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Jean-louis LE MOIGNE : J’invente donc je suis, en tressant les trois V : Vinci, Vico Valéry
27 déc. 2004
J’INVENTE DONC JE SUIS,
EN TRESSANT LES TROIS V : VINCI, VICO VALERY
Jean-louis LE MOIGNE
La formule provocante de P Valéry[1] « J’invente donc je suis », peut servir d’exergue à la plupart de nos exercices de modélisation : Ne s’agit-il pas toujours d’inventer pour notre usage, des ‘représentations (faites de systèmes de symboles) sur lesquelles on peut opérer comme on travaille sur des épures, … et qui puissent servir à faire’.
Dés lors que le phénomène ‘à comprendre pour faire’ n’est plus tenu a priori pour définitivement réductible à quelque modèle établis par d’autres, avant et ailleurs, la voie de ‘la modélisation mimétique n’est plus la voie rassurante des rigoureuses certitudes scientifiques. Et rien ne nous contraint à la privilégier exclusivement sinon quelques conventions contingentes. Les algorithmes ne peuvent être que des heuristiques dont dispose l’esprit pour élaborer ses prochains comportements si l’on veut pouvoir reconnaître le singulier sous les apparences du régulier.
La voie de ‘la modélisation poïétique’ ne peut-elle alors être reconnue dans sa fascinante puissance ? P Valéry, jeune encore, avait su la reconnaître, et nous la faire reconnaître, en méditant les Carnets de Léonard de Vinci. L’exceptionnelle expérience accumulée par l’esprit humain au fil des siècles s’est en quelque sorte ‘engrammée (ou ‘potentialisée’ : ‘un potentiel orienté par l’implexe, capacité de s’auto-organiser’): Dans nos cultures et nos enseignements.ne pouvons-nous nous enrichir aujourd’hui, dans nos multiples exercices de modélisations de systèmes perçus complexes, de cette expérience ?
Il en est tant de traces. En privilégiant ici trois d’entre elles, désormais relativement aisément accessibles, celles de Léonard et celle de P. Valéry que quatre siècles séparent (1500 – 1900), bien sûr, mais aussi, entre les deux, celle de G Vico (1700) qui sut nous proposer un autre ‘Discours pour conduire intelligemment sa raison’ et en proposer une impressionnante interprétation épistémologique en élaborant la ‘Scienza Nuova’. P Valéry n’eut pas semble t il l’occasion d’approcher cette œuvre, pas plus que Vico n’ai eut l’occasion d’approcher les Carnets de Léonard (qui n’étaient pas édités à son époque).
Mais pour nous, qui pouvons aujourd’hui tresser les ‘trois brins de cette guirlande poïétique’, que d’expériences variées pouvons nous ainsi transformer en science avec conscience. Chemin faisant, nous retrouverons dans les méditations de quelques-uns uns de nos grands contemporains (H von Foerster, H A Simon, E.Morin, … ) d’autres récits d’expériences de modélisation de phénomènes perçus complexe ; Récits qui aviveront plus encore notre attention aux capacités poïétiques de l’étonnant esprit humain fonctionnant en reliant sans cesse corps et Monde qui ainsi le transforment.
[1]
« Cahier B 1910 », repris dans Tel Quel 1,
voir O.C. Pléiade T II, p.594)