet TRUSTNET ont bénéficié de plusieurs interventions d'experts concernant notamment les sujets suivants: l'acceptabilité sociale des risques, les nouvelles problématiques de gouvernance dans l'Union Européenne, l'état des recherches sur la confiance sociale aux Etats-Unis, une expérience d'évaluation collective des risques dans le domaine de la surveillance de l'environnement, les recommandations de la Commission du Congrès des Etats-Unis sur l'évaluation et la gestion des risques pour la santé et l'environnement, le rôle des experts dans les processus de décision sur les risques et les aspects éthiques de la gestion des risques. Une liste de ces présentations figure en Annexe D.

Synthèse des résultats de TRUSTNET

Il convient de souligner que de nombreuses différences culturelles et sémantiques existent dans les approches adoptées dans les pays de l'Union Européenne. Cependant, malgré la diversité des activités et des risques évoqués (santé, risques technologiques, risques naturels, risque nucléaire, etc) une analyse commune s'est fait jour. Cette cohérence a renforcé les échanges d'expériences et la construction d'une perspective commune entre les participants de TRUSTNET. Elle fonde la valeur et la portée des conclusions présentées dans ce rapport.

Les études de cas analysées au cours de TRUSTNET mettent en relief plusieurs types de situation dans lesquelles les modalités et les procédures habituelles de gestion collective des risques sont mises en difficulté. Ces situations ne concernent pas toutes les catégories d'activité à risque. Elles apparaissent dans des circonstances de plus en plus fréquentes où l'existence d'une activité à risque suscite un climat d'inquiétude alors que le dispositif institutionnel et réglementaire de gestion collective des risques existant ne parvient pas à créer un climat de sécurité et de confiance sociale.

Les conclusions de TRUSTNET mettent en relief la gravité des conséquences auxquelles peuvent conduire les défaillances identifiées dans ce qu'il a été convenu d'appeler la gouvernance des activités à risques (voir encadré ci-dessous). Celles-ci contribuent à créer un climat de défiance sociale vis-à-vis des autorités, des institutions et des processus d'expertise. Elles créent des situations de blocage décisionnel avec des conséquences économiques et sociales importantes. Elle conduisent à des situations sociales radicalisées qui entravent le fonctionnement démocratique et où il devient difficile de mener un dialogue raisonnable au sein de la société. Elles conduisent dans certains cas au rejet pur et simple d'activités nouvelles sans que soient raisonnablement évaluées les opportunités dont celles-ci sont porteuses pour la société.

Les participants de TRUSTNET ont proposé une description des objectifs que devrait atteindre un dispositif de gouvernance des activités à risques en fonction des enjeux et des préoccupations des différentes catégories de "porteurs d'enjeux". Cette description a permis de mettre en lumière la complexité d'attentes sociales dont les objectifs ne sont pas nécessairement convergents.

Justification du titre : Gouvernance des activités à risque

Le titre ‘Gouvernance des activités à risque' a été délibérément choisi par les participants de TRUSTNET pour montrer que leur réflexion ne se limitait pas à l'évaluation et à la gestion des risques. En effet, évaluer et gérer un risque esquive la question: "Pourquoi acceptons-nous de prendre le risque considéré ?". Or la justification des activités (ou des investissements, des modes de vie, de production) qui sont à l'origine de risques est en effet de plus en plus mise en question par la société. Dans cette perspective, en se référant au concept de gouvernance, TRUSTNET entend prendre en compte la problématique de justification des activités à risque comme l'ensemble des aspects sociaux, juridiques, politiques, scientifiques, techniques, économiques et éthiques qui sont associés à l'engagement d'une activité à risque au sein de la société. L'un des principaux résultats de TRUSTNET est d'avoir montré que l'engagement collectif d'une activité à risque dans un climat de confiance sociale suppose non seulement la maîtrise du risque mais également la justification sociale de l'activité considérée. En d'autres termes l'acceptabilité du risque trouve son fondement dans la justification sociale des activités qui sont à l'origine du risque.

L'analyse des études de cas a fait ressortir différentes formes de gouvernance, observées dans les contextes locaux, nationaux ou internationaux des activités à risque étudiées. Cette analyse est issue d'un regard interdisciplinaire. Le rôle prépondérant de trois grands catégories d'acteurs se dégage de cette analyse: les autorités publiques, les experts et les "porteurs d'enjeux", c'est-à-dire les acteurs pour lesquels les activités à risque considérées sont associées à des enjeux positifs ou négatifs.

Deux paradigmes de gouvernance des activités à risques ont été proposés:

Chaque paradigme est caractérisé par une "règle du jeu" implicite qui lui est spécifique. Les autorités publiques, les experts et les "porteurs d'enjeux" exercent un rôle différent dans chacun des paradigmes. De même, chaque paradigme est caractérisé par des types de réglementation, des formes de confiance sociale et des valeurs éthiques qui lui sont spécifiques.

Le premier paradigme - la traditionnelle gouvernance "d'autorité" des activités à risques - met l'accent sur le rôle central des autorités publiques dans le processus d'évaluation et de gestion des risques. Dépositaires de "l'intérêt général", les autorités publiques élaborent des réglementations prescriptives spécifiques pour chaque type de risque dans chaque contexte et demandent aux experts de leur fournir des solutions optimales dont la légitimité repose sur le savoir scientifique.

Le second paradigme - de "confiance mutuelle" - met en avant le rôle des "porteurs d'enjeux" dans la définition et la gestion du "bien commun". Ceux-ci participent de façon aussi large que possible à des processus de décision décentralisés, préalablement définis par les autorités publiques dans l'esprit d'une réglementation procédurale, où le savoir scientifique auquel ont accès l'ensemble des acteurs n'est plus présentée comme le principal facteur de décision.

Dans le paradigme "d'autorité" comme dans le paradigme de "confiance mutuelle" la science constitue un appui important à la prise de décision. Dans des situations marquées par la complexité ou par la présence d'enjeux forts et conflictuels, l'exercice proprement politique de la décision peut s'avérer délicat pour les pouvoirs publics qui cherchent alors à trouver une légitimité dans une référence excessive au caractère scientifique de leurs décisions. Les participants de TRUSTNET observent que cette tendance conduit à déplacer le débat politique vers des controverses scientifiques qui affectent la crédibilité des experts et la légitimité des décisions et de l'action publiques.

Pour résoudre les difficultés observées, l'analyse des études de cas fait ressortir la nécessité d'une nouvelle perspective sur la gouvernance des activités à risque, fondée sur une articulation entre les deux paradigmes présentés ci-dessus. Celle-ci ouvre la possibilité de processus de décision collective basés sur la confiance mutuelle et le dialogue social dans des situations caractérisées par la complexité tout en conservant dans les situations plus conventionnelles la possibilité d'un traitement traditionnel à caractère d'autorité susceptible de retrouver alors ses qualités d'efficacité.

Afin de faciliter la modernisation des modes de gouvernance européens, les participants de TRUSTNET ont souligné qu'il était nécessaire de poursuivre et élargir la mise en réseau des expériences et réflexions en matière de gouvernance des activités à risques pour diffuser les savoirs, développer la recherche et favoriser les échanges d'expérience sur la gouvernance des activités à risques.

Pour plus d'information

Le présent document reprend les principales conclusions et recommandations du programme TRUSTNET. Pour plus d'informations sur TRUSTNET et notamment pour avoir accès au contenu des séminaires qui ont été tenus de 1997 à 1999, nous vous invitons à :

II. Risque et Décision collective : la problématique européenne

II.1 Evaluation et gestion du risque ou gouvernance des activités à risque?

Au cours des trois années du séminaire, les participants de TRUSTNET ont progressivement pris conscience de la nécessité d'élargir le cadre initial de leur réflexion. En effet, la seule problématique d'évaluation et de gestion du risque ne permettait pas d'aborder la question préliminaire du "Pourquoi la société devrait-elle prendre un risque, même si ce risque est correctement évalué et géré?". Comme le séminaire engageait une réflexion avec l'objectif d'améliorer l'évaluation et la gestion collective des risques, il apparaissait progressivement qu'une condition pour que la société accepte ou souhaite l'existence d'une activité à risque, dans un climat durable de confiance sociale, était que l'existence de cette activité soit implicitement ou explicitement considérée comme justifiée par la société dans son ensemble et pas seulement par une seule catégorie de "porteurs d'enjeux". L'analyse des études de cas faisait ressortir que de nombreuses difficultés rencontrées par les dispositifs de régulation des risques trouvaient leur origine non seulement dans le question du contrôle efficace des risques mais également dans l'absence de justification claire de l'activité à risque aux yeux de la société dans son ensemble ou aux yeux de certaines catégories de "porteurs d'enjeux". Ayant identifié cette difficulté, les participants de TRUSTNET décidaient d'élargir la réflexion initiale sur l'évaluation et la gestion du risque à la problématique de justification sociale des activités à risque.

L'objectif d'améliorer la "Gouvernance des activités à risque" est dès lors apparu aux participants être un objectif plus approprié que la seule perspective d'améliorer "l'évaluation et la gestion des risques". Ce dernier objectif étant d'ailleurs inclus dans le premier. Dans cette perspective, les participants ont conventionnellement défini la "Gouvernance des activités à risque" comme une problématique large incluant les dimensions sociales, politiques, juridiques, scientifiques, techniques, économiques et éthiques qui caractérisent les processus de prise décision collective concernant les activités à risque.

II.2 Quelles sont les difficultés auxquelles font face les dispositifs de gouvernance des activités à risques en Europe aujourd'hui ?

Les études de cas analysées au cours de TRUSTNET mettent en relief plusieurs types de situation dans lesquelles les modalités et les procédures habituelles de gestion collective des risques sont mises en difficulté. Ces situations ne concernent pas toutes les catégories d'activité à risque. Elles apparaissent dans des circonstances où malgré la mise en place par les pouvoirs publics d'un dispositif (institutionnel et réglementaire) de gestion collective des risques:

II.3 Comment caractériser un bon système de gouvernance des activités à risques ?

L'identification des différents types de difficultés rencontrées dans les systèmes de gouvernance des activités à risque a conduit les participants à discuter de questions fondamentales : que veut dire améliorer la réglementation des risques? En quoi se distingue un "bon" système de gouvernance des activités à risque?

Trouver des réponses à ces questions constituait un défi pour un ensemble fortement hétérogène de participants. Chacun d'eux avait ses préoccupations propres et définissait ses enjeux de manière différente pour une même activité à risque. Dans une première étape, un inventaire des objectifs de chaque participant a été réalisé, et leur légitimité a été collectivement reconnue. Dans le même temps il était noté que ces objectifs n'étaient pas nécessairement convergents, et qu'il était souvent impossible de tous les satisfaire. Une phase importante du travail collectif réalisé pendant l'action concertée a consisté à requalifier et réinterpréter collectivement les enjeux et préoccupations propres à chaque catégorie de participants pour construire des objectifs communs acceptables pour l'ensemble de l'assemblée.

Parmi les objectifs définis, il est attendu qu'un système de gouvernance procure un niveau de protection reconnu comme acceptable par l'ensemble de la société, et permettant de garantir qu'aucun groupe n'est exposé au risque de manière inéquitable. Un autre objectif consiste à rejeter les activités qui n'apparaissent pas justifiées à la société dans son ensemble et font l'objet de fortes préoccupations sociales. En ce qui concerne l'autonomie des individus, il apparaît indispensable qu'un système de gouvernance soit en mesure de promouvoir la responsabilité et l'autonomie des "porteurs d'enjeux " dans le processus de prise de risque.

L'efficacité du processus de décision en termes de coûts et de délai, la praticabilité des décisions prises, l'efficacité des ressources investies dans la protection, sont également des objectifs importants. Dans cette perspective, les participants ont jugé indispensable que les décisions prennent en compte l'efficacité non seulement sur le court terme mais également sur le long terme.

Les participants ont noté que la gouvernance des activités à risque devait permettre à la société d'accéder à des développements technologiques et scientifiques contribuant à la résolution de préoccupations sociales actuelles. Cette remarque a fait particulièrement l'objet de discussions au sein de TRUSTNET : certains participants considéraient que l'accès au développement technologique était un objectif en soi, alors que d'autres refusaient de l'inscrire comme un objectif commun. Néanmoins, un consensus fut obtenu autour de l'idée qu'un "bon" système de gouvernance ne devrait pas entraver un développement technologique particulier dans la mesure où celui-ci est porteur de solutions pour des problèmes présents ou futurs reconnus par la collectivité.

De manière générale, les participants dans leur ensemble ont affirmé qu'un système de gouvernance devait favoriser la résolution ou la réhabilitation dans les situations post-accidentelles et contribuer à créer un sentiment de sécurité et un climat de confiance sociale notamment à l'égard des experts et des autorités publiques.

