LA LETTRE

CHEMIN FAISANT
n° 32 JUILLET 1998

V.
LE PORTEFEUILLE DES ETUDES MCX-APC N° 14

COMPRENDRE, chemin faisant, LA COMPLEXITÉ

des événements...


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Chemin faisant...

"Je n'avais, je n'ai toujours qu'une seule réponse : ne reprenez pas mes sentiers, ne reprenez pas les sentiers des autres, inventez vos propres chemins.. Ils seront ainsi votre découverte, ils auront la saveur, le bonheur de ce qu'on a choisi... C'est le regard et le désir qui comptent..."

Jacques Lacarrière, "Chemin Faisant".

Le Portefeuille des Etudes MCX est "édité" par Evelyne Biausser qui nous propose ici quelques fils d'Ariane pour cheminer dans les labyrinthes de la complexité constitués par l'enchevêtrement des multiples études que repèrent ou que publient les membres du Programme Européen MCX.

La complexité serait-elle la nouvelle poule aux œufs d'or qui fait briller les yeux de Danaé ? Un passeport ? Un badge ? Un attracteur de particules sonnantes et trébuchantes ?…On la lit partout, mais souvent passé le gros titre de la Une, on cherche en vain une quelconque production de sens dans ces références toutes superficielles à la complexité. Sans compter les postulats de type : " la vraie complexité, c'est la mienne (non pas " moi ", ce qui offrirait déjà matière à complexité !) celle que je dis…et que je vends. " Il y avait les algorithmes génétiques pour mieux gérer son portefeuille boursier, à quand la martingale de la complexité ? Il faut donc sélectionner beaucoup.

Que nous apprennent les heureux élus figurant dans ce Portefeuille 32 ? ! L'innovation est partout, mais le rapprochement des sciences de la nature et des sciences de l'homme qui court discrètement en filigrane sous nos textes choisis, en est sans doute l'expression la plus enthousiasmante.

ENVIRONNEMENT

" Natures Sciences Société ", dont la vocation éditoriale est de " construire une interdisciplinarité, rapprocher la recherche et l'action, établir un lien entre science et culture " a choisi pour débuter 98, la diversité, en faisant place à des chercheurs amenés à sortir de leur discipline par les questions qu'ils se posent. Un gros dossier sur la biodiversité la pose comme un objet économique, politique et stratégique appelant l'élaboration de principes universels de protection de la nature, et donc de l'homme, par une multiplicité d'acteurs de tous horizons. A signaler aussi, un article collectif sur les pratiques interdisciplinaires dans la recherche en environnement, qui est en fait le compte-rendu d'un atelier international associant sciences de la nature et sciences de l'homme s'étant tenu au Brésil en 1996, et qui passe en revue les motivations, la typologie, les conditions de mise en œuvre, la formation nécessaire à la recherche interdisciplinaire. Autre sujet : un débat autour du principe de précaution conclut que la gestion du risque est affaire à partager entre équipes pluralistes, et pas seulement la " chose " d'experts. C'est à ce prix qu'il basculera dans la politique (un pas a déjà été fait avec la loi Barnier), et que la confiance du citoyen quant aux décisions à prendre sera restaurée. Dans ce même numéro, Pierre CALAME, de la Fondation C.L.Mayer Pour le Progrès de l'Homme, fait une synthèse du colloque de Fontevrault  " Quel environnement au XXIème siècle ? ". Maîtrise au long terme de l'environnement et démocratie iraient de pair dans un nouveau mode de " gouvernance " où l'on penserait enfin aux générations futures.

(Natures Sciences Sociétés, vol 6, n°1)

De façon très voisine, Patrick LEGRAND, responsable de la mission Environnement-Société à l'INRA, propose un Nouveau Contrat social pour l'Agriculture française. A propos des Organismes Génétiquement Modifiés, il déclare qu'il s'agit là typiquement d'une avancée technologique mal préparée, où le principe de précaution n'a pas été respecté. Pour une efficacité à long terme, il faut lui adjoindre les principes "  d'information et de débat ", " de prévention " et de " pollueur-payeur ". Il signale l'ouverture d'un débat à côté du débat officiel, ce qui fait peut-être du génie génétique le prototype d'une nouvelle forme de relation entre la recherche et la société. Il sait de quoi il parle : la mission Environnement-Société, sorte de vigie à l'avant du navire Agriculture, veut améliorer l'interface informationnelle et décisionnelle des chercheurs avec la société .(INRA-ME&S, Patrick.Legrand@paris.inra.fr )

Novatrice toujours, la revue trimestrielle de l'innovation régionale en Poitou-Charentes annonce que " la diversité ne nuit pas à la cohérence ". Le ton qui en découle n'est fréquent ni pour un tel sujet, ni pour un conseil régional financeur. Le sommaire traite donc des nouvelles énergies dans les transports, d'un organisme de recherche sur les accidents,créé au Futuroscope, comme de la vie et l'œuvre d'Anita CONTI, pionnière modeste et courageuse de l'océanographie, ou de l'abolition de l'esclavage et des Rencontres avec des écrivains des Caraïbes, culturellement signifiantes pour une région qui fut un maillon fort du commerce triangulaire.

