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Christophe SCHMITT : Enseigner l'entrepreneuriat dans des écoles d'ingénieurs : réflexions autour de différentes expériences.

1er décembre 2004

Enseigner l'entrepreneuriat dans des écoles d'ingénieurs :

réflexions autour de différentes expériences

Christophe SCHMITT

Schmitt.Christophe@ensaia.inpl-nancy.fr

De façon provocatrice, il est possible d'avancer que les élèves-ingénieurs ont longtemps été formés à la réalisation, c'est-à-dire à une activité régulière et ordonnée. Par la suite, le modèle de l'entreprise introvertie a laissé sa place au modèle de l'entreprise extravertie autour cette fois-ci non pas de la réalisation, mais de la valorisation. Ainsi, le marché a fait irruption au sein de l'entreprise et donc dans les formations pour les ingénieurs. Mais, force est de constater que ces modèles s'inscrivaient avant tout autour d'une forme organisationnelle, la grande entreprise et négligaient trop souvent une activité essentielle, l'activité de conception de l'organisation. Aujourd'hui, la société "managériale" laisse la place peu à peu à une société "entrepreneuriale". Cela se retrouve dans les écoles d'ingénieurs où actuellement, 50 % d'entre elles ont un programme de formation dédié à l'entrepreneuriat. A travers ces programmes de formation, il s'agit moins de créer des créateurs d'entreprise, que de développer, aux côtés des activités de réalisation et de valorisation, l'activité de conception[1].

Bien que l'image de l'ingénieur renvoie souvent à cette idée de conception, il convient de reconnaître la faiblesse, voire l'absence pendant un bon nombre d'années de cette activité dans les formations des écoles d'ingénieurs. La difficulté par rapport à ces éléments ne résulte pas dans l'introduction dans les syllabus des écoles de formations à la conception. Cela existe déjà, mais cette façon de procéder est souvent déconnectée des activités de réalisation et de valorisation. Elle renvoie notamment aux principes tayloriens de séparation entre la réalisation et la conception. La difficulté réside plutôt dans le développement de démarches et d'outils pédagogiques permettant de relier de façon dialectique les trois éléments que sont la conception, la réalisation et la valorisation. 

C'est dans cette perspective, que nous développons, depuis quelques années, une ingénierie des pratiques entrepreneuriales permettant aux élèves-ingénieurs de faire preuve de cette forme d'intelligence qui consiste moins en la résolution d'un problème qu'en la mise en forme d'un monde partageable. Pour cela, nous nous appuyons sur les travaux d'H. Simon, qui considère la conception comme la capacité à imaginer des dispositions visant à changer une situation existante en une situation préférée. La conception est envisagée comme l'activité qui permet de construire l'artificialité. Ainsi, à travers l'entrepreneuriat, il s'agit de travailler à partir d'une forme organisationnelle où l'activité de conception est prépondérante, sans exclure les autres activités. L'objectif n'est donc pas d'essayer de décrire les formes de ces organisations et de comparer leur "design", mais plutôt de s'interroger non seulement sur les processus de conception permettant le développement de structures mais aussi sur les outils de gestion favorisant la conception. En effet, la notion de conception est d'autant plus intéressante qu'elle ressemble de plus en plus aux situations que doivent gérer les acteurs en entreprise. Cette notion renvoie à des problèmes mal définis où il n'y a pas de solution a priori et où les informations sont souvent incomplètes, c'est-à-dire des problèmes que l'on retrouve dans le domaine de l'entrepreneuriat.


[1] Le recours à cette activité n'est pas neutre. En effet, cette activité est de plus en plus considérée comme favorisant le développement d'un avantage concurrentiel au niveau des entreprises et permettant le développement d'une rente liée à cette activité de conception.