II.4 Quels sont les enjeux associés à une meilleure gouvernance des activités à risques en Europe ?

L'analyse des études de cas par les participants a rapidement montré que des échecs en matière de gestion collective des risques suscitent un climat d'inquiétude et de méfiance au sein de la société à l'égard des institutions publiques comme à l'égard des industries concernées, ceci notamment dans des circonstances où les objectifs et les choix des politiques publiques en matière de risque ne sont ni explicités ni débattus. Ces situations caractérisées par une perte de confiance sociale conduisent à une radicalisation de la position des "porteurs d'enjeux". Elles contribuent à créer un contexte où il devient de plus en plus difficile de mener un débat raisonnable au sein de la société. Les procédures démocratiques peuvent alors être mises en cause.

Les participants soulignent que la gestion des risques implique une distribution des responsabilités au sein de la société. Dans les situations marquées par une perte de confiance sociale, le respect de l'autonomie et la responsabilité des individus apparaissent comme des valeurs fortes qui peuvent contribuer à une meilleure gouvernance des activités à risques. Le respect de ces valeurs implique que chacun puisse prendre une part de responsabilité dans les prises de décision qui le concernent et donc qu'il dispose des éléments d'information nécessaires à sa participation.

Les dysfonctionnements en matière de gouvernance des activités à risque contribuent à créer des situations de blocage décisionnel avec des conséquences sociales et économiques parfois considérables. La résolution d'importants problèmes de santé et d'environnement peut en être différée. Des risques importants peuvent être négligés ou pris en charge de manière inadéquate en comparaison avec d'autres risques mineurs. Les ressources collectives de protection peuvent être allouées de façon inéquitable ou inefficace. Une incapacité de la société à construire une prise de risque qu'elle juge raisonnable peut se traduire par l'apparition de risques inattendus qui sont alors subis par la société et dont les conséquences peuvent être inacceptables.

Dans certains cas, les activités qui sont à l'origine d'un risque peuvent être purement et simplement rejetées par la société sans que soient raisonnablement évaluées les opportunités (parfois irremplaçables) dont elles peuvent être porteuses pour la société actuelle et future. Les participants de TRUSTNET ont noté que le développement technologique constitue une composante nécessaire du développement durable. Une partie des ressources nécessaires à la survie de l'humanité sont actuellement menacées par des phénomènes tels que le changement climatique, la déforestation et la réduction de la diversité biologique. Certains progrès scientifique comme de nouveaux modes de production d'énergie, sont plus que jamais nécessaires pour assurer la pérennité des ressources indispensables aux activités humaines.

III.Vers une nouvelle perspective sur la gouvernance des activités à risque

L'analyse des études de cas (cf. la présentation des études de cas en annexe A) fait ressortir différentes formes de gouvernance qui sont observées dans les contextes locaux, nationaux ou internationaux des activités à risque étudiées. Cette analyse est issue d'un regard interdisciplinaire. Elle met l'accent sur les dimensions politiques, juridiques, scientifiques, éthiques, sociales et psychologiques qui caractérisent ces situations.

Le rôle prépondérant de trois grandes catégories d'acteurs se dégage de cette analyse: les autorités publiques, les experts et les "porteurs d'enjeux", c'est-à-dire les acteurs concernés au titre des enjeux positifs ou négatifs que comporte pour eux l'activité à risque. Le rôle de ces trois catégories d'acteurs et leurs relations ont été analysés en détail dans chaque étude de cas.

Il ressort de cette analyse que les relations observées entre les trois catégories identifiées présentent de fortes similitudes malgré la variété des contextes étudiées. Les participants ont identifié deux principales formes de relation entre les autorités publiques, les "porteurs d'enjeux" et les experts qui contribuent à définir les contours de deux paradigmes de gouvernance des activités à risque. Chaque paradigme est également caractérisé par des formes politiques, juridiques, sociales et éthiques:

Comme souligné plus haut, tout en reconnaissant que les formes de gouvernance correspondant au paradigme "d'autorité" restent pertinentes et efficaces dans de nombreux contextes, les participants de TRUSTNET ont considéré que celles-ci rencontrent d'importantes difficulté de mise en oeuvre dans certaines situations, notamment caractérisées par la complexité et la perte de confiance sociale.

On observe alors l'apparition de formes nouvelles de gouvernance, qui ont été réunies et décrites sous le paradigme de "confiance mutuelle". Les formes de gouvernance apparentées au paradigme de "confiance mutuelle" apparaissent contribuer à une meilleure gestion des conflits et en fin de compte à une meilleure économie des ressources sociales, dans ces situations.

Les participants de TRUSTNET observent que ce paradigme de "confiance mutuelle" est déjà à l'œuvre dans de nombreux contextes de gouvernance des activités à risque. La description du paradigme de "confiance mutuelle" ne repose pas sur des spéculations théoriques mais découle des nouvelles approches observées dans des études de cas, ainsi que, plus largement, de l'expérience des participants.

III.1 Le paradigme "d'autorité"

Résumé du paradigme "d'autorité"

Le paradigme "d'autorité" de gouvernance des activités à risque est caractérisé par le rôle prédominant que jouent les autorités publiques dans le processus d'évaluation et de gestion des risques, de même que dans la justification (habituellement implicite) des activités à risque. Les autorités publiques élaborent de façon coordonnée une réglementation prescriptive spécifique à chaque type de risque dans un contexte donné. Les divers aspects du processus de prise de décision comme les incertitudes scientifiques, les divergences d'objectifs, les négociations, et les risques résiduels, sont rarement portés à la connaissance de la population. Le processus décisionnel est internalisé par les autorités publiques qui attendent des experts des solutions optimales aux problèmes soulevés par un risque. Chaque "porteur d'enjeux" défend son intérêt propre pendant que les autorités publiques sont chargées de représenter l'intérêt général.

Afin de mieux caractériser le paradigme "d'autorité", les participants de TRUSTNET ont identifié les rôles-types que les divers acteurs jouent dans les processus de prise de décision collective concernant les risques.

Les autorités publiques

Dans les états démocratiques, les autorités publiques (à savoir, le gouvernement et les institutions publiques qui participent à l'évaluation, à la gestion des risques et au contrôle) ont généralement pour tâche de représenter et de défendre l'intérêt général de la société. Il est généralement admis dans un contexte d'économie de marché que toute activité peut être entreprise à moins d'être expressement interdite ou soumise à autorisation par l'autorité publique.

La mission des autorités publiques consiste d'abord à décider quelles sont les activités qui justifient cette exception et à décider s'il y a lieu de les interdire ou d'édicter des règles permettant de maîtriser les risques associés à cette activité en maintenant ceux-ci dans une limite acceptable pour la société. Pour prendre leur décision, les autorités tiennent compte, explicitement (dans les exposés de motifs des lois, par exemple) ou implicitement (dans les décisions d'application), de l'intérêt stratégique, économique, social, voire culturel ou éthique de l'activité en question.

L'exercice de cette mission peut aboutir (ou non) à une autorisation explicite (ou implicite) de l'activité considérée. Une telle décision revêt un caractère de jugement, de délibération. A ce titre, elle prend en compte, aussi bien le savoir scientifique disponible, que d'autres facteurs tels que l'acceptabilité sociale du risque et la compétitivité économique. La nature même de cette première mission est fondamentalement politique et doit donc être menée en conformité avec des procédures démocratiquement agrées.

Une seconde mission des autorités publiques consiste à mettre en place des mécanismes de contrôle qui garantissent à la société et à ses membres que le risque est maintenu à un niveau défini comme acceptable par la société, et d'autre part à promouvoir des démarches raisonnables de réduction du risque. Cette seconde mission est généralement assignée à des institutions chargées de la police de la réglementation et à des agences d'objectifs.

Les "Porteurs d'Enjeux"

Qu'ils soient directement impliqués dans la gestion des activités à risque, ou simplement concernés par des enjeux positifs ou négatifs associés à l'existence de ces activités, les "porteurs d'enjeux" ont chacun dans une situation donnée des enjeux propres. Un "porteur d'enjeux" se définit comme un individu ou un groupe dans ce qu'il est porteur d'objectifs et d'intérêts qui lui sont propres. Il ne défend pas l'intérêt général, ni les intérêts d'autres "porteurs d'enjeux". Il ne lui revient pas non plus de rechercher à équilibrer les enjeux contradictoires des différents "porteurs d'enjeux". Les "porteurs d'enjeux" peuvent être des consommateurs, des promoteurs, des industriels, des associations environnementales, d'autres organisations non gouvernementales, ou tout autre groupe de pression.

En théorie, les autorités publiques ne constituent pas des "porteurs d'enjeux" dans la mesure où elles sont mandatées pour servir l'intérêt général de la société dans son ensemble et non pas leurs propres intérêts. Les "porteurs d'enjeux" présents dans un contexte donné ont donc le plus souvent des intérêts divergents les uns des autres. Ils sont généralement en situation d'inégalité en termes de pouvoir et d'information.

Les avantages comme les risques associés à une activité peuvent ne concerner que les acteurs directement impliqués en tant que producteur ou bénéficiaire de l'activité, ou plus largement un ensemble de populations et de secteurs, étrangers à cette activité. De nombreuses activités sont ainsi prises en charge par un nombre limité d'acteurs pour leur propre bénéfice aussi bien que pour celui de la société.

Par ailleurs, les activités des "porteurs d'enjeux" peuvent résulter en une dépréciation globale du bien commun. C'est le cas par exemple du changement climatique où un ensemble d'activités indépendantes les unes des autres sont suspectées d'être à l'origine de risques catastrophiques.

Les Experts

Les experts sont mobilisés par les autorités publiques pour participer à l'évaluation du risque mais également pour préparer les décisions de gestion des risques et élaborer des options raisonnables qui intègrent autant que possible l'ensemble des contraintes de la situation. Les experts sont souvent issus de milieux scientifiques ce qui contribue à entretenir une confusion entre l'activité scientifique et l'activité d'expertise. Autant que possible une distinction est maintenue entre processus d'évaluation des risques d'une part et de gestion des risques d'autre part.

L'évaluation des risques repose en partie sur le savoir scientifique disponible. Cette évaluation doit cependant souvent faire face à des lacunes de connaissances ou à d'inévitables incertitudes, dont la modélisation est plus ou moins satisfaisante. Certaines zones d'incertitude peuvent être complétement ou partiellement réduites par la poursuite de recherches scientifiques alors que d'autres s'avèrent irréductibles. L'évaluation des risques est ainsi nourrie d'hypothèses, d'extrapolations et d'autres techniques encore qui permettent de gérer les lacunes du savoir ou ses incertitudes.

La gestion des risques recouvre les décisions et les actions qui sont réalisées à différents niveaux dans la société pour déterminer les niveaux de risque tolérables dans le contexte de chaque activité à risque et maintenir ces risques dans les limites de tolérabilité qui ont été fixées. Les décisions engagées dans ce contexte sont autant que possible basées sur les évaluations des risques disponibles (et donc sur les incertitudes inhérentes à celles-ci) mais elle sont également opérées en fonction de nombreux objectifs sociaux souvent divergents voire contradictoires. Elles tiennent compte de l'intérêt de la société d'une façon générale mais également des différents "porteurs d'enjeux". Ces décisions revêtent un caractère politique.

Dans le processus de participation des experts à la préparation des décisions collectives de gestion du risque, les incertitudes, les divergences d'objectifs, les négociations et les risques résiduels ne sont le plus souvent pas portés à la connaissance de la population. Dans un souci d'efficacité, ces dimensions d'incertitude, de dilemme, de négociation sont "internalisées" dans les processus d'expertise puis dans les décisions collectives qui sont alors caractérisés par une forte opacité.

III.2 Le cercle vicieux de la décision "scientifique"

  • Comme l'ont montré les études de cas, le déclin de la puissance publique et la mise en cause des politiques publiques sur les risques contribuent dans certaines situations à détériorer les relations entre autorités publiques, "porteurs d'enjeux" et experts. Ce phénomène affecte le sentiment de sécurité au sein de la population ainsi que les bases de confiance sociale sur lesquelles la société est construite.

    "des décisions scientifiquement fondées"

    Confrontés à la contestation et à une perte de crédibilité, les autorités publiques cherchent à légitimer leurs décisions en se référant au savoir scientifique, à travers des déclarations du type: "cette décision est scientifiquement fondée". Bien que les politiques publiques recherchent un équilibre entre des objectifs concurrents comme la sécurité, la compétitivité économique, les intérêts des différents "porteurs d'enjeux" ou encore les bénéfices à court et long terme pour les générations présentes et futures, les décisions des autorités sont souvent présentées comme la conséquence logique de conclusions scientifiques indubitables.