( L'Actualité Poitou-Charentes n°40)

L'innovation frappe aussi dans l'urbanisation ! Témoin " L'agence des Villes ", qui s'est créée à Lyon à l'initiative des collectivités territoriales, pour développer l'innovation au service des citoyens et s'ancrer dans l'Europe en créant des

réseaux entre villes. Le projet, très rassembleur, servi par une plaquette de qualité, ne manque pas d'attrait. Souhaitons-lui d'exister autrement que comme un espace pour hommes politiques en disgrâce, comme tant de structures para-politiques l'ont déjà démontré…(l'Agence des Villes - tél 04 78 62 10 10

e-mail  agencedesvilles@ingu.asso.fr)

La mission Prospective de la RATP a lancé un séminaire de recherches sur l'écologie urbaine, comprenant à la fois les incidences des équipements et des services sur la santé publique, la prévention des risques et des nuisances, et à la fois les enjeux de l'offre de mobilité, de la qualité du service et du savoir-faire multimodal de l'entreprise. Ce séminaire vise à faire le point des savoirs disponibles, dans le domaine des sciences sociales et des sciences de l'espace.

(Mission Prospective, tél 01 44 68 24 67)

SCIENCES DE L'HOMME ET DE LA SOCIETE

Le Bulletin d'Information des Cadres d'EDF-GDF a choisi pour son numéro 35 , les Sciences de l'Homme et de la Société et l'entreprise. Après l 'article introductif de Jean-Louis LE MOIGNE décrivant les nouvelles SHS comme un projet de connaissance, suscitant une écologie de l'action créatrice d'un bonheur tout épistémologique, Michel CROZIER fait l'éloge de l'écoute, condition nécessaire à l'émergence de solutions en cas de conflits sociaux. Saadi LAHLOU, chercheur au Groupe de Prospective interne d'EDF, utilise la " double contrainte " ( ou injonction paradoxale )de Palo Alto comme piste intéressante d'analyse des blocages en entreprise, tandis qu'Alexandre MALLARD, chercheur au CNET, tire une double leçon de l'anthropologie des sciences : par sa fréquentation du " terrain ", elle remet en question l'idée de l'innovation scientifique linéaire et cartésienne, elle suscite une nouvelle culture faite d'échanges entre chercheurs et entrepreneurs. Alain BELTRAN, directeur de recherche au CNRS, évoque lui les limites d'une approche historique de l'entreprise : si celle-ci a besoin de valeurs communes, elles ne suffiront jamais à sa pérennité. Enfin, Marie-Anne FRISON-ROCHE, professeur à Paris Dauphine, indique que les entreprises françaises doivent obligatoirement changer leur regard sur le droit, en particulier avec l'arrivée du nouveau droit communautaire .

(BIC 35- Disponible sur Internet : http://im.edfgdf.fr/im/)

Dans un texte de janvier 97, Armand BRAUN, président de la Société Internationale des Conseillers de Synthèse, fait " L'éloge de l'enthousiasme ", ou plutôt du retour d'enthousiasme que nous seuls pouvons créer dans notre société. Ainsi, malgré la contrainte économique, la crispation sur le passé, la contre-productivité, devons-nous inventer de nouveaux territoires de richesse sociale, en expérimentant dans l'incertitude, et en faisant durer l'éphémère.
Ce qui suppose la démarche innovante de " mettre ce qui est à la marge de notre société au centre de notre réflexion. "(SICS - tél 01 42 60 30 48 Email 100625.3500@compuserve.com)


EDUCATION

Que n'a-t-on pas lu sur les bienfaits de l'Assurance Qualité ces dernières années ! Dans le bulletin BREF n° 140, le Centre d'études et de recherches sur les qualifications tente une synthèse des apports des normes ISO 9000 aux entreprises. A côté des banalités habituelles, on peut néanmoins apprendre qu'elles servent à formaliser un savoir intermédiaire, entre que les règles de contrôle, formelles et imposées de l'extérieur, et les règles autonomes, celles que se sont fabriquées les exécutants. Il y a là une validation du " pragmatiké " intéressante.

(CEREQ -tél O4 91 13 28 28 - http://www.cereq.fr )
Dans Le Monde de l'Education d'avril, aux questions un peu brutales de Samuel JOHSUA, professeur en sciences de l'éducation à Aix-en-Provence, Edgar MORIN répondait déjà, sur sa présidence du Conseil scientifique auprès de Claude ALLEGRE, qu'il garderait contre vents et marées son cap épistémologique. Dans Le MONDE du 18 juin, il confirme " en son nom propre " les propositions de réforme qu'il croit nécessaires à l'Education, regrettant que " haut mandarinat, grand syndicat, corporatismes disciplinaires  s'y opposent ". Plutôt que la (surnuméraire)réforme programmatique et quantitative qui s'est décidée, Edgar MORIN insiste sur les transformations vitales que doit impulser notre pensée à l'organisation de nos connaissances : sortir des disciplines sclérosantes pour retrouver l'aptitude à globaliser et à problématiser le monde, relier les approches de la science à celle de l'histoire, des sciences dites humaines et à la philosophie. Bref, une réforme paradigmatique. L'Université se centrerait alors sur des approches contextuelles d'objets globaux, ce qui régénérerait et la culture et la laïcité et la démocratie, bases de notre société dont s'excluent de plus en plus de citoyens.

Maurice PASDELOUP, de l'Université de Toulouse, retraçant l' historique du nucléaire en France, en profite pour dénoncer là un modèle de pensée unique, aussi bien dans la technocratie qui l'a mis au pouvoir que dans l'enseignement qui l'a perpétué. Mais il signale aussi l'émergence d'une contestation " professionnalisée " avec des laboratoires indépendants de type associatif.

(Communication aux XIX èmes Journées Internationales sur la communication et la culture scientifique


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