Modélisation de la CompleXité
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Atelier N° 28 - «Espace, habitabilité des territoires et complexité »
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Projet de l'Atelier

Jean-Louis Le Moigne aime à nous rappeler cet extrait des Cahiers de P. Valéry : "  Il n'y a ni temps, ni espace, ni nombre en soi…il n'y a que des opérations, c'est à dire des actes… "

L'occupation du territoire constitue pour tout être humain un tel acte livré dans son entier ; un implexe, " unité d'action indécomposable, irréductible pourtant à un élément unique " ; une double épissure qui tresse " un être de nature, un être de culture, des espaces et des temps " sans qu'il soit très aisé de pouvoir suivre le chemin de chacun des torons qui les composent. Il ne me paraît donc pas illégitime de postuler que l'acte d'habiter relie 1) le territoire nourricier, la niche, la cache, 2) l'espace existentiel et poétique, 3) l'espace économique, social, politique, etc., et que chacune de ces empreintes s'inscrit dans des temps intime, cyclique, entropique, téléologique, etc. Le rapport à l'espace-temps relève tout à la fois du projet finalisé, finalisant et se finalisant dans un environnement actif local-global, intime-universel, naturel-culturel.

D'où peut-être les difficultés surprenantes et décourageantes auxquelles sont confrontés toux ceux qui pensent et développent des politiques spatiales, quelles que soient leurs échelles. Prenons un exemple concret. L'université de Bretagne Sud, créée depuis 4 ans, ne cesse de réaménager ses locaux, bousculant les fiefs et les tanières au profit de nouveaux arbitrages. C'est ainsi qu'il a été décidé d'attribuer l'espace de la bibliothèque à un centre de recherches et d'exporter cette dernière dans un quartier populaire à quelques centaines de mètres de là. Décision débattue, combattue et emportée au sein de l'Université avec les politiques locaux, sans la moindre concertation avec les habitants du quartier voisin. Décision qui a conduit récemment, des universitaires et des élus à venir, en toute bonne foi, présenter les bienfaits de ce projet aux habitants concernés : le développement d'un espace culturel, ouvert à tous, étudiants et résidents, 7 jours sur 7, de 9h à 22h. Leur " générosité " n'eut pas d'autres échos que de violentes manifestations de rejet des habitants, sourds à leurs injonctions culturelles et citoyennes, mettant en avant des problèmes très " terre à terre " de stationnement, de bruit, ainsi que leur crainte d'être envahis (Certains anticipant du reste avec beaucoup de sagacité une possible extension du projet, déjà envisagée, mais prudemment tue).

A une logique spatiale, exprimée par les canaux administratifs, culturels et politiques, s'est opposée une autre logique spatiale qui pourrait relever de l'éthologie, mais aussi d'une autre culture : la création de la bibliothèque prend la forme d'une violation territoriale, d'autant plus mal reçue qu'elle est perçue comme s'inscrivant à la suite d'une longue série de déterritorialisations imposées.

La lecture du livre de K. Lorenz, L'agression, donne matière à réflexion sur les processus de territorialisation : qui penserait spontanément que le chant du rossignol et les couleurs étonnamment vives des poissons de coraux sont d'abord des signatures d'espace. F. Guattari et G. Deleuze s'en sont inspirés pour proposer le concept de Ritournelle : l'enfant dans le noir se rassure en chantant ; on sifflote en aménageant son espace, en le quittant ou en le rejoignant, etc. Le chanteur de rap et le grapheur marquent de leurs rythmes et de leurs peintures les rues de leurs banlieues : manifestations d'êtres de nature ou de culture, les deux probablement.

L'actualité nous offre chaque jour, trop souvent sous forme de catalogues thématiques, des exemples des difficultés croissantes que pose l'habitabilité du territoire : comment articuler au sein d'un même système espace intime, terroirs, pays, régions, espace républicain, construction européenne, mondialisation ? A quelles conséquences insoupçonnées s'exposent-on si nous ne traitons de l'espace qu'avec un nombre trop restreint de paramètres juxtaposés : économiques, administratifs, sociologiques, etc.? Comme nous le rappelle si bien Saint-Exupéry, à propos du désert : " L'aborder ce n'est point visiter l'oasis, c'est faire notre religion d'une fontaine. " Comment introduire la phénoménologie des valeurs d'intimité de l'espace de G. Bachelard dans les cartons des aménageurs ? S'est-on déjà intéressé à ce que nous perdions lorsque l'on remplaçait un chemin creux, fleuri et incertain, par une autoroute sûre et balisée, quand on sait par ailleurs qu'il est raisonnable de construire cette autoroute ?