    Les expertises scientifiques sont présentées comme offrant une garantie d'indépendance, d'objectivité, de rigueur scientifique et de véracité. Elles seraient basées sur les seuls faits sans être le moins du monde influencées par des opinions ou des jugements subjectifs. Ce recours à la légitimité scientifique vise en définitive à évacuer le débat et à éviter d'expliquer publiquement les fondements proprement politiques des décisions.

    Selon certains participants: "Les avis scientifiques sont parfois utilisés par les politiques comme écran de fumée" par crainte de divulguer des informations sur les incertitudes et les valeurs qui fondent les décisions, et d'ouvrir ainsi la "boîte de Pandore". Les décideurs publics redoutent que la diffusion d'informations fasse l'objet d'une couverture médiatique ou provoque une controverse scientifique qui ferait intervenir de nombreux experts dont le crédit serait moins fondé sur leur compétence que sur leur indépendance. Ils craignent que cette situation aboutisse à remettre en cause la décision, et à conforter le sentiment de méfiance que porte à leur égard la population.

    L'opposition que rencontrent certaines activités à risque est d'autant plus forte que la justification de ces activités n'a pas été publiquement débattue. Dans ces circonstances il arrive souvent que les bénéfices de ces activités soient ignorés et que les risques qui les accompagnent soient jugés inacceptables. Les autorités publiques éprouvent ainsi de plus en plus de difficultés à imposer des décisions. Les décisions publiques sont bloquées. Les autorités publiques renforcent les standards de sécurité sans pour autant réussir à restaurer un sentiment de sécurité dans la population.

    "Les experts sont formels"

    Les autorités publiques ont souvent recours aux experts pour l'évaluation des risques ou pour préparer des décisions concernant la gestion des risques. Lorsqu'elles rencontrent des difficultés à mettre en œuvre leurs décisions, le recours officiel aux experts scientifiques permet aux autorités publiques d'étayer leur choix sur des données scientifiques, mais plus largement de renforcer la légitimité de leurs décisions. Avec peut-être un soupçon d'exagération, les participants de TRUSTNET ont brossé de l'expert dans un contexte de gouvernance d'autorité le portrait suivant :

    "L'expert est celui qui sait. Je suis expert, faites ce que je vous dis! Le point de vue de l'expert prévaut sur celui des non experts. L'expert met en oeuvre la gestion du risque et décide de son contenu. L'expert livre les faits. L'avis d'un expert n'a pas besoin d'être contrôlé par ses pairs. L'expert exprime un avis avec certitude. Il est le reflet même de l'image populaire de la science - rien que des faits et des certitudes-. L'expert franchit la frontière qui le sépare du politique lorsque le savoir fait défaut ou que les incertitudes sont grandes. Le rôle de l'expert est dictatorial ou élitiste."

    La dimension d'incertitude, qui caractérise inévitablement tout processus d'évaluation du risque, semble disparaître dans l'avis de l'expert comme pour renforcer son message. L'incertitude est considérée comme un motif d'inaction. Le couvercle de la boîte de Pandore est solidement maintenu fermé.

    Cependant les controverses scientifiques sont suivies par les média. La participation des experts scientifiques à ces débats suscite plus de questions qu'elle n'apporte de réponse et souligne les incertitudes plus qu'elle ne rassure ou n'explique. La mise en évidence de ces incertitudes comme la mise au jour d'une dimension non-scientifique dans la prise de décisions sur les risques jettent le trouble sur l'opposition tranchée entre sécurité et insécurité.

    Les conflits entre "porteurs d'enjeux"

    Lorsque les autorités publiques éprouvent des difficultés à définir le cadre de régulation d'une activité à risque, les participants de TRUSTNET notent que la confiance sociale s'érode progressivement au sein de la société entre les "porteurs d'enjeux" d'une part, entre les "porteurs d'enjeux" et les autorités publiques d'autre part.

    Comme les débats publics se focalisent sur les risques, les activités à risque sont de moins en moins acceptées. Certains "porteurs d'enjeux" refusent alors de prendre part à une négociation sur les risques et les avantages d'une activité ou refusent tout simplement les risques associés à une activité. La sécurité absolue semble alors être la seule chose qu'ils soient prêts à accepter.

    Les groupes les plus puissants de "porteurs d'enjeux" exercent des pressions sur l'administration pour influencer l'issue du processus d'évaluation et de décision. Certains petits groupes parviennent également à influencer efficacement les décideurs publics en utilisant parfois les médias pour atteindre leurs objectifs.

    Les "porteurs d'enjeux" prennent activement part au débat scientifique sur l'évaluation des risques. Lorsqu'ils le peuvent, ils s'attachent les services d'experts scientifique pour défendre leur cause. Les relations entre "porteurs d'enjeux" peuvent dégénèrer en conflits publics ouverts et en controverses scientifiques sans fin. Les relations entre "porteurs d'enjeux" deviennent de plus en plus conflictuelles, renforçant leurs différences et érodant toujours un peu plus la confiance sociale. Il peut sembler alors que le jugement des experts ne soit pas dénué de parti-pris, et que les experts ne soient pas toujours en mesure de comprendre les préoccupations de la société. L'expertise scientifique n'apparait plus comme étant au dessus des intérêts et des enjeux. Cette situation conduit à un sentiment de méfiance à l'égard des autorités publiques, des institutions et des experts.

    III.3 Le paradigme de Confiance mutuelle

    Résumé du paradigme de confiance mutuelle

    Le paradigme de "confiance mutuelle" se caractérise par une large implication des "porteurs d'enjeux" dans le processus d'évaluation et de gestion des risques, de même que dans la justification des activités à risque. Les autorités publiques élaborent des réglementations procédurales qui représentent un cadre d'intervention et de participation pour les "porteurs d'enjeux". L'autonomie, la responsabilité des "porteurs d'enjeux" dans le processus de prise de risque sont des valeurs-clés. La prise de décision est décentralisée autant que possible au niveau local pertinent. La science n'est plus présentée comme le seul facteur déterminant de la décision. L'expertise devient pluraliste. Elle est disponible à l'ensemble des parties. Dans ce paradigme, l'espace politique est ouvert à la participation des "porteurs d'enjeux" à l'évaluation de la justification des activités à risque lorsqu'elles font l'objet de préoccupations sociales. Cette participation est mise en œuvre de façon autant que possible décentralisée au niveau de décision approprié en fonction de chaque contexte.

    Le rôle de la science et de l'expertise dans le paradigme de "confiance mutuelle"

    Dans ce second paradigme de gouvernance des activités à risque, la science n'est plus le seul facteur déterminant des décisions. La prise en compte des connaissances scientifiques demeure une composante essentielle du processus de décision, mais l'expertise devient pluraliste et disponible à toutes les parties. Les décisions sont prises autant que possible sur la base de l'état du savoir scientifique. Dans le même temps, la transparence est faite sur les incertitudes et les arbitrages, lesquels sont débattus au niveau de concertation approprié, plus particulièrement lorsque les décisions sont difficiles et sont source de dilemmes individuels ou collectifs.

    Les participants de TRUSTNET ont représenté le type de l'expert dans le paradigme de "confiance mutuelle" sous les traits suivants:

    "L'expert énonce pour un danger ou un risque ce qui est connu et ce qui est inconnu. Il indique les zones d'incertitude. Lorsqu'il donne un avis, il fait savoir ce qui relève d'une analyse scientifique rigoureuse. L'expert distingue l'analyse scientifique de l'exercice du jugement et indique ce qui ressort de l'extrapolation à l'homme de conclusions d'études animales. Il signale ce qui n'est que de l'opinion et présente les positions des différentes écoles de pensée. L'expert soumet ses avis au contrôle de ses pairs. Il est conscient que l'analyse scientifique des risques est émaillée d'incertitudes. L'expert est démocrate. Il travaille en collaboration avec les "porteurs d'enjeux"."

    Ainsi la reconnaissance de l'incertitude caractérise-t-elle le paradigme de "confiance mutuelle". Celle-ci fait l'objet d'une information large, bien que prudente dans sa forme. L'absence de certitude sur l'existence d'un risque n'empêche pas de mener des actions pour s'en prémunir si cela est jugé raisonnable (principe de précaution).

    Un cadre réglementaire à double niveau

    Dans le paradigme de confiance mutuelle, la prise de risque comme la justification des activités à risque s'effectuent dans un cadre décisionnel à deux étages qui permet, à l'intérieur de frontières de tolérabilité définies à un niveau global, de prendre en compte les facteurs locaux dans la décision tout en favorisant autant que possible l'autonomie et la prise de responsabilité des "porteurs d'enjeux" dans les processus de décision. Ce cadre à double niveau s'avère particulièrement pertinent dans des circonstances où les facteurs culturels, géographiques et démographiques varient sensiblement. Il est également approprié au contexte europeén dans la mesure où il autorise l'adoption de solutions adaptées mais différentes entre états membres. Cette structure augmente l'adhésion des "porteurs d'enjeux" locaux aux activités ainsi réglementées, ainsi que l'acceptabilité des risques qui leur sont associés. Elle améliore l'efficacité et la cohérence de la gestion des risques.

    Une décentralisation de la prise de décision au niveau local ne sera cependant pas toujours recommandée. Il convient de repérer les circonstances où la décision locale peut être encouragée. Dans des situations de risques globaux, où des échecs sont susceptibles de provoquer des conséquences importantes, voire catastrophiques (dans le cas par exemple de grandes installations technologiques complexes), l'espace de la négociation locale doit être limité.

    La justification des activités locales peut en effet être remise en question au niveau national ou international sans l'être pour autant au niveau local. Il arrive, par exemple, que des activités locales génèrent des risques globaux ou des risques à fort potentiel de catastrophe (changement climatique ou polluants organiques persistants). Dans ces circonstances les autorités publiques pourraient être plus spécifiquement impliquées dans l'identification de la nature du problème et dans son examen. La décision finale devrait dans certains cas leur incomber, en particulier dans des situations comportant une forte dimension internationale.

    Implication des "porteurs d'enjeux" dans la gouvernance des risques

    De nombreuses études de cas de TRUSTNET soulignent l'efficacité de l'implication des "porteurs d'enjeux" dans les différentes étapes du processus de décision en matière d'évaluation et de gestion des risques, et mettent également en avant l'approche adoptée par la Commission du Président et du Congrès des Etats-Unis sur l'évaluation et la gestion des risques. Dans cette perspective le paradigme de "confiance mutuelle" se distingue par une implication précoce des "porteurs d'enjeux" dans les étapes successives d'un processus de décision participatif: 1) formulation du problème dans un contexte approprié, 2) analyse des risques, 3) définition des options possibles, 4) prise de décisions raisonnables, 5) application des décisions, 6) évaluation de l'efficacité des actions entreprises.

    Les administrations en charge de la réglementation donnent des garanties que la prise de risque est équitable et acceptable en instituant des mécanismes de contrôle. Dans cette perspective (voir figure 1), ces administrations fixent un cadre de réglementation des risques à deux niveaux :

    La zone intermédiaire regroupe l'ensemble des risques tolérés pour des activités socialement justifiées à la condition que :

    Risque inacceptable

     

     

     

    Zone d'inacceptabilité

     

    Le risque n'est pas justifié

    Sauf dans des circonstances

    Exceptionnelles

     

     

    Zone de tolérabilité

    Dans la zone de tolérabilité des mesures de contrôle doivent être mises en place afin de rapprocher le risque de la zone d'acceptabilité.

     

    Si le risque reste situé dans cette zone intermédiaire, l'activité ne sera entreprise qu'à la condition que des avantages soient attendus, qu'une réduction supplémentaire est impossible ou qu'une forte disproportion subsiste entre les moyens engagés et la réduction du risque obtenue.

     

     

     

     

    Zone d'acceptabilité

     

     

     

     

    Le niveau de risque résiduel est insignifiant. Les ressources supplémentaires allouées à la réduction du risque seraient vraisemblablement disproportionnées par rapport à la réduction de risque obtenue.

     

    Risque négligeable

     

    Figure 1 Acceptabilité du risque

    Ce dispositif de gestion des risques accorde une place importante aux négociations locales sur les conditions d'acceptabilité du risque. Un niveau donné de risque peut être acceptable dans un certain contexte et inacceptable dans un autre. Ce faisant, les pouvoirs publics reconnaissent la nature même de la réglementation des risques, laquelle consiste non pas à éviter les risques - composante incontournable de toute activité humaine - mais au contraire à permettre que des risques tolérables puissent être pris collectivement dans la mesure où ils résultent d'activités justifiées.

    Les questions que posent les risques ne se présentent pas en termes noirs ou blancs. De nombreux acteurs concernés par des risques recherchent un niveau raisonnable de prise de risque dans un contexte qui fasse sens pour eux. Des risques spécifiques seront acceptés en fonction des caractéristiques et des priorités du contexte local dans la mesure où ils ont été réduits aussi bas que raisonnablement possible et ne dépassent pas le degré de tolérance globalement fixé par les pouvoirs publics.

    La prise en compte des négociations locales favorise l'adoption d'une approche exhaustive et cohérente de la gestion des risques, qui prenne en compte tous les types de risques qu'il est possible d'envisager dans un contexte local, ainsi que les effets secondaires attendus des mesures de protection de la santé et de l'environnement (ceci ne serait pas possible dans une approche prescriptive et centralisée qui traiterait les risques un par un). La place accordée aux négociations locales sur l'acceptabilité du risque accroît donc l'efficacité des ressources consacrées à la protection de la santé et de l'environnement.

    Par exemple, sur la question d'une contamination alimentaire par des produits chimiques (voir l'étude de cas sur les POP) la collectivité Inuit au nord du Canada a pris la décision au niveau local de conserver son régime alimentaire traditionnel, malgré le niveau de contamination chimique de celui-ci (qui serait jugé inacceptable dans de nombreux pays occidentaux). Cette décision a résulté d'une mise en balance des bénéfices attendus d'un changement alimentaire (limitant les contaminants chimiques) et des effets pervers associés à l'abandon de l'alimentation traditionnelle Inuit (très favorable sur le plan diététique) pour l'adoption d'un régime alimentaire déséquilibré de type "occidental urbain" (junk food).

    La justification en contexte des activités sensibles

    Dans certaines situations, les activités à risque, qu'elles soient ou non réglementées, ne bénéficient pas de la confiance du public et suscitent une certaine appréhension dans la collectivité. Les "porteurs d'enjeux" expriment des avis opposés sur la prise de risque, et le lien social s'en trouve affecté. Ces situations surviennent lorsque la justification d'une activité est controversée, ou plus simplement lorsque les personnes concernées par cette activité, dans un contexte global (national, international) ou dans un contexte local (une collectivité locale, par exemple), n'en perçoivent pas clairement la justification.

    Les avantages qui sont attendus d'une activité peuvent être occultés par les interrogations que soulèvent des données largement incertaines, un déficit de connaissances, ou par la crainte que cette activité s'accompagne de conséquences graves. L'activité peut également être incompatible avec les valeurs et les préoccupations éthiques de la société. Sa justification peut être difficilement contestable dans un contexte, et l'être tout à fait dans un autre. En ce sens, les décisions prises au niveau global (national, international) sur la justification d'une activité à risques devraient ouvrir des marges de manœuvre au niveau local lorsque, par exemple, une collectivité locale doit décider in situ si une telle activité doit être engagée sur son territoire sur la base de facteurs contextuels tels que les perspectives économiques pour la collectivité, les préoccupations publiques en matière de sécurité, de santé et d'environnement, de cadre de vie ou d'autres priorités politiques locales. L'emplacement d'installations de gestion de déchets nucléaires, par exemple, peut être justifié d'un point de vue global tout en étant contesté au niveau d'une collectivité locale.

    La restauration de la confiance sociale passe sans doute par l'ouverture de l'espace politique aux "porteurs d'enjeux" dans la prise de décision sur la justification et l'utilité d'une activité à risque. La nature même d'une telle décision est politique car elle prend en compte, outre la question du risque, des considérations relatives - entre autres exemples - aux valeurs sociales, aux préoccupations éthiques, et aux avantages que la société souhaite retirer de l'activité considérée (" l'album de photos " décrit plus loin, en III.4). Un processus de justification nécessite la construction de valeurs partagées et d'objectifs communs à tous les "porteurs d'enjeux" au-delà de leurs positions divergentes.

    Intégrer un débat politique sur la justification des activités à risque en amont du processus de décision assure la cohésion sociale nécessaire au développement durable de ces activités. A Fribourg, par exemple, la réglementation des risques s'est avérée insuffisante pour définir les conditions d'une implantation industrielle au niveau local sur le long terme (voir l'étude de cas : Processus d'implantation d'une usine de produits chimiques dans le district de Fribourg, en Suisse), alors qu'à Dunkerque un soutien public durable aux activités à risque a été construit à partir d'un consensus au sein de la communauté sur la justification de ces activités dans le contexte local (voir l'étude de cas : Schéma industriel environnemental de l'agglomération de Dunkerque).

    Au-delà des conflits entre "porteurs d'enjeux"

    Dans le paradigme de confiance mutuelle, les "porteurs d'enjeux" reconnaissent que les conflits et la méfiance qui règne les uns entre les autres nuisent à l'ensemble de la collectivité (globale ou locale) ainsi qu'à leurs propres intérêts à long terme. Si les activités d'un porteur d'enjeux perdent la confiance de la population, celui-ci est conduit à recréer de la confiance sociale avec les acteurs qui sont directement concernés par ses activités. Pour dépasser des jeux d'affrontements nuisibles, les "porteurs d'enjeux" doivent également reconnaître que les problèmes de risque ne sont pas unidimensionnels, que cette dimension soit technique, scientifique, économique, environnementale ou sanitaire. Ils doivent donc s'appuyer sur des préoccupations et des valeurs communes. Leurs intérêts propres restent dominants, mais doivent s'inscrire dans un cadre de valeurs partagées avec les autres "porteurs d'enjeux". Ils s'engagent donc dans un processus politique qui peut se dérouler au niveau global comme au niveau local.

    Les "porteurs d'enjeux" ouvrent un débat qui ne se limite pas à l'acceptabilité du risque. L'aventure du progrès scientifique et technique n'est plus l'objet d'un consensus social universel. Toute activité technologique est ainsi interrogée quant à son utilité sociale et sa contribution à des objectifs qui font sens pour l'ensemble de la collectivité, comme de:

    Cette liste n'est qu'indicative et rend compte de préoccupations qui sont celles d'aujourd'hui. Elle revêt donc un caractère provisoire. Néanmoins elle montre que les débats sur l'acceptabilité des risques associés à une activité ne peuvent avoir lieu que si la justification de cette activité a préalablement été construite sur des valeurs et des objectifs partagées.

    III.4 La Dynamique de la confiance sociale

    Dans le travail d'analyse des études de cas, les participants de TRUSTNET ont jugé utile de préciser le sens donné à la notion de confiance qui apparait être au coeur des problématiques étudiées mais dont le sens, relativement flou dans le langage courant, recouvre des réalités très différentes. Dans cette perspective, la réflexion s'est appuyée sur de récents développements en science sociale concernant la notion de confiance et plus particulièrement sur un important courant de recherche en psychosociologie sur la confiance sociale qui s'est développé ces dernières années aux Etats-Unis.

    D'une façon générale, les phénomènes de confiance sont considérés dans ces recherches comme des dispositifs qui permettent une économie des ressources cognitives à l'échelle d'une collectivité. Comme nous ne pouvons satisfaire seuls à tous nos besoins, il est indispensable que nous confions à autrui la réalisation de ce que nous ne pouvons accomplir nous-mêmes. Aussi nous faut-il dépendre d'autres personnes ainsi que de systèmes et d'organisations.

    Une caractéristique de ces travaux nord-américains est d'opérer une distinction conventionnelle entre deux dimensions observées dans les phénomènes de confiance au sein d'une collectivité. La première, que nous nous proposons de traduire par la notion de "quiétude" (le terme anglais "confidence"). La seconde est la notion de "confiance sociale" (en anglais "social trust"). Ces deux termes recouvrent des dimensions différentes qui ne sont nullement exclusives mais au contraire complémentaires et interdépendantes.

    Quiétude et confiance sociale

    La notion de quiétude désigne une relation quotidienne entre une personne et une organisation ou un système. La notion de quiétude s'oppose à celle d'inquiétude. Elle recouvre l'ensemble des attitudes de routine que nous adoptons dans la vie quotidienne quand par exemple nous prenons l'avion, nous mettons une lettre à la poste, ou encore lorsque nous allons au restaurant. La quiétude est une attitude relativement passive, qui veut qu'un individu est suffisamment familier avec un système pour ne pas avoir à s'en inquiéter, pour ne pas avoir à s'en soucier. Elle est présente dans toute situation où nous ressentons un sentiment de sécurité, et nous n'éprouvons pas le besoin de le remettre en cause. Le système constitue en soi un environnement suffisamment rassurant et fiable pour que nous considérions inutile d'être sur nos gardes. Dans la vie quotidienne, la quiétude est le sentiment usuel que nous nourrissons à l'égard des grandes organisations auxquelles nous faisons appel chaque jour et dont nous dépendons. La quiétude n'encourage pas la vigilance, mais elle est utile en ce qu'elle nous permet de consacrer notre temps à nos propres activités

    La notion de confiance sociale désigne une relation entre personnes humaines au sein d'un groupe existant ou en train de se constituer. La confiance sociale est mobilisée lorsque quelqu'un dépend d'autres personnes (et par extension de leurs institutions) pour réaliser un projet qui implique des risques importants pour lui. Une situation typique est celle de la personne qui a décidé de subir une opération chirurgicale à risque et qui fait suffisamment confiance à une équipe médicale pour s'en remettre à elle. La confiance sociale peut caractériser également la situation d'un individu face à des activités qui sont gérées par d'autres et dans laquelle il n'est pas directement impliqué (tout en étant partie prenante car subissant les éventuelles conséquences). La confiance sociale exprime plus particulièrement une relation de confiance dans une situation de dépendance forte. Le succès d'un projet important pour moi dépend essentiellement de quelqu'un d'autre. La confiance sociale nous fait prendre le risque de l'autre, ou des autres. Nous faisons confiance à un autre parce que nous pensons qu'il est d'une certaine manière semblable à nous. Nous pouvons lui faire confiance pour de nombreuses raisons : parce que nous avons des préoccupations ou des opinions politiques communes, parce que nous appartenons à la même collectivité, parce que nous partageons des valeurs culturelles, religieuses, etc. La confiance sociale implique un choix personnel et suppose que nous prenions un risque en nous en remettant à un autrui libre.

    La dynamique sociale

    La quiétude n'est pas un état permanent de la société. Elle fond comme un glaçon sous la pression de changements sociaux, qu'ils soient continus ou soudains, comme par exemple lors d'un accident. La quiétude requiert un soin, un entretien. La quiétude est quotidiennement affectée par des événements déstabilisants. Lorsque notre sentiment de quiétude est affecté nous sommes conduit à réévaluer la confiance sociale que nous plaçons dans ceux dans les mains desquels notre sécurité repose. Lorsque par exemple nous sortons (brusquement ou non) d'un état de quiétude vis-à-vis d'une organisation ou d'un système nous nous tournons vers ceux (les humains) dont nous dépendons. C'est le cas, par exemple, si un incident de vol m'interrompt dans ma lecture durant un voyage en avion, ou si quelque chose me fait douter de la sécurité du système dans lequel je suis. La rupture d'un état de quiétude introduit un doute sur la confiance sociale. Il devient alors nécessaire d'authentifier, de tester la confiance sociale qui fonde la consistance sociale.

    La confiance sociale est ainsi régulièrement testée, authentifiée pour confirmer l'existence d'un projet commun, de sens commun dans un groupe. A la manière du magma liquide terrestre qui vient réparer la surface crevassée du sol après un séisme, la confiance sociale permet un processus de recalage qui ouvre à nouveau la possibilité d'un état de quiétude (chacun peut alors retourner à ses affaires). Un sentiment de quiétude ne peut se recontruire que dans un contexte de confiance sociale. Je m‘en remets alors à d'autres en qui j'ai confiance et ne me soucie plus de ma sécurité (dont l'étymologie latine est "sine cura", sans souci).

    La quiétude et la confiance sociale sont interdépendantes et s'expriment dans différentes combinaisons. Dans la vie de tous les jours, nous passons d'états de quiétude à des situations où nous avons besoin de réévaluer notre engagement en testant la confiance sociale. La confirmation de la confiance sociale ouvre la voie à des nouveaux états de quiétude (Fig. 2). Ces deux formes n'exigent pas le même niveau de ressource ou d'engagement. La quiétude n'exige que peu d'investissement personnel. La confiance sociale est régulièrement sollicitée mais suppose une implication forte de celui qui fait confiance.