Bref comment installer la réflexion sur l'habitabilité du territoire dans " son empire du milieu ", ce domaine de la territorialité où se nouent et se tissent les natures-cultures-espaces-temps ? Comment l'aborder, non plus à partir des objets produits par des pôles excentrés, mais à partir des métissages et des tissages qui s'offrent aux citoyens quotidiennement ? Comment produire un discours opératoire et pragmatique qui associe, sous le triple mode de la complexité – antagonisme, concurrence mais complémentarité -, les croyances et les savoirs de l'éthologue, de l'anthropologue, du géographe, du psychologue, de l'économiste, de l'historien, etc. ?

Documents rédigés par les membres de l'atelier
  • DES DIFFERENCES NE SONT PAS DES CONTRAIRES AU LIEU DE CHOISIR, MIEUX VAUT EPISSER - ROUX Michel

    Cette étude extraite de l’ouvrage « Manager avec la théorie des 5 éléments » (Dunod 2007) explore : ‘ce qui rend notre regard sur le monde complexe’ : C’est que nous n’avons pas les mêmes paradigmes, et pour cause, et surtout, que nous ne connaissons pas vraiment ni les nôtres, ni ceux des autres. Dans la mesure où nous sommes attachés à nos différences – parce qu’elles sont fondatrices – le management consiste, non pas à chercher LA Vérité Unique qui motivera tout le monde et/ou dans laquelle tous les individus fusionneront, mais à construire l’Epissure qui tressera les vérités de chacun. Prendre en compte la diversité est le chemin… le plus court pour réussir…
  • LA PENSEE CHINOISE. DE L’ART DE SE JOUER DES CONTRAIRES - ROUX Michel

    Etude extraite de l’ouvrage « Manager avec la théorie des 5 éléments » (Dunod 2007) : En résumé, la Pensée Chinoise considère les différences, non pas comme des contraires entre lesquelles il faut choisir, mais comme des forces de co-engendrement qu’il faut relier et harmoniser.
  • Le ré-enchantement du territoire - ROUX M.
    Le territoire dans les sillages de la complexité

  • Nouvelle Eco-Géographie républicaine - ROUX M.


  • Forum(s) et Liens de l'atelier

    Forum I (mars 2000) - En guise de préambule : Apprendre à épisser pour naviguer ensemble (M. Roux)

    La note du Conseil d'Orientation du Programme, datée du 02/04/99, nous invitait à " travailler à bien penser " et pour ce faire nous suggérait, à l'appui de R. Delorme " d'articuler les disciplines sur les transdisciplines ", pour que " Pragmatiké imprègne Épistémè et réciproquement ".

    Aussi, dans cet esprit, ne pourrions-nous pas, dans nos forums à venir, apprendre à épisser nos réflexions et nos discours, pour nous aider à veiller ensemble :

    Poésie pour apaiser la fièvre d'une veille au périple de mer. Poésie pour mieux vivre notre veille au délice de mer. (…) La Mer, en nous tissée, jusqu'à ces ronceraies d'abîme, la Mer, en nous, tissant les grandes heures de lumière et ses grandes pistes de ténèbres. (St-John Perse, Amers, p. 18)

    En effet, l'épissure permet par un jeu d'entrelacs d'opérer une jonction, une liaison entre des câbles et des cordages. Autrement dit, elle s'inscrit comme un processus de double conjonction - association :

    1) Dans la mesure où l'on ne peut épisser que des  câbles et des cordages tressés : une aussière (grosse amarre) est un assemblage de brins en fils, de fils en torons, de torons en cordages, de cordages en aussière.

    2) puisqu'il s'agit ensuite de les réunir en respectant les principes suivants :

    • Décommettre les torons : différencier

    • Prendre garde de bien les arrêter avec une petite surliure pour éviter que le " bout " ne se défasse entièrement : maintenir

    • Ouvrir le " bout " pour entrelacer les torons les uns avec les autres, les uns dans les autres : re-lier, re-produire, re-tisser

    Le schéma ci-dessus traduit ce procès pour grands types d'épissures - métaphores :

    • Le bout épissé sur lui-même : il a vocation à l'auto-maintenance dans le temps, à l'auto-référence : il s'identifie par lui-même sans concours " externe " et se maintient stable.