    La confiance sociale peut être construite sur l'appartenance à un groupe déjà existant. Cependant, le changement social peut affecter au-delà de la quiétude, les valeurs communes qui fondent un groupe. Dans les cas où le processus d'authentification conduit à infirmer l'existence de confiance sociale dans le groupe, des processus de reconstruction de la confiance sociale sont alors nécessaires (Fig. 3).

    Ces processus nécessitent alors l'édification de valeurs nouvelles, de sens commun entre les individus en conflit qui dépassent les appartenances et les clivages existants . La reconstruction de la confiance sociale implique un engagement actif de la part des individus. Ce processus hautement exigeant suppose la participation consciente et active des personnes. Le leadership politique peut contribuer à reconstruire la confiance sociale.

    Dans une société développée, il n'est pas possible de tabler sur un engagement permanent tous azimuts des acteurs sociaux. Il est donc nécessaire d'économiser l'implication et l'engagement de l'ensemble des acteurs. C'est pourquoi la dynamique sociale peut être vue comme une succession de phases stables marquées par l'existence d'un fond de confiance sociale qui permet la distribution des tâches et des responsabilités au sein du corps social dans un climat de quiétude en alternance avec des phases transitoires d'authentification voire de réactualisation des bases de la confiance sociale qui nécessitent au contraire une plus forte mobilisation sociale.

    Quiétude, confiance sociale et gouvernance des activités à risque

    Replacées dans le contexte de la gouvernance des activités à risque, ces réflexions sur le problème de la confiance conduisent à plusieurs conclusions.

    La gouvernance des activités à risque ne peut avoir pour objectif le maintien constant d'un état de quiétude acquis une fois pour toutes. La prise de risque collective est un processus social dynamique. Le changement comme l'ensemble des événements qui chaque jour affectent la quiétude sont à considérer comme des processus normaux. La quiétude est un capital qui doit être entretenu dans le temps. La gouvernance des activités à risque doit certes autant que possible préserver ce capital. Mais la maintenance d'un climat de quiétude suppose nécessairement des phases d'authentification voire d'actualisation de la confiance sociale dans lesquels un nombre élargi d'acteurs sera alors mobilisé. Dans l'idéal, ces phases d'authentification devraient être anticipées dans les dispositifs de gouvernance plutôt que de ne s'effectuer que "à chaud" dans les situations de crise. De même, un dispositif de gouvernance des activités à risque doit être capable d'assurer une fonction d'actualisation ou de réparation de la confiance sociale lorsque celle-ci est ébranlée.

    L'évaluation d'un système de gouvernance des activités à risque soulève un problème très important : Quelle est sa capacité à actualiser la confiance sociale? La gouvernance des activités à risque favorise-t-elle la création de confiance sociale lorsque celle-ci est ébranlée ?

    Quand le climat de quiétude qui entoure une activité à risque perd sa consistance, la question se pose du niveau de confiance sociale dont sont investies les personnes chargées de cette activité. Sous l'angle de la confiance sociale, fondée sur l'existence de similarités ou de sens commun entre individus, une autre formulation consiste à poser la question suivante: "Partageons-nous (nous, personnes exposées au risque avec les personnes responsables de l'activité à risque) des valeurs et des conceptions communes ? Leur activité a-t-elle un sens à nos yeux ? Quelle est sa place dans notre vision de notre propre avenir et de celui de nos enfants ?". La confiance sociale suppose donc que les personnes qui entreprennent une activité puissent la justifier non pas seulement du seul point de vue de leur propre intérêt (en tant que "porteurs d'enjeux") mais comme un enjeu commun à la société dans son ensemble.

    Ces questions ne trouveront pas de réponse uniquement dans le cadre de l'évaluation et de la gestion du risque. Ici, c'est la justification de l'activité à risque qui est mise en cause. Il faut donc considérer non seulement les risques mais aussi les bénéfices retirés de l'activité. Comme l'a formulé un participant de TRUSTNET, lorsque nous préparons un voyage de Londres à Paris, il ne suffit pas d'examiner la carte des risques, il faut aussi examiner les raisons qui motivent le voyage, par exemple, "l'album de photos":

    "J'aimerais développer un peu votre métaphore de la carte des risques, car, comme vous le dites, les cartes ne sont qu'une représentation de la réalité, pas une reproduction. La carte indique toutes les difficultés qu'il y a à se rendre de Londres à Paris, de la Gare du Nord à la Maison de la Recherche, le fleuve à traverser, toutes les difficultés. Ce qui manque sur la carte est l'album des photos de Paris montrant comme la ville est belle aujourd'hui, avec son ciel bleu, la tour Eiffel, les Invalides.

    Ceci pour dire que la carte en soi ne suffit pas. Et j'ai le sentiment qu'hier, pendant les études de cas, quand nous regardions les cartes, nous ne faisions qu'examiner les difficultés rencontrées pour aller d'un point à un autre. Nous n'avons parlé que des risques. Et nous avons passé très peu de temps à regarder l'album de photos. Pourquoi l'homme a-t-il inventé la DDT,  qui a eu certains effets très néfastes ? Eh bien, nous avons inventé la DDT pour combattre la malaria, pour tuer les moustiques. Nous ne connaissions pas, à l'époque, les effets indésirables de la DDT, et je suis d'accord pour dire qu'aujourd'hui, nous devons l'éliminer progressivement.

    Quand nous parlons de produits dangereux, nous ne parlons que de risques. Je souligne que ces produits dangereux nous permettent d'avoir ce que nous aimons dans notre vie quotidienne. Et quand nous avons parlé des OGM, nous n'avons même pas cité, ne serait-ce qu'un instant, la raison pour laquelle les OGM ont été inventés. Les OGM vont-ils servir à résoudre le problème de l'alimentation au cours des prochaines années, quand la population mondiale atteindra 50 milliards d'individus ? Gardons donc cette idée de la carte des risques, mais celle-ci ne suffit pas à représenter la réalité. Je pense que, quand nous parlons de risques, il faut également avoir une vision positive des raisons pour lesquelles ces produits ont été inventés. "

    Dès lors qu'elle met en cause ou en question la justification globale d'une activité à risque, la construction de confiance sociale s'engage sur le terrain politique. La justification d'une activité est une décision politique basée sur des critères multiples : les valeurs sociétales et les préoccupations éthiques contemporaines, les avantages que la société souhaite tirer de l'activité en question, la capacité à maintenir les risques engendrés par l'activité dans des frontières jugées tolérables.

    L'avenir à long terme d'une activité à risque dépend peut-être moins du niveau de quiétude qui l'entoure et dont elle bénéficie que de son "adhérence" aux préoccupations et aux valeurs de la société (qui elles-mêmes évoluent). Une activité dont la justification sociale est peu discutable peut, par exemple, faire face à une crise de confiance provoquée par un accident grave. Une activité peu justifiée socialement, au contraire, pourra difficilement survivre à de petits événements insidieux qui affecteront le climat de quiétude qui l'entoure et par ricochet conduira à un processus qui mettra à jour le fait qu'elle n'est pas (plus) investie de confiance sociale.

    Un effondrement du climat de quiétude qui entoure une activité à risque ouvre donc un débat politique sur sa justification. Une telle situation peut se produire au niveau planétaire, comme dans le cas des OGM dans l'agriculture, mais aussi au niveau local quand, par exemple, la justification d'une activité dangereuse de type Seveso (étude du cas de Dunkerque) est vigoureusement contestée par la population locale.

    Articulation et Complémentarité des deux paradigmes

    Comme le montre la Figure 4, le paradigme d'autorité est principalement caractérisé par une réglementation prescriptive spécifique à chaque type de risque dans un contexte donné. Cette réglementation est définie au niveau supérieur par les autorités publiques et appliquée au niveau local. Ce paradigme ne présente pas d'espace pour une arène politique où serait discutée la justification des activités sensibles. Il n'autorise donc pas l'engagement de processus de construction d'une confiance sociale autour des questions de justification. De même le paradigme d'autorité n'ouvre pas la possibilité d'une marge de manœuvre locale dans la hiérarchisation des objectifs de protection qui sont fixés une fois pour toutes au niveau supérieur.

    Comme le montre la Figure 5, dans le paradigme de confiance mutuelle, l'expertise et la prise de décisions sont des processus ouverts et interactifs. Les experts discutent des diverses hypothèses de leurs études, révèlent les incertitudes et en identifient le degré. Les "porteurs d'enjeux" discutent des enjeux aux niveaux national, européen, international aussi bien qu'au niveau local (les niveaux supérieur et inférieur sur la figure 5) et s'efforcent de tracer les contours du bien commun.

    La tâche principale des pouvoirs publics est de préparer et d'organiser les débats de ces experts et de ces "porteurs d'enjeux". Il leur revient en fin de compte de concevoir les orientations de la politique publique en fonction des arguments présentés. La décision n'appartient plus aux seuls pouvoirs publics et ne se situe plus uniquement au niveau supérieur. En outre, la gestion du risque et la justification des activités qui en sont à l'origine, de même qu'elles sont étudiées à la fois au niveau supérieur et inférieur, ne sont plus déconnectées les unes des autres : elles s'influencent et se renforcent mutuellement. Une activité ne peut se justifier par le seul fait qu'elle est nécessaire à un niveau si elle s'exerce au détriment d'un autre niveau. Les "porteurs d'enjeux" ont la possibilité d'influencer les étapes successives du processus de décision et de dialoguer les uns avec les autres ce qui soutient de façon générale un climat de confiance au sein de la société.

    L'approche "d'autorité" est efficace dans des contextes où le processus de décision n'est pas complexe, lorsque par exemple l'expertise scientifique donne une représentation claire des risques, et que les solutions envisagées apportent un bénéfice évident à la société dans son ensemble. A l'inverse une approche de "confiance mutuelle" sera nécessaire dans des contextes de décision spécifiques, marqués par la complexité. Une approche de ce type permettra d'authentifier ou de reconstruire les valeurs communes qui rendent possible une décision complexe en créant un contexte de confiance sociale entre les "porteurs d'enjeux".

    Cette distinction entre un paradigme "d'autorité" et un paradigme de "confiance mutuelle" a été adoptée pour des raisons heuristiques de manière à mieux distinguer les processus en jeu. Elle revêt un caractère artificiel dans la mesure où les deux formes de gouvernance sont souvent enchevêtrées, comme les études de cas et l'expérience des participants en attestent. Il ne s'agit en aucun cas de présenter le paradigme de "confiance mutuelle" comme la solution universelle aux questions posées par la gouvernance des activités à risques. Il est au contraire reconnu que chaque approche apporte des avantages spécifiques et complémentaires pour la société dans son ensemble. Les processus de décision collective doivent reposer sur une distribution des tâches efficace au sein de la société et ne peut raisonnablement pas s'appuyer sur une implication constante des "porteurs d'enjeux". En fonction du contexte historique, culturel et politique, ainsi que de la nature des activités à risque l'un ou l'autre des deux paradigmes pourra être préféré pour améliorer la gouvernance d'une situation donnée.

    Comme l'ont noté les participants de TRUSTNET un système de gouvernance n'est pas destiné à éviter toutes les crises sociales ou à maintenir un état permanent de quiétude. Au contraire, il doit être apprécié à l'aune de sa capacité à dépasser les évenements qui affectent régulièrement la cohésion sociale. La flexibilité est une valeur clef dans un système de gouvernance. Un système de gouvernance robuste et efficace permettra de restaurer la quiétude, ou d'authentifier ou reconstruire les valeurs communes qui fondent la confiance sociale et assurent la cohésion sociale. Il allègera ainsi les efforts dépensés par les "porteurs d'enjeux" dès que le contexte le permettra.

    Il ne faudrait pas néanmoins en conclure qu'une approche d'"autorité" présente un meilleur rapport coût-efficacité qu'une approche de "confiance mutuelle". Les études de cas ont nettement souligné qu'une approche de "confiance mutuelle" pouvait non seulement améliorer la crédibilité des décisions collectives, mais aussi contribuer à augmenter leur efficacité, d'une part parce que les spécificités locales sont prises en compte, ce qui conduit à une meilleure allocation des ressources, d'autre part parce que cette approche inscrit la justification sociale des activités à risque dans la durée et évite de coûteux et interminables conflits.

    De manière générale, les approches "d'autorité" et de "confiance mutuelle" sont amenées à alterner de manière dynamique afin de préserver la cohésion et la confiance sociales tout en rendant possible une prise de risque pour des activités considérées comme dignes d'intérêt par la société dans son ensemble. Le paradigme de "confiance mutuelle" est adopté lorsque dans certains contextes les approches "d'autorité" rencontrent des difficultés. A l'inverse le paradigme dit "d'autorité" redevient opportun dès lors que les bases de la confiance sociale ont été suffisamment authentifiées ou renouvelées.


    ANNEXES


    Annexe A - Présentation des études de cas

    Les analyses et les recommandations de TRUSTNET sont fondées sur des études de cas. Un résumé de chaque étude est présentée ci-dessous.

    Champs électro-magnétiques de 50 Hz (Suède)

    Dans les années 80, les autorités publiques suédoises ont reconnu qu'il existait une incertitude concernant les effets sanitaires des champs électro-magnétiques à faibles doses. En 1992, suite à des études scientifiques visant à évaluer la nature et l'ampleur de ces incertitudes, les autorités suédoises ont conclu que le risque n'était pas suffisamment important ni suffisamment bien établi pour justifier des mesures prescriptives au niveau national. En revanche, elles recommandaient une prise en compte de ce risque dans les politiques publiques locales sur la base d'analyses coûts-bénéfices spécifiques. Dans cette perspective, des organismes publics suédois ont publié un guide d'aide à la décision afin que les décideurs et les acteurs locaux concernés puissent évaluer et prendre en main les problèmes de champs électro-magnétiques dans leurs communautés. Dans plusieurs localités les critères de décision ont été élargis au-delà de la seule analyse coût-bénéfice et ont intégré d'autres facteurs comme la qualité de la vie.

    Implantation de la centrale nucléaire de Sizewell B (Grande Bretagne)

    La mise en exploitation du premier réacteur à eau pressurisée de Grande-Bretagne sur le site de Sizewell B a été mise à l'agenda dans les années 80 alors que la politique énergétique nucléaire du pays faisait pour la première fois l'objet d'interrogations sociales. Pour répondre à l'inquiétude que provoquait cette technologie, les autorités publiques ont décidé de mettre en place une procédure d'enquête publique et de soumettre cette exploitation à autorisation. Cette enquête a notamment été l'occasion de discuter et d'expliciter la place du nucléaire dans la politique énergétique britannique.

    Les débats ont aussi porté sur les détails techniques de l'installation (opérations de chantier et opérations d'exploitation) et ont pris en compte les expertises présentées par les différentes parties. Les "porteurs d'enjeux" ont eu la possibilité de présenter leurs propres arguments techniques. Au cours de l'enquête de nombreuses questions relatives à l'installation (notamment sur la sûreté) furent exposées, débattues et résolues. A la demande du procureur chargé de l'enquête, les autorités publiques ont publié les critères utilisés par leur administration pour évaluer l'acceptabilité des risques. C'est ainsi que fut pour la première fois rendue publique la philosophie du Health and Safety Executive en matière d'évaluation et de gestion des risques.

    Après trois années d'auditions et de consultations, l'enquête conclut en faveur de la mise en exploitation.

    La réglementation des risques pharmaceutiques (France)

    La création de nouveaux organismes de réglementation, connus sous le nom d'"agences", est un des piliers de la reconstruction de la santé publique dans les pays européens. Une de leurs caractéristiques majeures réside dans la nouvelle définition donnée au rôle des autorités publiques et à leur relation avec les "porteurs d'enjeux". Dans le cas de l'Agence du médicament, les autorités publiques conservent la responsabilité de l'évaluation, du suivi, de la décision et du contrôle de son application, mais ces quatre fonctions sont maintenant clairement séparées les unes des autres. De plus, l'Agence implique de façon croissante les autres acteurs à l'évaluation et à la gestion des risques. Les experts doivent attester de leur indépendance (déclaration d'intérêt) et leurs avis sont soumis à contre-expertise.

    Les "porteurs d'enjeux" prennent une part de responsabilité dans le processus d'évaluation et de gestion du risque : par exemple, le médecin évalue l'état de santé du patient, l'informe des risques et prescrit cependant que le pharmacien contrôle la prescription et s'assure que l'information a été fournie et qu'enfin, le patient est informé des risques et des incertitudes. Les autorités de santé publique délivrent une autorisation pour des produits pharmaceutiques dont les risques sont connus, en s'assurant par avance qu'ils sont mis en circuit et utilisés par des acteurs informés et impliqués de manière effective dans la gestion du risque considéré.

    Les risques d'inondation (Allemagne)

    Les risques d'inondation en Allemagne sont une bonne illustration d'un processus d'évaluation et de gestion des risques morcellé par des prises de position contradictoires de la part des divers "porteurs d'enjeux". Les fleuves et rivières ont plusieurs usages (industriels, loisir, etc.). Chacun de ces usages est régi par une réglementation spécifique, circonscrite à un segment administratif de la rivière et ne couvrant qu'un ensemble limité d'activités. Les risques d'inondation sont pris en compte différemment en fonction de l'usage et de la position sur la rivière. Les études réalisées sur ces risques ne présentent aucune vision globale. Les autorités publiques essaient de mettre en place des solutions communes au niveau global en invitant les "porteurs d'enjeux" concernés à se rencontrer pour confronter leurs positions.

    La mise en place de l'Agenda 21 dans une commune suédoise

    La mise en place à Örebro - une grande ville suédoise - de l'Agenda 21 qui concerne la mise en place de dispositions de protection de l'environnement, s'est appuyée sur la participation des habitants. En tant qu'autorité publique locale, la municipalité a pris en charge la coordination de cette action. Elle a considéré qu'il était de sa responsabilité d'informer le public des questions environnementales. Des projets citoyens ont été programmés lors de réunions avec la population. Ils ont ensuite été réalisés par les "porteurs d'enjeux" et suivis par des groupes de travail. Entre autres exemples, la municipalité a encouragé les consommateurs et les gérants de commerce à collaborer sur la vente des produits de consommation ayant un impact sur l'environnement. De leur côté les agriculteurs ont été invités à élaborer des solutions partenariales locales pour améliorer la qualité de l'eau. Dans ce processus les "porteurs d'enjeux" ont combiné souci de l'environnement et qualité de vie. Ce travail leur a également permis d'affirmer leur rôle de citoyens.

    L'implantation d'un stockage de gaz dangereux (Suisse)

    Une petite ville rurale suisse a décidé d'établir une zone industrielle sur son sol, et a rapidement reçu une proposition d'installation d'un stockage de gaz dangereux. Selon la procédure prévue par la réglementation sur les activités à risque les autorités publiques se sont assurés que la commune était informée des risques et acceptait que l'usine soit construite. Après un certain temps d'exploitation, la commune s'est néanmoins posé des questions sur le développement de la zone industrielle et sur la possible allocation de terrains à un usage d'habitation. Ses préoccupations portaient sur l'impact des risques liés aux activités de l'usine, à la possible dépréciation des terrains de la zone industrielle encore non occupés, aux questions de sécurité pour les autres activités qui souhaiteraient s'y installer ainsi que pour d'éventuels bâtiments d'habitation. L'industriel s'inquiète aujourd'hui d'une possible remise en cause de la durabilité de son implantation sur la commune et craint que l'évolution de l'urbanisme le place dans une situation non réglementaire. La question de la justification de cette implantation sur le long terme n'a pas été abordée dans le cadre du processus réglementaire d'autorisation lequel semble n'avoir pas donné les moyens aux "porteurs d'enjeux" (la commune et l'entreprise industrielle) de se mettre d'accord sur des options de développement durable.

    Le Schéma d'environnement industriel de Dunkerque (France)

    Dans les années 70, alors que les activités industrielles traditionnelles du Nord de la France étaient en pleine récession, la collectivité de l'agglomération de Dunkerque s'est interrogé sur son avenir économique et ses perspectives de développement. Désireuse de favoriser le renouvellement des activités d'industrie lourde du site, elle a créé avec la Chambre d'Industrie un comité de promotion économique. Alors que le groupe Dupont de Nemours manifestait son intérêt pour une implantation industrielle à Dunkerque, l'annonce d'une possible installation de cette grande entreprise chimique suscita une vive inquiétude parmi les habitants de l'agglomération. Des associations furent créées pour protester contre cette implantation. Devant ces diffficultés, les élus ont souhaité engager une réflexion avec l'ensemble des acteurs locaux sur les perspectives de développement de l'agglomération sur le long terme. La Chambre d'Industrie, la municipalité et les associations se rencontrèrent et définirent un consensus sur le développement de la commune. Il fut convenu que la présence d'industrie lourde restait un atout important pour assurer le développement économique de l'agglomération de Dunkerque, notamment en association avec ses activités portuaires et le développement d'un pôle universitaire. Un organe de décision collective fut mis en place afin d'examiner les projets industriels, et s'assurer que chaque nouvelle implantation prenait en compte à la fois les exigences de sécurité de la population locale, et les conditions d'une implantation industrielle sur le long terme, en d'autres termes qu'elle était durablement acceptable pour l'ensemble des "porteurs d'enjeux". Les priorités de développement et les principes d'implantation des industries à Dunkerque et dans son agglomération ont été intégrés dans un Schéma d'Environnement Industriel.

    La gestion de la pollution atmosphérique chimique globale (LRTAP)

    Dans les années 70, plusieurs études de surveillance de l'environnement ont révélé la présence de produits chimiques - notamment de pesticides - à des taux importants dans l'écosystème, à divers endroits de la planète. Divers pays concernés ont mis en place des programmes nationaux de maîtrise de la pollution par ces substances chimiques. En conséquence, le niveau de pollution de l'écosystème s'est trouvé sensiblement réduit. Cependant dans les années 80 des études régionales ont montré que cette dynamique de réduction avait atteint un niveau plateau et ont confirmé que la migration des produits chimiques sur de très longues distances constituait la cause essentielle de ces niveaux persistants de pollution atmosphérique. Les experts ont alerté les agences internationales et montré la nécessité de mettre en place des systèmes de maîtrise au niveau global. Plusieurs initiatives furent menées dans le cadre de conventions internationales, parmi lesquelles une initiative sur le contrôle des migrations des produits chimiques sur de longues distances (long range trans-boundary air pollution - LRTAP). Au cours de cette action, experts et autorités publiques se sont mis d'accord sur des principes d'évaluation et ont mis en œuvre un cadre général d'évaluation et de gestion des risques chimiques. Ce cadre s'applique à une première liste de produits, adoptée par les participants, mais il pourra également s'étendre à d'autres substances chimiques. Après quelques réticences, le monde industriel s'est joint à cette initiative et soutient plusieurs programmes d'évaluation.

    Malgré ces actions internationales, certains niveaux de produits chimiques comme les polluants organiques persistants (POP) continuent à stagner dans des régions comme l'Arctique du fait d'un phénomène de biomagnification. Le taux de POP dans l'organisme pour les populations locales, les Inuits, dépasse sensiblement les niveaux indicatifs de l'OMS avec de possibles effets sanitaires. Les autorités locales se sont d'abord efforcé d'attirer l'attention de ces communautés locales sur leur régime alimentaire. Cela a eu pour principal effet de provoquer une forte inquiétude au sein de la population. Dans le même temps, il était montré que le régime alimentaire traditionnel des Inuits était particulièrement favorable sur le plan diététique, et contribuait à les protéger des nombreuses maladies chroniques associées au régime alimentaire occidental "urbain". En conséquence, les autorités publiques ont décidé d'engager une concertation avec les organisations politiques inuits locales. Ces dernières ont considéré que malgré le risque associé à la contamination, le maintien d'un régime alimentaire traditionnel était globalement plus favorable que le changement d'habitudes alimentaires. Un partenariat entre les communautés inuits et l'administration sanitaire fut institué pour gérer les risques associés aux POP.

    Commercialisation du maïs génétiquement modifié (Union Européenne)

    Le maïs génétiquement modifié fut autorisé par les autorités publiques européennes et mis sur le marché conformément aux exigences réglementaires en matière de biotechnologie. Le processus administratif de décision rencontra néanmoins d'importants problèmes. Alors qu'aucun consensus n'était trouvé selon les procédures comitologiques prévues, la décision fut renvoyée à la Commission Européenne. Tout au long de ce processus, de nombreuses incertitudes ont été relevées et l'autorisation continue d'être remise en question dans plusieurs pays membres de l'Union.

    Peu nombreux sont les "porteurs d'enjeux" qui sont satisfaits de cette procédure réglementaire. Notamment, les industriels de la biotechnologie ont le sentiment d'avoir respecté les règles et d'avoir investi largement dans cette technologie pour finalement voir son autorisation encore mise en question publiquement. Les industriels ont également souligné que le processus réglementaire n'était pas suffisamment prédictible. Ils ont exprimé le souhait d'encourager et soutenir la participation de la population afin de faire apparaître avec plus de clarté l'issue probable de la procédure, et garantir les investissements réalisés.