    • L'épissure carrée relie inséparablement deux bouts (systèmes) autonomes, en les maintenant solidaires et identifiables (par la couleur, par exemple). Elle assure la relation spatiale et l'auto-éco-relation : chaque cordage, autonome ne peut assurer sa fonction qu'en dépendance absolue de l'autre.

    • L'œil épissé : une boucle récursive qui peut se relier à d'autres boucles récursives. Ce maillage permet alors une auto-éco-production-construction-transformation infinie.

    Ces épissures - métaphores, qui peuvent toutes se combiner, constituent une invitation à penser l'écriture commune, doublement commune.

    1) Les " documents " de l'atelier pourraient fournir les premiers cordages toronnés, conjonctions de discours et de pensées ; resterait alors à les entrelacer en respectant leur autonomie et en toute transparence : le matelotage n'a pas à cacher ses façons de faire ; activité de pont ou de quai, il s'offre à la vue et à l'esprit.

    2) L'atelier serait alors en mesure de proposer aux autres ateliers - sur le mode du questionnement ou de la réponse à la sollicitation - des cordages tressés, tressages de tressages, à épisser avec leurs propres cordages tressés et épissés.

    Ainsi, pourrait-il, avec le temps, se relier tous les autres ateliers, présents et à venir.

    Œil épissé, épissé sur un autre œil épissé…

    Contact : Michel Roux, rouxmi@club-internet.fr


    Forum II (avril 2001) - « Habiter poétiquement et prosaïquement le territoire » -

    " Habiter poétiquement et prosaïquement le territoire " - Nos territoires sont dans la tourmente, balayés par des turbulences sociales et environnementales. Et nos gouvernants n'ont de cesse de multiplier les réunions " au sommet " pour trouver " le " scénario qui apportera l'embellie… Loin de vouloir les décourager, nous pouvons aussi y contribuer à notre manière : en renversant l'échelle de nos approches et en nous demandant s'il ne serait pas plus " raisonnable " de penser l'harmonie de nos territoires à partir d'une élucidation collective des projets de leurs habitants. En effet, on est en droit de supposer que ceux qui, à leur échelle, sont en position de façonner " poétiquement " des espaces ouverts et aimés, ici et maintenant, seront les meilleurs artisans d'un développement durable de la " Terre patrie ".

    C'est à cette réflexion que vous convie l'atelier 28, à partir du texte Le ré-enchantement du territoire (M. Roux). Si cette proposition vous suggère des ouvertures ou vous rappelle des cheminements familiers, si vous y décelez des impasses, des embûches ou des contradictions, nous attendons vos réactions pour que commence notre travail d'épissure.

    Adressez vos contributions à : jean-paul.ferrier@wanadoo.fr ET rouxmi@club-internet.fr

    Manifestations de l'atelier
    Bio/bibliographie des membres actifs

    Fonctions des participants :

    - J.-L. Le Moigne est professeur émérite à L'Université d'Aix-Marseille.

    - J.-P. Ferrier est professeur de géographie à l'Université d'Aix-Marseille I.

    - M. Roux est maître de conférences en géographie et directeur de l'iup " Aménagement maritime et littoral, local et régional " à l'Université de Bretagne Sud.

    Ouvrages :

    - Ferrier J.-P., Antée 2. Le contrat géographique ou l'habitation durable des territoires, Payot Lausanne, 1998, (256 p).

    - Ferrier J.-P., Antée 1. La géographie, ça sert d'abord à parler du territoire ou le métier des géographes, Edisud, 1984, (302 p).

    - Sauzet M., Berque A., Ferrier J.-P., entre japon et Méditerranée. architecture et présence au monde, Masson, 1999, (190 p).

    - Roux M., Géographie et Complexité, les espaces de la nostalgie, L'Harmattan, 1999, (336 p).

    - Roux M., L'imaginaire marin des Français - Mythe et Géographie de la mer, Préface de P. Claval, L'Harmattan, 1997, (220 p).

    - Roux M., Le Désert de sable, l'imaginaire saharien des Français 1900-1994, Préface de Théodore Monod, L'Harmattan, 1996, (208 p).


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