    D'un autre point de vue, les consommateurs se sont sentis exclus et ont mis en doute la capacité des autorités publiques à défendre l'intérêt général. La justification du génie génétique ne semble pas avoir été débattue et acceptée par les "porteurs d'enjeux". Les consommateurs ont reconnu que cette justification devrait être différenciée suivant le contexte. Par exemple l'usage du génie génétique dans l'alimentation et les produits pharmaceutiques devrait être abordé séparément.

    La Commission Européenne modifie actuellement la Directive sur les biotechnologies. Des principes d'évaluation des risques seront définis, et la consultation d'un comité scientifique sera obligatoire. La participation de la population et l'étiquetage seront mis en place pour rendre les procédures plus transparentes. Néanmoins des incertitudes non négligeables demeurent, et la justification de cette technologie reste un problème difficile.

    Evaluation pluraliste des risques radiologiques dans le Nord Cotentin (France)

    Une étude cas-témoin publiée en janvier 1997 concluait qu'il y avait "un lien causal entre la leucémie et certains modes de vie comme la fréquentation des plages dans le Nord Cotentin, où sont installées plusieurs exploitations nucléaires". Les ministères français de l'Environnement et de la Santé ont alors commandité des études complémentaires. Un groupe de travail sur la radioécologie - le comité Radioécologie Nord-Cotentin - a été créé pour réaliser une étude critique exhaustive des données disponibles sur le district de La Hague.

    De manière originale, le comité Radioécologie Nord-Cotentin comprenait des exploitants, des représentants de l'administration, des associations indépendantes, et des conseillers étrangers. La transparence était une régle d'or pour le groupe. Les "porteurs d'enjeux" non représentés dans le comité étaient régulièrement informés de l'avancée de ses travaux. Cette expertise pluraliste a permis au Comité de réaliser une large revue critique des rejets émis par les installations nucléaires du Nord-Cotentin de 1978 à 1996. Les mesures et modèles des exploitants, de l'administration et des groupes d'experts indépendants ont été comparés, validés et mutuellement reconnus pour la première fois. Il en résulta un dialogue fructueux qui a permis d'identifier et de reconnaître les points d'accord et de désaccord. Le rapport final de ce processus d'expertise innovant a été publié en juillet 1999.

    Une Conférence de citoyens sur l'utilisation de OGM (France)

    La première conférence de citoyens en France fut consacrée à l'utilisation des Organismes Génétiquement Modifiés dans l'agriculture et l'alimentation. Organisée par l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Techniques à la demande du Premier Ministre, cette conférence s'est déroulée en trois étapes. Quinze citoyens "profanes" ont tout d'abord été recrutés et informés des questions touchant aux Organismes Génétiquement Modifiés. Suite à un débat interne ils ont rédigé une liste de questions destinée à des experts. Dans un second temps, lors d'une conférence ouverte aux médias, les experts ont répondu à ces questions. Enfin, sur la base de ces réponses, les citoyens ont délibéré et ont présenté une série de recommandations au cours d'une conférence de presse, lançant ainsi un large débat public.

    Les organisateurs de la conférence ont porté une attention toute particulière à la neutralité des exposés de manière à ce que les positions des experts soient présentées aux "profanes" dans leur palette la plus large. La formation était aussi transparente que possible de manière à éviter toute dérive. Au travers de cette conférence, le gouvernement a pu dans un même temps prendre connaissance des derniers éléments d'expertise sur le complexe sujet des OGM et recueillir les préoccupations des citoyens sur cette technique qui touche à leur environnement quotidien (alimentation, santé, agriculture). Il a pu ainsi rassembler des éléments déterminants pour la définition de sa politique dans ce domaine. De plus, le débat sur les OGM, habituellement confiné dans le cercle des experts, s'est retrouvé sur le devant de la scène politique sous les projecteurs des citoyens. Cet exercice a montré, si besoin était, que des citoyens profanes étaient tout à fait en mesure d'aborder des problèmes complexes, de poser des questions pertinentes, parfois inédites, aux experts, et d'émettre des recommandations raisonnables et utiles.

    Annexe B - la communication sur les risques

    Les participants de TRUSTNET se sont interrogés sur la capacité des techniques de communication à résoudre efficacement les difficultés citées ci-dessus (voir Les principaux défis à la gouvernance des activités à risque). Pour mener ce débat, il a été nécessaire de revenir sur le contexte initial qui a précédé le développement de la communication sur les risques.

    Développées dans les années 70, les techniques d'évaluation quantitative des risques se proposaient de fournir au public comme aux instances de régulation des bases scientifiques, rationnelles et cohérentes pour évaluer l'acceptabilité des risques associés à diverses activités sociales.

    Comme les décisions concernant les risques technologiques se heurtaient à l'opposition du public, un important décalage entre la perception du risque par les experts, d'une part, et par le public, d'autre part, était observé. Les techniciens et les experts avaient tendance à présenter leurs propres opinions comme étant une évaluation objective et rationnelle des risques réels, les opinions des profanes passaient pour n'être qu'une fausse appréhension de la réalité résultant d'une perception subjective, intuitive, émotionnelle et irrationnelle.

    Des recherches sur la perception du risque ont alors été engagées pour mieux comprendre cette situation. Fondées sur une approche psychologique, ces études ont fourni une première représentation des processus d'évaluation des risques sous l'angle de la perception. Un des résultats majeurs a été de montrer que, tandis que les experts évaluent le risque en fonction de sa probabilité et de sa gravité, la perception du risque des profanes est liée à des critères qualitatifs que l'ont peut formuler sous forme de questions:

    En d'autres termes, alors que les experts évaluent la probabilité des conséquences potentielles du risque, la façon dont les individus profanes perçoivent ce dernier est influencée par de nombreux aspects relatifs au contexte de la prise de risque. Suivant les critères propres à chaque contexte, chaque danger a un profil unique.

    Dès lors, les experts ont considéré que la résistance du public à certains projets technologiques était le fruit d'une mauvaise compréhension du risque réel, imputable à un simple manque d'information et de culture scientifique au sein de la population. Les techniques de communication sur les risques ont alors paru pouvoir apporter une solution au problème. Le projet était de fournir au public davantage d'informations pour combler le décalage (gap) de perception observé. Basées sur des approches de mercatique, la communication sur les risques a tenté de persuader les profanes que le point de vue des experts était bien fondé. Mais cette communication s'est heurtée à de nombreuses difficultés et semble avoir prouvé son inefficacité. Comme l'ont signalé Slovic et MacGregor :

    "Bien que la communication puisse éviter certaines "gaffes" qui ne font qu'exacerber les conflits, il existe assez peu de preuves qu'elle ait contribué de manière significative à la réduction du décalage entre les évaluations techniques du risque et la perception du public, ou qu'elle ait facilité les décisions en matière de déchets nucléaires ou de toutes autres sources importantes de conflits. Cette efficacité limitée des efforts de communication sur les risques peut être rapportée à une absence de confiance. "

    C'est ainsi que les problémtiques de confiance sociale sont devenues aujourd'hui un sujet de préoccupation pour les acteurs impliqués dans la gouvernance des risques. L'usage des techniques de communication dans ces contextes a également contribué à fausser la compréhension de la nature des processus de décisions publiques concernant les risques. Il a pu donner à penser qu'une décision pouvait être le résultat d'une démonstration purement scientifique. Cette croyance contribue à créer de nouvelles difficultés, comme on l'a vu ci-dessus dans des contextes décisionnels marqués par la complexité.

    Dans le contexte du paradigme de confiance mutuelle, un renouvellement du concept de communication apparaît indispensable. Il semble acquis que la communication en sens unique, telle que décrite ci-dessus, doive être évitée. Les processus d'authentification et d'actualisation de la confiance sociale appellent de nouvelles formes de communication basées sur le respect de l'autonomie et de l'altérité. Pour éviter la confusion avec le passé, le concept de concertation qui rend mieux compte du caractère politique de ces processus pourrait être utilisé.

    Annexe C - Recherches sur la gouvernance des activités à risque

    Un cadre méthodologique pour la recherche sur la gouvernance des activités à risques en Europe

    La recherche en gouvernance des activités à risques semble particulièrement nécessiter l'utilisation d'approches interdisciplinaires, intégrant à la fois les aspects techniques et sociaux des problèmes identifiés. La définition des objectifs de recherche devrait plus précisément s'appuyer sur des méthodologies comprenant la participation d'une pluralité d'acteurs directement concernés par les problèmes identifiés. Au vu des enseignements du premier exercice TRUSTNET, il serait intéressant que des projets de recherche interdisciplinaire proposent d'analyser plus en profondeur des expériences réelles de gouvernance des activités à risque, qu'il s'agisse d'expériences novatrices ou d'échecs, et d'en tirer les leçons de façon plus systématique. Les échanges et retours d'expérience, notamment dans le cadre de réseaux européens et internationaux, facilitent la réalisation de ce type d'études, leur validation pratique, leur enrichissement et leur diffusion.

    Comparaison et suivi de la régulation des activités à risque en Europe

    Les participants de TRUSTNET considèrent que la comparaison des critères et principes à la base des réglementations nationales et européennes des diverses activités à risque est un champ de recherche de première importance. Des études en ce sens viseraient à identifier les différences culturelles qui influencent la conception et l'application des réglementations nationales sur les activités à risque. Le suivi de modalités de régulation des activités à risque innovantes et leur présentation lors de sessions de retours d'expérience serait très instructive.

    Participation et démocracie

    La notion d'implication des "porteurs d'enjeux" est un sujet récurrent des quatre séminaires de TRUSTNET. La question de l'articulation entre démocratie représentative et participation directe a soulevé de nombreuses interrogations. Plusieurs questions incontournables ont été identifiées et ont abouti à la définition de thèmes de recherche:

    Un terrain de recherche important semble se constituer autour des questions relatives à la mise en oeuvre pratique de la participation des "porteurs d'enjeux" aux processus de décisions. Les inégalités de pouvoir et de capacité de participation au processus de décisions entre "porteurs d'enjeux" sont une préoccupation particulière et devraient faire l'objet d'études spécifiques. Des approches sont actuellement développées pour mieux équilibrer les intérêts des "porteurs d'enjeux" lors du processus de décisions. Les dimensions pratiques de ce processus - y compris le soutien financier aux "porteurs d'enjeux" - méritent d'être explorées. La disponibilité et l'échange d'informations, et la mise en œuvre d'un principe de " droit de savoir " ont été soulevés comme des problèmes critiques pour la recherche. La question se pose de savoir s'il est opportun de donner aux "porteurs d'enjeux" dont les intérêts sont divergents un droit de " s'ingérer " dans les processus de prise de décisions. Quels moyens juridiques pourraient être utilisés pour garantir ce droit d'ingérence et jusqu'à quel point ?

    Plus généralement les participants de TRUSTNET ont souhaité que des efforts de recherche soient orientés vers l'identification des critères de qualité des systèmes de gouvernance en démocratie.

    La qualité de la gouvernance des activités à risque

    Des projets de recherches pourraient examiner les diverses façons d'établir un équilibre satisfaisant entre des réglementations locales et globales. Les processus de justification mentionnés plus haut doivent aussi être étudiés de plus près en ce sens.

    Il serait également utile d'étudier comment une gouvernance des activités à risque, basée sur une réglementation prescriptive qui précise en détail les standards de risque et les moyens de les réaliser, et vise à résoudre des problèmes spécifiques pourrait basculer vers une réglementation plus procédurale.

    L'adéquation des dispositifs de gouvernance à résoudre des problèmes liés à des activités à risque se mesure également en termes d'efficacité. Les coûts et les avantages de diverses procédures de gouvernance méritent d'être évalués. Quels sont l'efficacité, le coût et les avantages de chacun des deux paradigmes en fonction des contextes?

    Confiance sociale, dialogue structuré et méthodologie

    Les recherches actuelles sur la confiance sociale dans le domaine de la psycho-sociologie ont été un apport précieux à TRUSTNET pour comprendre les processus en jeu dans les études de cas. Ce terrain de recherche devrait être développé en Europe. A ce titre, des approches interdisciplinaires pourraient enrichir l'analyse, notamment sur les concepts de confiance sociale et de confiance interpersonnelle de manière à mieux comprendre comment la confiance peut influencer le processus de décision.

    De manière plus pratique, une question est posée sur les solutions les plus appropriées et les plus pertinentes (par ex. : une enquête publique de trois ans ou une conférence des citoyens relativement modeste) permettant une participation des citoyens en fonction de l'objet et du contexte de la décision. Des études sur ce sujet devraient permettre de comprendre comment il est possible de faciliter la compréhension mutuelle entre acteurs concernés par un même problème, et de mettre en place des conditions et des méthodologies opérationnelles en ce sens.

    Le rôle des autorités publiques

    Parmi tous les acteurs participant à la gestion des risques, les régulateurs sont ceux pour lesquels le changement de rôle dans le second paradigme est le plus radical. En quoi celui-ci devrait-il consister ? Comment ce nouveau rôle correspond-il à la manière dont l'administration fonctionne habituellement ? Prenant en compte les recherches produites sur l'administration, de nouvelles études pourraient étudier de plus près l'impact des objectifs internes de l'administration publique sur le processus de décisions (par ex. : le maintien de sa propre influence), ainsi que l'émergence de nouveaux organes administratifs (les Agences) parallèlement dans plusieurs pays européens. D'autres recherches pourraient utilement être consacrées à l'études de modalités alternatives de contrôle public (participation des acteurs concernés, certification des processus de décision)

    Le rôle de la science et des experts dans le processus de décision

    Le rôle des experts dans le nouveau paradigme s'avère très différent de leur fonction "traditionnelle". Les participants ont identifié des sujets de recherche tels que le rôle de l'expert dans les processus de décisions aux niveaux international, national et local, la contribution et le rôle des experts dans la gouvernance en marge du champ de l'expertise scientifique, les conséquences d'une explicitation des incertitudes et des controverses entre experts sur la conception des réglementations, l'élaboration de principes de bonne pratique pour la sollicitation des expertises.

    Gouvernance des activités à risques décentralisée et économie de marché

    De nombreuses questions sur les implications économiques de la gouvernance restent à approfondir. Dans quelle mesure une gestion décentralisée des risques est-elle susceptible d'entraver le libre échange et le développement industriel? La flexibilité peut-elle être mise en œuvre sans provoquer de conflits avec le marché unique européen, dans la mesure où la prise en compte des facteurs locaux dans la décision est de nature à sacrifier un principe d'uniformité? Un processus de décision entamé à un niveau global, poursuivi et conclu à un niveau subsidiaire, est-il toujours souhaitable alors même que dans certains contextes politiques les gouvernements s'attendent à rester l'arbitre définitif des décisions?

    Des recherches devraient donc évaluer les interactions entre la gestion des risques et le commerce et le développement dans le contexte de réglementations centralisées, technocratiques et harmonisées, comme dans un contexte de réglementations décentralisées et procédurales. En particulier, elles devraient examiner comment articuler une réglementation centrale harmonisée et des processus de prise de décisions locaux.

    Annexe D - Contributions d'experts

    The Governance Project of the Forward Studies Unit, Dr. John PATERSON, Notis LEBESSIS (EC Forward Studies Unit)

    Acceptability of risk: individual choice and social construction, by Gilles HERIARD DUBREUIL, MUTADIS, TRUSTNET Co-ordinator

    Implementation progress of the US Congress Framework for Risk Assessment and Risk Management, by Mrs Gail CHARNLEY, President of the Society For Risk Analysis

    The experience of collective risk assessment: natural risks and environment watch in France, by Mr BOURRELIER, Ingénieur Général des Mines

    Social Trust: outline of a new understanding, by Dr T. C. EARLE, Western Washington University

    Economics and Risk Governance, the Case of Climate Change: Beyond the Failure of Cost-Benefit Paradigm to Generate a Social Agreement, by Dr GODARD, CIRED, France

    Mapping a framework for the social governance of risk, by Dr. John PATERSON, School of Law, University of Westminster, London

    The role of experts in risk-based decision making, by Dr Robin FOSTER, Health and Safety Executive, London

    Ethical aspects of risk management, by Gunnar Bengtsson, Swedish Chemical Inspectorate

    A comparative analysis of confidence and social trust in issues of risk governance in UK, Sweden, and the USA, by Dr LÖFSTEDT (University of Surrey) and Dr ROSA (Washington State University)

    Annexe E - Participants de TRUSTNET

    The Steering Committee

     

    Dr BENGTSSON

    Director General

    KEMI National Chemicals Inspectorate

    SWEDEN

    E.mail Gunnarb@kemi.se

    Mr BOURRELIER

    Ingénieur Général des Mines

    FRANCE

    Fax. 33 1 43 19 50 34

     

    Dr DOMBROWSKY

    Co-Director, Katastrophenforschungsstelle (KFS)

    GERMANY

    E.mail Wdombro@aol.com

    Mr HERIARD DUBREUIL

    TRUSTNET Coordinator

    Director of MUTADIS

    FRANCE

    E.mail mutadis@wanadoo.fr

    Dr. KELLY

    Principal Scientific Officer

    EUROPEAN COMMISSION DG XII

    Radiation Protection Research Action

    E.mail George-neale.kelly@cec.eu.int

     

    Mr LEBESSIS

    Advisor

    Forward Studies Unit

    EUROPEAN COMMISSION

    E.mail Notis.lebessis@ cec.eu.int

    Mr LOCHARD

    Centre d'Evaluation de la Protection dans le domaine nucléaire (CEPN)

    FRANCE

    E.mail Lochard@Cepn.asso.fr

     

    Dr PAPE

    Deputy Chief Inspector

    Health and Safety Executive (HSE)

    UK

    E.mail janice.edge@hse.gsi.gov.uk

    The Participants :

    Mr ADANT Fondation Universitaire Luxembourgeoise

    BELGIUM E.mail Adant@ful.ac.be

    Mr ALE RIVM/LSO

    NETHERLANDS E.mail Ben.ale@rivm.nl

    Mr BELVEZE COMMISSION EUROPÉENNE DG XXIV

    E.mail henri.belveze@ cec.eu.int

    Dr BOSWORTH EUROPEAN COMMISSION

    DG XI

    E.mail david.bosworth@ cec.eu.int

    Mrs BOURCIER CNRS - Idl FRANCE E.mail bourcier@idl.msh-paris.fr

    Mr BUCHT KEMI National Chemicals Inspectorate SWEDEN E.mail Bengtb@kemi.se

    Mrs CHARNLEY Society for Risk Analysis USA E.mail gach@weinberggroup.com

    Mrs COLES Centre for Risk Management Durham University Business School UK E.mail EveColes@aol.com

    Mr COTTAM Lloyds Register Engineering Services LRQA UK E.mail martin.cottam@lr.org

    Dr DASKALEROS Commission Européenne DG XXIV E.mail Panagiotis.DASKALEROS@cec.eu.int

    Mrs de DURFORT

    FRANCE

    Mr DESARNAUTS

    Direction Sécurité Environnement Produits ELF ATOCHEM

    FRANCE

    E.mail jacques.desarnauts@mich.elf-atochem.fr

    Mr DUBUIS

    DRIRE Nord Pas de Calais

    FRANCE

    Fax. 33 3 28 23 81 57

    Mr EARLE

    Psychology Department Western Washington University

    USA

    E.mail timearle@cc.wwu.edu

    Mr FALLBERG

    Nordic School of Public Health

    SWEDEN

    E.mail LARS.fallberg@nhv.se

    Dr FINZI

    Consultant

    ITALY

    Fax 39 2 31 49 40

     

    Dr FOSTER

    Health and Safety Executive

    UK

    E.mailrobin.foster@hse.gsi.gov.uk

    Mrs FOULETIER

    Association ECRIN

    FRANCE

    E.mail fouletier@ecrin.asso.fr

    Mr GADBOIS

    MUTADIS Consultants

    FRANCE

    E.mail mutadis@wanadoo.fr

    Mr GHEORGHE

    Centre of Excellence on Risk and Safety Sciences

    SWITZERLAND

    E.mail Adrian.gheorghe@switzerland.org

    Mr GODARD

    Ecole Polytechnique

    FRANCE

    E.mail olivier.godard@wanadoo.fr

    Mr GUEX

    Multigas

    SWITZERLAND

    Fax. 41 676 94 95

    Mrs HERAIL

    Agence du médicament

    France

    Fax 01 48 13 20 03

    Mr HOUSEN

    Joint Research Center ISIS/IH/B&E

    ITALY

    E.mail marnix.housen@jrc.it

    Dr KASTENHOLZ

    Center of Technology Assessment

    GERMANY

    E.mail Kastenh@afta-bio.de

    Mr KIVISAKK

    Swedish Radiation Protection Institute

    E.mail Enn.kivisakk@ssi.se

    Mr KOGELNIG

    SOLVAY

    BELGIUM

    E.mail max.kogelnig@solvay.com

    Mr KRUPP

    Consultant

    SWITZERLAND

    Fax. 41 61 70 14 024

    Mr LAKE

    Parlement Européen -Commission de la Recherche, du Développement

    technologique et de l'Energie

    E.mail glake@europarl.eu.int

    Mr LAZO

    AEN-OECD

    E.mail lazo@nea.fr

    Pr LEE

    School of Psychology University of Saint Andrews

    SCOTLAND UK

    E.mail trl@st-andrews.ac.uk

    M. LEFEBVRE

    Université de Technologie de Compiègne

    FRANCE

    E.mail Thierry.Lefebvre@orleans.orstom.fr

    M. LEGRAND

    France Nature Environnement

    E.mail patrick.legrand@inra.paris.fr

    Mrs LEJEGREN

    Vice-Mayor - Orebro kommun

    SWEDEN

    E.mail Iren.lejegren@orebro.se

    Mr LESORT

    Agence d'Urbanisme et de Développement de la Région Flandre-Dunkerque

    FRANCE

    Fax. 33 3 28 59 04 27

    Mr LINDAU

    Swedish Environmental Protection Agency

    E.mail lars.lindau@environ.se

    Dr LÖFSTEDT

    Centre for Environmental Strategy

    UK

    E.mail R.Lofstedt@surrey.ac.uk

    Pr MAZZAROTTA

    Universita degli Studi di Roma "La Sapienza"

    ITALY

    E.mail barbar@impchim.ing.uniroma1.it

    Mr NOUVEAU

    Mairie de DUNKERQUE

    FRANCE

    Mr OUDIZ

    IPSN

    FRANCE

    E.mail Andre.oudiz@ipsn.fr

    Mrs PANTELOURI

    Commission Européenne Cellule Prospective

    E.mail agne.pantelouri@cdp.cec.be

    Mr PASSCHIER

    Health Council of the Netherlands

    E.mail Wf.passchier@gr.nl

    Dr PATERSON

    School of Law

    University of Westminster

    UK

    E.mail patesoj@wmin.ac.uk

    Mr POIREAU

    European Commission DG XII-F

    E.mail michel.poireau@ cec.eu.int

    Dr QUERCI

    EC - JRC Ispra

    ITALY

    E-mail : maddalena.querci@jrc.it

    Dr ROGERS

    European Commission Forward Studies Unit

    E.mail michael.rogers@ cec.eu.int

    Mr ROQUEPLO

    FRANCE

    E.mail roqueplo@ehess.fr

    Pr ROSA

    Washington State University Department of Sociology

    USA

    E.mail rosa@wsu.edu

    Mr SCHÄDELIN

    NOVARTIS Pharma Ltd

    SWITZERLAND

    E.mail Juerg.schaedelin@pharma.novartis.com

    Dr Hansjorg SEILER

    Risk based regulation Project

    SWITZERLAND

    Fax 41 31 721 23 01

    M.r Richard SIGMAN

    Environmental Health and Safety Division

    OECD

    E.mail Richard.sigman@oecd.org

    Mr SONIGO

    PECHINEY

    FRANCE

    E-mail : pierre_sonigo@pechiney.com

    Dr STONE

    Dpt of Indian Affairs and Northern Development

    CANADA

    E.mail Stoned@inac.gc.ca

    Mrs SUGIER

    IPSN

    FRANCE

    E.mail annie.sugier@ipsn.fr

    Mr Jacques THEYS

    Institut Français de l'Environnement

    FRANCE

    E.mail Prepoint@drast.equipement.gouv.fr

    Mr TURPIN

    Charbonnage de France

    FRANCE

    Fax. 33 1 47 52 35 70

    Mr TURVEY

    Radiological Protection Institute of Ireland

    Fax. 353 1 269 7437

    Mr Guy VAN DEN EEDE

    European Commission Joint Research Centre ISPRA

    ITALY

    E.mail Guy.van-den-eede@jrc.it

     

    Mr Ivo VAN GERWEN

    European Commission - DG XVII/C3

    Fax 32 2 296 62 83

    Mrs de VANSSAY

    Laboratoire de Psychologie de l'Environnement

    FRANCE

    E.mail bdevanssay@aol.com

    Mr WEBER

    Office de la Protection de l'Environnement

    SWITZERLAND

    Fax. 41 26 305 10 02

    Mr WESTERN

    Nuclear Electric ltd, Assessment and Consent Branch

    UK

    Fax. 44 1 452 653 540

    Mr Bengt Erik WIHOLM

    Medical Products Agency

    SWEDEN

    E.mail Beje.wiholm@mpa.se